Apports de la sismologie des étoiles F et G à l’étude des cœurs convectifs
Théorie des oscillations non radiales
Équations de l’hydrodynamique
La matière dans une étoile est assez dense pour pouvoir être considérée comme un fluide et ses grandeurs caractéristiques (ρ, p, T…) vérifient donc les équations de l’hydrodynamique. On donne ici ces équations sous la forme couramment utilisée pour dériver les équations des oscillations stellaires. Dans les étoiles, le nombre de Reynolds est généralement suffisamment grand pour l’on puisse négliger les termes liés à la viscosité du fluide. D’autre part, on néglige également ici les effets de la rotation et ceux du champ magnétique. En l’absence de rotation, on considère l’étoile comme sphérique. On écrit successivement l’équation de conservation de la masse, l’équation du mouvement, l’équation de conservation de l’énergie, l’équation de Poisson et l’équation de transport de l’énergie. ∂ρ ∂t + ∇ · (ρv) = 0 (2.1) ρ ∂ ∂t + v · ∇ v = −∇p − ρ∇Φ (2.2) ρT ∂ ∂t + v · ∇ S = ρε − ∇ · F (2.3) ∇ 2Φ = 4πGρ (2.4) F = Frad + Fconv = −λ∇T + Fconv (2.5) où ρ, p et T sont la densité, la pression et la température du gaz. Le vecteur v est la vitesse des éléments de fluide, Φ le potentiel gravitationnel (∇Φ = g) et ε le taux de génération d’énergie nucléaire. Dans l’étoile, l’énergie est transportée par deux mécanismes principaux : la radiation et la convection. Le flux total F correspond à la somme du flux radiatif Frad et du flux convectif Fconv. Toutefois, la prise en compte dans le développement des équations à la fois du flux convectif et de la vitesse convective des éléments de fluide est très compliquée et la question de l’interaction entre la convection et les oscillations reste un problème ouvert. On se limite généralement dans le développement des équations des oscillations au cas radiatif, en prenant F = Frad et une vitesse convective nulle. On a ici considéré que le flux radiatif peut s’écrire comme un processus diffusif. Les équations 2.1 à 2.5 sont complétées par des équations d’états thermodynamiques.
Forme des fonction propres
Le but n’est pas ici de donner un développement complet des équations des oscillations, qui peut être trouvé dans de nombreux ouvrages (voir e.g. Unno et al. 1989, Christensen-Dalsgaard 2003) mais de faire ressortir les caractéristiques principales des modes d’oscillations. On insiste en particulier sur les aspects liés aux problèmes abordés dans ce travail. Les équations sont fortement non linéaires en les différentes grandeurs qui décrivent le milieu. Toutefois, dans la plupart des stades évolutifs de l’étoile, celle-ci évolue selon le temps caractéristique des réactions nucléaires qui est généralement grand devant le temps d’établissement de l’équilibre thermodynamique et devant le temps qu’il faut pour assurer un équilibre énergétique. On peut alors considérer l’étoile comme étant à tout moment en équilibre hydrostatique et énergétique, ce qui simplifie grandement les choses. En effet, on peut alors traiter les oscillations de l’étoile comme de petites perturbations de cet équilibre, autour duquel on linéarise le système d’équations 2.1 à 2.5. Ces équations sont complétées par des équations d’états thermodynamiques qui permettent de fermer le système. On obtient un système d’équations aux dérivées partielles homogènes et linéaires en les perturbations, dont les