L’île Seguin et les rives de Seine après la fermeture de l’usine Renault
En 1990, la Régie d’Etat Renault change de statut et devient une Société Anonyme à capitaux d’Etat. L’Etat est encore engagé { 80%, en 1994 { 53%, puis en 1996 { 47% minoritaire, ce qui confirme la privatisation de l’entreprise. En 2003, la création de la ZAC du site de « l’île Seguin-Rives de Seine », engendre de nombreux conflits politiques, aussi bien locaux que nationaux. En effet, chacun veut profiter de l’aubaine pour marquer son empreinte politique, culturelle ou économique par la réalisation d’un grand projet symbolique sur un ensemble de terrains disponibles, d’une superficie totale de 50 hectares constructibles et idéalement placés aux portes de Paris. 42 Le deuxième chapitre mettra en application et adaptera au cas spécifique du conflit de l’île Seguin, une grille d’analyse théorique de conflits préalablement proposée à la conclusion de l’état de l’art de ce Projet de Fin d’Etudes. Afin de conserver une maîtrise sur le projet, l’Etat, se positionne, dès le 6 décembre 1989, par la personne de Michel Rocard Premier Ministre qui propose de lancer une « Opération d’Intérêt National » en concertation avec les Collectivités.43 L’IAURIF (Institut d’Aménagement et d’Urbaniste de la Région Ile de France), le paysagiste Alexandre Chemetoff, et l’Inspecteur des Finances, Jean-Eudes Roullier, Délégué à la Recherche et { l’Innovation au Ministère de l’Equipement, missionné par Michel Rocard, réalisent une étude sur les enjeux et les prospectives de l’aménagement des terrains de Boulogne Billancourt et de Meudon.
Dans son étude paysagère, Alexandre Chemetoff cherche quels axes visuels, quelles circulations à dégager, quels aménagements proposer pour les coteaux de Meudon, comment et où franchir la Seine, comment constituer un système des îles, comment remettre en valeur certains sites (Manufacture de Sèvres, parc de Brimborion, berges…).44 Jean-Eudes Roullier, préconise un aménagement durable, avec une densité modérée, une conservation du patrimoine, une construction de 50 à 70% du terrain Renault pour y loger des étudiants, enseignants, chercheurs et gens aux revenus modestes, une création de 4 000 logements, des bureaux et une implantation d’un équipement rayonnant : « la cité scientifique ». En 1993, profitant du changement de majorité politique et du conflit existant autour du SDRIF (Schéma Directeur de la Région Ile de France) entre les élus locaux de la Région Ile-de- France et l’Etat qui est déj{ accusé d’ingérence, Paul Graziani soumet un contre-projet, hautement provocateur « La Cité Bleue ». Par ce projet, la commune de Boulogne Billancourt cherche à compenser rapidement le départ de Renault. En effet, l’entreprise représentait 44 % du produit de la taxe professionnelle et 27 % de l’ensemble de ses recettes fiscales.46 Mais en 1994, une des filiales immobilières de Renault (avec un Etat encore majoritaire dans le capital de l’entreprise), la Sicofram, prend l’initiative de faire appel { six cabinets d’architectes internationaux ; Chaix et Morel, Chemetov, Rogers, Robert et Reichen, Piano, Tschumi), dans le but de valoriser les terrains de l’île Seguin.
Le nouveau Maire, Jean-Pierre Fourcade, ancien Maire de la commune voisine de Saint-Cloud et appuyé par Charles Pasqua, crée dès 1995 le « Syndicat Mixte du Val-de-Seine » associant l’Etat, la Région, le Département des Hauts de Seine, les communes de Saint-Cloud, Sèvres, Boulogne-Billancourt, Meudon, Issy-Les-Moulineaux et Vanves. Figure 22 : Le projet de Jean-Pierre Buffi, 1998. L’idée forte de ce projet est de réunir les trois sites par un parc promenade. De grands îlots résidentiels organisés autour de jardins occupent l’île sans couper la vue depuis les coteaux. A Meudon, une place autour de la gare et un jardin permettent une urbanisation en bandes au pied du coteau. « C’est un vaisseau de pierre, régulièrement et largement percé sur ces flans. La continuité de l’eau lui confère cette noblesse, qui d’habitude n’appartient qu’aux châteaux ou aux ouvrages militaires. C’est aussi beau que les kraks des Chevaliers. C’est le krak des ouvriers.(…) Il ne s’agit plus de ne pas désespérer Billancourt : aujourd’hui Boulogne assassine Billancourt. L’Ouest chic peut enfin s’affranchir de la promiscuité. Restons entre nous. L’ouvrier est sale ; son usine est laide.(…) L’important est qu’un tel lieu devienne un lieu de vie, un lieu d’épanouissement. (…) La mémoire est à conserver, la poétique du lieu à enrichir. Les projets nient complètement le génie du lieu, comme s’il ne s’était rien passé. On fait l’économie de l’Histoire.(…) » 47