Identification de mécanismes de régulation des fonctions des interférons
Les récepteurs des IFNs
Les IFNs de type I se lient à un récepteur commun composé de deux chaînes, IFNAR1 et IFNAR2, dont les gènes se trouvent sur le chromosome 21. IFNAR1 est une protéine transmembranaire de 110 kDa dont l’ADNc a été cloné en 1990 (Uze et al., 1990). IFNAR2 a été purifiée quatre ans plus tard, puis caractérisée en 1995 (Domanski et al., 1995; Novick et al., 1994). IFNAR2, également transmembranaire, existe sous deux formes résultant d’un épissage alternatif du même gène : une forme de 55 kDa dont la partie intracellulaire est courte (IFNAR2b) et une forme longue (IFNAR2c) d’environ 95 à 100 kDa (Mogensen et al., 1999). La forme courte est non fonctionnelle. Dans la suite de ce manuscrit, nous considérerons par l’abréviation IFNAR2 uniquement la forme longue. L’unique IFN de type II, l’IFN-γ, se lie à un récepteur composé également de deux chaînes, IFNGR1 (90 kDa) et IFNGR2 (62 kDa). Le gène codant pour IFNGR1 est localisé sur le chromosome 6, son ADNc a été cloné en 1988 (Aguet et al., 1988). IFNGR2, qui a été isolé en 1994, est localisé sur le chromosome 21 (Soh et al., 1994). La liaison de l’IFN-γ induit la formation d’un complexe tétramérique composé de deux de chacune des deux chaînes du récepteur (figure 3). Si IFNAR est exprimé par une majorité de cellules, IFNGR est exprimé principalement par les macrophages, les monocytes, les cellules B et les cellules endothéliales. I.II.2 Formation du complexe ligand-récepteur pour l’IFN de type I o Sites de liaison Les IFNs de type I se lient à IFNAR2 au niveau des boucles 43-53, 76-80 et des résidus interdomaines 100-110 (figure 4) (Chill et al., 2003). IFNAR1 possède plusieurs domaines structuraux fibronectine de type III (FNIII). Des études in vitro ont montré que les trois domaines FNIII N-terminaux sont requis pour la reconnaissance du ligand. De plus, la liaison de l’IFN induit un changement conformationnel du domaine extracellulaire d’IFNAR1 (Lamken et al., 2005). Tous les IFNs de type I se lient au même épitope sur IFNAR2, bien qu’ils présentent des centres de liaison différents (Peleg-Shulman et al., 2004). Les IFN-α et –β lient également le même épitope sur IFNAR1 (Uze et al., 2007). o Affinités des IFNs de type I pour les deux sous-unités du récepteur Les IFNs de type I se lient à IFNAR2 avec une affinité beaucoup plus forte que pour IFNAR1, de 1000 fois supérieure. Il existe aussi des différences d’affinité entre les sous-types d’IFNs de type I pour IFNAR2 et IFNAR1. Ainsi, les affinités pour IFNAR2 vont de 100 nM (IFN-α1) à 100 pM (IFN-β). Les affinités pour IFNAR1 sont seulement de l’ordre du µM, à l’exception de l’IFN-β qui se lie à IFNAR1 avec une affinité plus élevée (Kd = 100 nM). Les différences d’affinité avec lesquelles les IFNs de type I lient leur récepteur ont été impliquées dans des différences de signalisation (Jaks et al., 2007). o Formation du complexe ternaire IFNAR1-IFNAR2-IFN Les données d’analyse fonctionnelle d’IFNAR1 et IFNAR2 et les études de liaison qui ont été réalisées jusqu’alors sont en faveur d’un complexe entre IFNAR1, IFNAR2 et IFN présentant une stoechiométrie 1:1:1 (Uze et al., 2007). Aucune interaction entre les deux sous-unités du récepteur n’a pu être observée (Lamken et al., 2004), l’existence d’un complexe pré-assemblé à la membrane plasmique peut donc être exclue. En accord avec les études de liaison qui ont été réalisées, un mécanisme de liaison à deux étapes a été expérimentalement confirmé, dans lequel l’IFN se lie d’abord à une sous-unité puis recrute l’autre (figure 5) (Gavutis et al., 2005). Deux voies différentes possibles sont représentées (figure 5). Si la liaison initiale de l’IFN à IFNAR2 semble plus probable en raison de sa haute affinité (voie 1), la voie 2 dans laquelle l’IFN se lie d’abord à IFNAR1 est aussi possible (Gavutis et al., 2006). La disponibilité d’IFNAR1, dont les concentrations sont souvent basses, semble être l’élément limitant dans la formation du complexe ternaire.