coefficients dépendent seulement des quantités d’équilibre (ρ(r), p(r)…) et sont donc indépendantes du temps. On peut alors séparer la dépendance en temps et en les coordonnées spatiales pour les perturbations. On obtient par exemple pour le déplacement radial ξr ξr(t, r, θ, ϕ) = ξr(r, θ, ϕ)e iωt (2.6) Il est à noter que ω est a priori complexe. On réécrit les équations en prenant en compte la dépendance temporelle des perturbations. Dans le système obtenu, les dérivations par rapport aux angles θ et ϕ ne sont pas couplées aux dérivations par rapport à la coordonnée radiale et apparaissent exclusivement sous la forme de l’opérateur ∇2 ⊥ aussi connu sous le nom d’opérateur de Legendre, et défini comme la partie horizontale de l’opérateur Laplacien, i.e. en coordonnées sphériques ∇2 ⊥ = 1 r 2 sin θ ∂ ∂θ (sin θ ∂ ∂θ ) + 1 r 2 sin2 θ ∂ 2 ∂ϕ2 (2.7) On insiste sur le fait que cette propriété n’est plus valide si on prend en compte la rotation dans les équations des oscillations, ou si le flux ne peut plus s’écrire sous la forme d’un processus diffusif. Dans ces conditions, la forme des perturbations peut encore être simplifiée en séparant la dépendance radiale de la dépendance angulaire. On a par exemple pour ξr ξr(t, r, θ, ϕ) = ξr(r)Y (θ, ϕ)e iωt (2.8) où la fonction Y (θ, ϕ) vérifie l’équation [r 2∇2 ⊥ + L 2 ]Y (θ, ϕ) = 0, avec L 2 entier. On montre que les solutions de cette équation sont les fonctions harmoniques sphériques Y m ℓ (θ, ϕ), définie comme Y m ℓ (θ, ϕ) = N m ℓ P |m| ℓ (cos θ)e imϕ (2.9) Les fonctions P |m| ℓ (cos θ) sont les polynômes de Legendre et le terme Nm ℓ est un coefficient de normalisation qui permet d’imposer que R 2π 0 R π 0 [Y m ℓ (θ, ϕ)]2 sin θdθdϕ = 1. Le coefficient L 2 doit être pris sous la forme L 2 = ℓ(ℓ + 1) avec ℓ ∈ N pour que la solution soit régulière. L’indice m doit être un entier relatif tel que |m| 6 ℓ (pour |m| > ℓ, le polynôme de Legendre P |m| ℓ est nul). En résumé, sous les hypothèses effectuées, les modes propres des perturbations s’écrivent comme ξr(t, r, θ, ϕ) = ℜe[ξr(r)Y m ℓ (θ, ϕ)e iωt] (2.10) La Fig. 2.1 représente quelques harmoniques sphériques, qui donnent donc l’allure des modes propres de l’étoile. Les modes propres dépendent donc de trois nombres : • l’ordre radial n, qui correspond généralement au nombre de noeuds que possèdent les fonctions propres le long du rayon de l’étoile (cette propriété cesse d’être vraie lorsque les modes deviennent mixtes, on reviendra sur ce point dans la Sect. 11.3.2). 8 Chapitre 2. Quelques aspects de la théorie des oscillations non radiales 9 Fig. 2.1: Représentation des harmoniques sphériques pour des degrés allant de ℓ = 1 (haut) à ℓ = 4 (bas), et pour des ordres azimutaux allant de m = 0 (gauche) à m = ℓ (droite). • l’ordre azimutal m, qui correspond au nombre de lignes nodales qui suivent un méridien. • le degré ℓ. Le nombre ℓ − |m| correspond au nombre de lignes nodales qui suivent un parallèle. On reviendra plus en détail sur la visibilité des modes dans la Sect. 5.2.5, mais comme la variation de luminosité ou de vitesse radiale observée est intégrée sur une demie-sphère, on peut d’ores et déjà constater que pour les modes de degré ℓ élevé, les différentes contributions doivent s’annuler. Ce phénomène limite sévèrement le degré maximal des modes observables pour les étoiles autres que le Soleil (dont la surface peut, elle, être résolue).
