Les attitudes de l’enseignant dans la construction de l’autorité (CE1)
Qu’est-ce que l’autorité ?
Définition
L’autorité se définit dans sa dimension première comme le droit de commander, le pouvoir d’imposer l’obéissance à un sujet, d’après le dictionnaire Larousse. Ce pouvoir s’exerce dans différentes sphères de la société, et ce, depuis toujours. Ainsi, en France, on peut parler d’une autorité politique, incarnée par la personne du président de la République ; d’une autorité religieuse, représentée par le Pape de Rome en ce qui concerne l’Eglise catholique, par exemple. Une personne, ou une institution, se voit ainsi conféré le droit de commandement sur un sujet ou un ensemble de sujets, qui s’exerce dans un domaine défini. Nous allons nous intéresser, dans ce mémoire, à l’autorité éducative, c’est-à-dire l’autorité qui s’exerce à l’Ecole en la personne du professeur des écoles. Celui-ci dispose d’un pouvoir, qui lui est attribué en vertu de plusieurs critères. Dans un premier temps, l’autorité de l’enseignant est une autorité statutaire, c’est-à-dire conférée par le statut. Cette caractéristique de l’autorité se justifie par l’étymologie du mot, dérivé du latin potestas. Bruno Robbes2 évoque ce sens que prend l’autorité par l’expression : « être l’autorité ». Le professeur des écoles est donc en droit d’exercer une autorité du fait de sa fonction, légitimée par l’institution d’une part. Il s’agit de l’autorité que l’enseignant exerce sur l’élève. D’autre part, le professeur des écoles jouit également d’un pouvoir, du fait de la composante générationnelle de son statut : l’enseignant est un adulte, qui exerce une autorité 2 Ibid. 6 sur un enfant. De par ces deux composantes de l’autorité de statut, l’enseignant « est autorité », autorité légitime du fait du statut. Dans un deuxième temps, l’autorité est autorité de savoir. L’enseignant dispose de savoirs disciplinaires larges, acquis et mis en pratique lors de sa formation. Il s’agit de savoirs didactiques et pédagogiques, qu’il doit dispenser aux élèves de sa classe. Le professeur des écoles mobilise ces différents savoirs suivant la situation rencontrée, l’élève concerné, la classe qui lui est attribuée. Bruno Robbes évoque notamment les compétences concernant les dispositifs pédagogiques, et les savoirs communicationnels, qu’il regroupe sous la désignation « faire autorité ». L’enseignant « fait autorité » en classe, du fait de ses capacités et compétences spécifiques. Enfin, l’étymologie du mot « autorité » permet de prendre en compte l’ascendant personnel de l’enseignant. En effet, le mot latin auctoritas, duquel dérive le mot « autorité », renvoie au charisme personnel du professeur des écoles. Pour Bruno Robbes, la confiance en soi et la responsabilité de l’enseignant représentent également une part importante dans l’exercice de l’autorité éducative. L’enseignant « a de l’autorité ». Martine Boncourt, dans son ouvrage « L’autorité à l’école, mode d’emploi » évoque également cette dimension lorsqu’elle écrit que l’enseignant doit avoir « la conviction d’être à sa place » 3 . Ainsi, la clé de voûte de l’autorité éducative semble résider dans cette capacité de l’enseignant à être sûr de lui, à assumer son statut et ses choix, et à mettre en place et maintenir un climat de classe propice aux apprentissages. L’autorité éducative renvoie à l’exercice de ces trois types d’autorités décrites ci-dessus, qui sont en constante interaction et indissociables les unes des autres. Ainsi, un enseignant dont la compétence est remise en question rencontrera des difficultés dans la gestion de classe malgré son autorité de statut indiscutable et la maitrise de savoirs sans doute savants et complexes.4 Bruno Robbes propose cette définition de l’autorité éducative : « l’autorité est une relation statutairement asymétrique dans laquelle l’auteur, disposant de savoirs qu’il met en action dans un contexte spécifié, manifeste la volonté d’exercer une influence sur l’autre reconnu comme sujet, en vue d’obtenir de sa part et sans recours à la contrainte physique une reconnaissance que cette influence lui permet d’être à son tour auteur de lui-même » présente l’autorité éducative sous la forme d’un triangle : à chaque angle correspond l’un des types d’autorité définie ci-dessus, autorité statutaire, autorité de capacité et compétence, autorité de l’auteur ; le centre du triangle, qui doit être parfaitement régulier et équilibré, constitue l’autorité éducative.