Voies de signalisation des IFNs
Si l’on pensait à l’origine que toute la signalisation des IFNs se faisait par la voie JAK/STAT, il est aujourd’hui évident que cette voie seule n’est pas suffisante pour l’induction de tous les effets biologiques des IFNs. D’autres voies de signalisation, telles que la voie des MAP kinases et la voie de la PI3 kinase, sont également impliquées. La modulation de la signalisation des IFNs apparaît être réellement complexe, dépendant de nombreux paramètres et aboutissant à des réponses différentes. I.III.1 La voie JAK/STAT La voie de signalisation majeure et la mieux connue induite par les IFNs est la voie JAK (Janus Activated Kinase) – STAT (Signal Transducer and Activator of Transcription) (Platanias, 2005; Stark et al., 1998). Cette voie de signalisation a été découverte dans les années 1990 lors des recherches sur les voies de signalisation induites par les IFNs (Fu et al., 1992; Velazquez et al., 1992). Chaque sous-unité des récepteurs aux IFNs est liée constitutivement à un membre de la famille des JAKs. Ainsi, IFNAR1 est liée à TYK2 (tyrosine kinase 2) et IFNAR2 à JAK1, IFNGR1 est liée à JAK1 et IFNGR2 à JAK2, quant aux sous-unités du récepteur du type III, IL-10R2 est liée à TYK2 et IFNLR1 à JAK1 (figures 3 et 6) (Platanias, 2005; Sadler and Williams, 2008). La liaison de l’IFN à son récepteur induit la dimérisation des sous-unités du récepteur puis l’autophosphorylation et la transactivation des JAKs associées, qui ensuite phosphorylent et activent les STATs. Une fois activées, les STATs se dimérisent et sont transportées dans le noyau où elles initient la transcription des gènes stimulés par les IFNs (ISGs) (Stark, 2007; Stark et al., 1998). Dans le cas de l’IFN de type I, STAT2, qui est liée constitutivement à IFNAR2, est recrutée suite à son activation sur la tyrosine 466 (Tyr 466 ) d’IFNAR1, préalablement phosphorylée par TYK2. STAT2 recrute ensuite STAT1, qui peut seulement alors être activée par phosphorylation sur sa Tyr 701 (figure 6) (Mogensen et al., 1999). L’IFN-γ, quant à lui, induit la phosphorylation des Tyr 440 des deux sous-unités IFNGR1, qui peuvent alors recruter STAT1 (Shuai et al., 1992). L’IFN de type I induit la formation d’hétérodimères STAT1-STAT2, qui s’associent ensuite à l’IRF9 (IFN Regulatory Factor 9, aussi connu sous le nom de p48) pour former le complexe de transcription ISGF3 (ISG factor 3). Ce complexe se lie aux éléments ISREs (IFN stimulated response elements) qui sont présents dans les promoteurs de certains ISGs, initiant ainsi leur transcription (Platanias, 2005). L’IFN-γ induit la formation d’homodimères STAT1-STAT1 qui constituent le complexe GAF (IFN-γ activation factor), qui se lie à des éléments différents, les éléments GAS (IFN-γ activated site). Comme l’IFN de type I, l’IFN de type III induit la formation de l’ISGF3. L’IFN de type I, de façon mineure, peut aussi induire la formation d’homodimères STAT1-STAT1, mais l’IFN-γ ne peut pas induire la formation d’hétérodimères STAT1-STAT2 ; l’activation des promoteurs contenants des ISREs est donc spécifique aux IFNs de type I et de type III (Platanias, 2005; Sadler and Williams, 2008)
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