Piégeage des modes
En reportant la forme obtenue pour les perturbations dans les d’équations, on obtient un système de six équations avec pour inconnues le déplacement radial ξr, les perturbations eulériennes de densité ρ ′ , du potentiel gravitationnel Φ ′ , de température T ′ , du flux radial F ′ r et la perturbation lagrangienne de l’entropie δS. Ce système, accompagné des conditions limites au cœur et en surface, peut être inversé pour déterminer les modes propres de pulsations de l’étoile. Dans la pratique, de nombreux codes ont recours à une hypothèse simplificatrice, qui consiste à supposer que les oscillations s’effectuent de façon adiabatique. Dans ce cas, δS = 0, et le développement du système montre que les trois équations issues de la conservation de la masse, de la projection radiale du mouvement et de Poisson deviennent découplées des trois autres équations. Cette approximation est légitime, du fait que les oscillations sont 9 10 2.3. Piégeage des modes effectivement très proches de l’adiabaticité dans la quasi-totalité de l’étoile. En effet, mis à part très proche de la surface, l’échelle de temps thermique est grande devant la période d’oscillation des modes. Et même dans ces zones proches de la surface, les effets non-adiabatiques sont rarement pris en compte car de nombreuses autres incertitudes existent dans ces régions, notamment en ce qui concerne l’interaction entre convection et oscillations. Toutefois, si l’on étudie les mécanismes d’excitation des modes, il est essentiel de prendre en compte les effets non-adiabatiques puisque ce sont eux qui sont à l’origine de l’excitation des modes. Une deuxième hypothèse simplificatrice souvent formulée consiste à négliger les variations du potentiel gravitationnel Φ ′ et est connue sous le nom d’approximation de Cowling. Elle est justifiée par le fait que la contribution d’une partie de l’étoile à Φ ′ est quasiment annulée par la contribution de l’autre partie et elle est d’autant plus légitime que le degré ℓ du mode ou l’ordre radial n est grand. Cette approximation a le mérite de simplifier encore le problème et de rendre possible une interprétation directe des solutions. On se ramène alors à deux équations dp ′ dr = − g c 2 p ′ + (ω 2 − N 2 )ρξr (2.11) dξr dr = g c 2 − 2 r ξr + S 2 ℓ ω2 − 1 p ′ ρc2 (2.12) Ce système fait intervenir deux fréquences caractéristiques qui ont une importance centrale dans l’étude des oscillations stellaires : • la fréquence de Lamb Sℓ , qui dépend du degré du mode et est définie comme S 2 ℓ = ℓ(ℓ + 1)c 2 r 2 (2.13) où c(r) est la vitesse du son. • la fréquence de Brunt-Väisälä définie comme N 2 = g 1 Γ1 d ln p dr − d ln ρ dr (2.14) Pour les modes d’ordre radial n élevé, les fonctions propres varient beaucoup plus rapidement que les grandeurs d’équilibre (à l’exception du voisinage de la surface). C’est sur cette hypothèse que se fonde la méthode JWKB (nommée d’après Jeffreys, Wentzel, Kramers et Brillouin) pour déterminer une expression asymptotique des fréquences propres et des fonctions propres. Ici, on cherche à établir les caractéristiques qualitatives des modes d’oscillation et on néglige les dérivées des grandeurs d’équilibre devant celles des fonctions propres des modes. Dans ce cas, les équations 2.11 et 2.12 peuvent être réécrites comme dp ′ dr = (ω 2 − N 2 )ρξr (2.15) dξr dr = S 2 ℓ ω2 − 1 p ′ ρc2 (2.16) On obtient alors la relation de dispersion suivante d 2 ξr dr 2 − K(r) 2 ξr = 0 avec K(r) 2 = ω 2 c 2 S 2 ℓ ω2 − 1 1 − N2 ω2 (2.17) On distingue deux régimes : 10 Chapitre 2. Quelques aspects de la théorie des oscillations non radiales 11 Fig. 2.2: Diagramme de propagation pour un modèle de 1.3 M⊙ de séquence principale. La fréquence de BruntVäisälä apparaît en rouge et la fréquences de Lamb pour ℓ = 1, en bleu. Les régions grisées correspondent aux zones évanescentes. • si K(r) 2 < 0, alors la fonction propre ξr oscille en fonction du rayon. D’après l’Eq. 2.17, il existe deux cas possibles qui mènent à ce régime : ω > |N| et ω > Sℓ (i) ou ω < |N| et ω < Sℓ (ii) • si K(r) 2 > 0, alors la fonction propre ξr est une exponentielle croissante ou décroissante. Une étude moins approximative (voir e.g. Unno et al. 1989) montre que pour que les valeurs de la fonction propre dans les différentes zones