Aptamères et électrophorèse capillaire
Caractérisation de l’aptamère anti-lysozyme par CEESI/MS
L’aptamère dirigé contre le lysozyme est un oligonucléotide ADN de 30 bases dont voici la séquence : 5’-ATC AGG GCT AAA GAG TGC AGA GTT ACT TAG-3’. Sa masse moléculaire est de 9320 Da. Afin de visualiser le spectre de masse de l’aptamère, l’électrophorèse capillaire a été couplée à une détection par spectromètre de masse (MS) à analyseur quadripolaire, via une interface d’électronébulisation (ESI) à liquide additionnel coaxial. Cette interface se présente sous la forme de trois capillaires concentriques coaxiaux (Figure 1) : le capillaire en silice vierge utilisé pour la séparation électrophorétique est entouré par deux capillaires en acier inoxydable (capillaire central et capillaire externe) assurant respectivement l’écoulement du liquide additionnel et du gaz nébulisant (air ou azote) favorisant le processus d’évaporation des ions lors de l’électronébulisation. L’ajout d’un liquide additionnel permet d’augmenter le débit du fluide sortant du capillaire de séparation (de l’ordre de quelques centaines de nL/min) afin d’atteindre des débits compatibles avec le spectromètre de masse (de l’ordre de quelques µL/min). L’ionisation de l’aptamère, chargé négativement du fait de la présence de groupements phosphate sur les bases nucléiques, est réalisée en mode négatif ; un faible pourcentage (0,1%) de triéthylamine (TEA) est donc introduit dans le liquide additionnel hydro-organique (méthanol-eau 50:50) afin de favoriser l’ionisation de l’aptamère. L’appareillage utilisé est un système HP3DCE (Agilent Technologies, Waldbronn, Allemagne) équipé d’un détecteur à barrette de diodes, couplé à un spectromètre de masse simple quadrupole Agilent Series 1100 MSD (Agilent Technologies) via une interface ESI à liquide additionnel coaxial (Agilent Technologies). Le liquide additionnel est acheminé vers l’interface par une pompe HPLC isocratique Agilent Series 1100. Les données sont traitées à l’aide du logiciel HPChemstation. 1. Infusion directe Une solution aqueuse d’aptamère anti-lysozyme à 200 µM a été infusée (i.e. poussée par pression) directement dans le spectromètre de masse, via un capillaire en silice vierge. La détection du front de l’aptamère est réalisée simultanément par absorbance UV sur l’appareil de CE, et par MS en mode balayage de 500 à 2000 m/z. L’intégration du massif obtenu en mode balayage permet d’accéder au spectre de masse de l’aptamère.
Optimisation de la tension de fragmentation
Une tension de fragmentation (également appelée tension de cône) comprise entre 50 et 400 V a été imposée afin d’étudier son influence sur l’allure des spectres de masse obtenus (Figure 2). Pour une tension de fragmentation de 50 ou 100 V, un spectre de masse caractéristique de l’aptamère est observé (Figure 2A et B). Le maximum d’abondance est légèrement supérieur à 100 V par rapport à 50 V (73 et 52, respectivement) ; en outre, le spectre obtenu à 100 V semble mieux résolu. En revanche, lorsque la tension de fragmentation est supérieure ou égale à 200 V, le spectre n’est plus observé (Figure 2C et D), sans doute du fait d’une dégradation trop importante de la molécule. La tension de fragmentation optimale a donc été fixée à 100 V. Il est à noter que le maximum d’absorbance dans ces conditions d’analyse est très faible, dénotant une mauvaise sensibilité qui peut partiellement s’expliquer par l’ionisation en mode négatif. La limite de détection est estimée à 50 µM, contre environ 2 µM en absorbance UV, soit une sensibilité 25 fois plus faible.
Analyse du spectre de masse de l’aptamère
Le spectre de masse de l’aptamère a été enregistré dans les conditions précédentes, en fixant la tension de fragmentation à 100 V (Figure 3).Celui-ci correspond bien au spectre théorique calculé pour la gamme balayée (Tableau 1). Tableau 1 : spectre de masse théorique de l’aptamère anti-lysozyme (M = 9320 Da) entre 500 et 200 m/z. z -5 -6 -7 -8 -9 -10 -11 -12 -13 -14 -15 -16 m/z théo 1863 1552 1330 1166 1034 931 846 776 716 664 620 581 Pour chaque m/z, on observe un massif constitué d’un ensemble de pics, ce qui pourrait provenir de la formation d’adduits avec les éventuels sels, issus de l’étape de synthèse et/ou de purification et présents à l’état de traces dans la solution d’aptamère. Le calcul du surplus de masse par rapport à la masse théorique de l’aptamère (9320 Da) suggère notamment l’existence d’adduits avec le sodium (M = 23,0 g.mol -1), le calcium (M = 40,1 g.mol-1) et la TEA (M = 101,2 g.mol-1) (Tableau 2).
Migration électrophorétique
Une petite zone d’aptamère a ensuite été injectée afin d’effectuer sa migration électrophorétique dans un tampon formiate de sodium 10 mM (pH 8,9) compatible avec le spectromètre de masse. La détection MS s’effectue dans les conditions optimales définies précédemment, en enregistrant simultanément un signal en mode balayage 500 – 2000 m/z et deux signaux en mode d’ion sélectionné (SIM) pour m/z = 620,9 et 666,8 (correspondant à des taux de charge de -15 et -14, respectivement). Les profils obtenus sont présentés Figure 4.Huit injections successives ont été réalisées afin de tester la répétabilité des mobilités, des aires et des abondances (Tableau 3). Le marqueur neutre utilisé (formamide) n’étant pas détecté en MS (m/z < 50), la détermination de la mobilité électroosmotique est effectuée en détection UV à 200 nm. La mobilité apparente de l’aptamère présente une faible déviation standard (< 3%) quel que soit le mode de détection, ce qui traduit une répétabilité tout à fait acceptable. La mobilité apparente déterminée en mode SIM est comparable, quoique légèrement supérieure à celle obtenue en détection UV (+6%). Le rapport des temps de migration obtenus en détection MS et UV (respectivement ~10 min et ~2,5 min, soit un rapport de 4) correspond au rapport des longueurs effectives (respectivement 80 et 20 cm). Les pics obtenus en mode SIM présentent des valeurs d’abondance très dispersées (RSD 25- 30%). Cette dispersion peut s’expliquer en partie par la répétabilité médiocre de l’injection, révélée par la dispersion des aires obtenues en détection UV (RSD 14%).
ANNEXE 1 : CARACTERISATION DE L’APTAMERE ANTI-LYSOZYME PAR CE-ESI/MS |