Les caractéristiques de l’autorité
La relation d’autorité induit une relation d’asymétrie entre l’enseignant et l’élève. Ainsi, l’enseignant est en position de pouvoir vis-à-vis de l’élève. Comme je l’évoquais dans l’introduction, l’Ecole n’est pas une démocratie, et l’enseignant est maitre dans sa classe. L’élève lui doit obéissance. Cependant, le rapport d’asymétrie, qui découle du statut de l’enseignant, n’est pas suffisant pour garantir l’autorité. Face à l’imposition d’un pouvoir autoritaire, justifié par le statut, l’élève est alors soumis. La soumission de l’élève ne permet pas son développement en tant que sujet, et va donc à contre-sens des finalités de l’Ecole. Un tel type d’autorité était courant et banalisé il y a encore un siècle, mais est aujourd’hui considéré comme une dérive autoritariste de l’autorité éducative. De plus, un rapport d’asymétrie exacerbé risque également d’entrainer une réaction de rejet de l’autorité par l’élève. Ainsi, il est important d’instituer également dans la relation d’autorité une reconnaissance et un respect mutuels entre le maitre et ses élèves. L’enseignant respecte ses élèves en tant que personnes, élèves, et citoyens en devenir, et ceux-ci le respectent également en tant que personne, adulte, et enseignant. Bruno Robbes justifie cette relation de respect, d’autant plus importante qu’elle permet aux élèves d’accepter avec souplesse l’autorité de statut : « Je m’applique à moi-même ce que j’exige d’eux. » 6 . La tension entre asymétrie et symétrie est donc au cœur de l’autorité éducative et ne doit pas être négligée. Il s’agit de trouver un équilibre entre asymétrie et symétrie, afin d’éviter d’entrainer l’élève vers la soumission. Cependant, il faut également veiller à ne pas laisser une trop grande part de liberté à l’élève. Celui-ci est un individu en construction, qui doit développer des compétences d’initiative et d’autonomie, mais cela ne peut se faire dans un cadre scolaire laxiste. L’élève n’est pas l’égal de l’enseignant. Il doit cependant être considéré comme un sujet libre d’accepter ou de refuser l’influence de son enseignant, puisque, comme je l’ai expliqué, il est impossible de construire une autorité éducative en l’imposant par le statut. Comme l’évoque 6 ROBBES Bruno, L’autorité éducative dans la classe, op. cit., p72. 8 Bruno Robbes, l’enseignant doit être capable « d’obliger l’élève à adhérer librement » 7 , et donc de trouver un équilibre entre la soumission sans condition, et la liberté absolue. Bruno Robbes évoque cet équilibre par la tension dialectique « soumission, contrainte/autonomie, liberté ». Il explique que l’autorité doit dépasser cette tension dialectique et se situer dans la sphère de l’obéissance et du consentement. L’autorité éducative ne peut admettre la soumission de l’élève, mais il n’est pas pertinent de lui laisser une totale liberté. Ainsi, il est nécessaire que l’élève progresse vers l’autonomie tout au long de sa scolarité, mais il doit également accepter de composer avec un certain nombre de contraintes propres à l’Ecole, qui garantissent les apprentissages et le développement de l’enfant. Le rôle de l’enseignant est alors de construire et de garantir un équilibre qui permette à l’élève d’expérimenter obéissance et consentement. Ainsi, la soumission ou à l’inverse la liberté, dans leurs extrêmes, représentent des dérives que l’enseignant doit éviter.
Des dérives à éviter
L’enseignant se doit donc d’éviter deux dérives latentes dans la construction de son autorité. Ces dérives sont d’autant plus menaçantes au vu du contexte actuel, qui voit l’autorité de l’enseignant mise à mal par les contestations et revendications des élèves, et parfois même des parents. Le professeur doit puiser dans ses ressources pour faire face à cette remise en cause. Les dangers qui menacent son autorité sont ceux de l’autoritarisme et de la permissivité, que j’ai déjà brièvement évoqués. A)L’autoritarisme L’autorité se définit dans son sens premier comme le pouvoir d’imposer l’obéissance. Ce pouvoir peut être exercé de manière exagérée par certains enseignants, au cours de leur carrière. Ainsi, l’autoritarisme est une dérive de l’autorité qui consiste à rechercher la soumission de l’élève. Il s’agit de limiter à l’extrême la marge de liberté des élèves, afin que ceux-ci soient dominés par l’enseignant. Cela peut se caractériser par la réduction de leur liberté d’expression d’une part, mais également de leur accès au choix, et de faire face aux cas éventuels d’indiscipline avec fermeté et rigidité. L’enseignant se construit une armure résistante et parfois presque agressive, afin de se protéger et de garantir le maintien de son autorité.
NTRODUCTION |