de l’étoile se raccordent correctement, il est nécessaire que les fonctions propres correspondent à une exponentielle décroissante là où K(r) 2 > 0. L’onde est donc évanescente dans ces régions. Les deux cas pour lesquels on est dans ce régime sont : ω > |N| et ω < Sℓ (iii) ou ω < |N| et ω > Sℓ (iv) Les zones de l’étoile où les ondes peuvent se propager dépendent donc de la fréquence et du degré ℓ. Elles sont représentées sur un diagramme de propagation sur la Fig. 2.2. Ces zones correspondent à des types d’oscillations différents selon qu’elles vérifient la condition (i) ou la condition (ii). (i) Dans le premier cas, la fréquence du mode est supérieure à la fois à la fréquence de Lamb et à la fréquence de Brunt-Väisälä. À suffisamment haute fréquence, on peut prendre comme approximation première que ω ≫ |N|. Dans ce cas, l’équation de dispersion (Eq. 2.17) se réduit à K(r) 2 ≃ (S 2 ℓ − ω 2 )/c2 et ne dépend que de la vitesse du son dans le milieu et du degré ℓ du mode. On a alors affaire à des modes acoustiques, dont les forces de rappel sont les forces de pression, de façon analogue aux ondes sonores terrestres. Ces modes sont appelés modes de pression, ou modes p. La Fig. 2.2 montre que ces modes se propagent dans une cavité délimitée par la surface de l’étoile d’une part, et un point tournant, qui correspond à l’endroit où la fréquence du mode est égale à la fréquence de Lamb.
Dans le second cas, au contraire, on peut supposer que ω ≪ Sℓ et la relation de dispersion devient K(r) 2 ≃ ℓ(ℓ + 1)(ω 2 − N2 )/(ω 2 r 2 ). Cette fois-ci, le comportement du mode est déterminé par la fréquence de Brunt-Väisälä, sur laquelle on reviendra dans la partie II. Ces modes sont connus sous le nom de modes de gravité ou modes g car c’est la force de gravité qui joue le rôle de force de rappel. Dans une zone convective, la fréquence de Brunt-Väisälä est négative, ce qui rend nécessairement les modes g évanescents. Dans les pulsateurs de type solaire, qui possèdent une enveloppe convective, l’amplitude des modes g est donc très faible à la surface, ce qui les rend très difficiles à observer. De gros efforts sont aujourd’hui déployés pour les détecter car ils sont principalement sensibles au cœur, contrairement aux modes de pression. Certaines structures compatibles avec la signature de modes g pourraient avoir été détectées avec GOLF (Turck-Chièze et al. 2004), mais il n’existe pas actuellement de consensus sur cette possible détection. Au début de la vie d’une étoile dans la séquence principale, le domaine de fréquences des modes de gravité est nettement séparé de celui des modes de pression. Mais à mesure que l’étoile évolue, la fréquence de Brunt-Väisälä augmente au cœuren raison de l’augmentation de densité et il finit par exister un recouvrement entre les deux domaines. Il est alors possible qu’un mode présente à la fois un caractère g vers le centre et un caractère p vers la surface. On reviendra dans la Partie II sur ce type de modes qui sont dits mixtes et qui présentent un très grand potentiel en terme de diagnostics sismiques.
Approximation asymptotique
Pour déterminer les fréquences des modes propres d’une étoile, on a généralement recours à une résolution numérique des équations des oscillations. On peut aussi calculer ces fréquences analytiquement en utilisant une méthode asymptotique (voir Tassoul 1980, Unno et al. 1989). Les fréquences ainsi obtenues ne sont valables que pour des ordres radiaux élevés, mais l’obtention d’une expression analytique des fréquences permet de dégager les principales caractéristiques des modes de pression et de gravité. De plus, pour les oscillations de type solaire, c’est le temps caractéristique de la convection dans la zone super-adiabatique de l’enveloppe qui sélectionne les modes excités. Or, celui-ci correspond généralement aux périodes de modes d’ordres radiaux relativement élevés (n > 10 pour les étoiles présentées dans ce travail de thèse). La méthode consiste à repartir du système d’équations adiabatiques dans l’approximation de Cowling (Eq. 2.11 et 2.12), de déterminer asymptotiquement la forme des fonctions propres entre deux points tournants consécutifs, et de raccorder ensuite ces tronçons.
Remerciements |
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