TOPONYME ET GUIDE TOURISTIQUE

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Du nom propre au toponyme

Le nom propre est ce qu’on trouve partout dans les actes de communication comme dans les conversations courantes ou les médias. Comme le constate Jean MOLINO : « Dans le langage, il [le nom propre] est partout et son importance apparaît partout […] » (1982 : 5), il est tout le temps employé dans la vie quotidienne et indispensable dans toutes les sociétés pour répondre aux besoins particuliers d’individualisation et également à un besoin social de distinguer des individus ou des objets particuliers. Par exemple on ne peut pas apprendre l’histoire ou la géographie sans les noms propres. Grâce au principe d’économie du nom propre, on peut se référer à un individu sans faire le détour par une description définie qui en décrirait toutes les propriétés possibles. Le nom propre occupe une place importante dans diverses disciplines comme la philosophie, la logique, l’ethnologie, l’anthropologie, la linguistique, la psychologie, etc. Mais chaque discipline envisage le problème dans une perspective différente. Il est en effet un objet d’étude depuis l’Antiquité. Les Stoïciens ont inventé une catégorie grammaticale de nom (ou nom propre) ou onomas en le définissant comme « une partie du discours qui met en évidence une qualité propre, comme « Diogène », « Socrate », par opposition à l’appellation (ou nom commun) ou prosègoria qui signifie une qualité commune comme « homme », « cheval » (Diogène de Babylone, cité dans Brunschwig 1984 : 7). À partir de cette définition qui est la plus ancienne et la plus courante (Vaxelaire 2005 : 15), le nom propre fait référence à un individu unique et désigne seulement un objet singulier et non une classe d’objets. Autrement dit, le nom propre apparaît comme une étiquette correspondant à un objet unique et tout nom qui nomme une entité individuelle dans un énoncé peut être considéré comme un nom propre : une personne, un lieu, un événement, etc. Cette définition plutôt simple marque pourtant de clarté. De fait, il est assez difficile de répondre à la question « Qu’est-ce qu’un nom propre ? ». Comme cette catégorie grammaticale est l’objet d’études de chercheurs appartenant à des domaines divers comme les logiciens, les grammairiens, les linguistes, chacun lui donne une importance spécifique selon l’optique qu’il a choisie de sorte qu’on trouve plusieurs définitions fondées sur des critères variables. Henriette WALTER remarque que selon les ouvrages consultés (comme les dictionnaires et les grammaires rédigées par les grammairiens et les linguistes), le nom propre est sémantiquement caractérisé pour désigner une entité unique. Il s’agit d’un individu, d’un concept, d’un événement, d’un lieu ou d’un objet (1995 : 237). Ainsi, tandis que le nom commun capitale renvoie à la classe des capitales, à la capitale en général ou à toutes les capitales possibles, le nom propre Bangkok ne renvoie qu’à un individu (au sens d’une « entité individuelle » nommée Bangkok) à Bangkok la capitale de la Thaïlande. En fait, il existe encore plusieurs critères définitoires du nom propre à différents niveaux. Nous les étudierons dans cette partie. 

 

Qu’est-ce qu’un nom propre ?

La définition du nom propre proposée dans la grammaire moderne apparaît acceptable mais souvent incomplète. Prenons la définition de Maurice GREVISSE et André GOOSSE (2016 : 634-635) dans Le Bon Usage ; ils proposent de distinguer entre le nom commun et le nom propre sur une base sémantique. Le nom propre ne possède pas selon ces auteurs de signification spécifique, il s’attache à ce qu’il désigne par un lien qui n’est pas sémantique, mais par une convention qui lui est particulière. Quant au nom commun, il est  pourvu d’une signification, d’une définition, et il est employé en fonction de cette signification pour désigner une classe d’objets, une catégorie ou un concept. Marie-Noëlle GARY-PRIEUR révèle sans doute sa réflexion personnelle sur la description du nom propre dans les grammaires en regrettant l’insuffisance des analyses syntaxiques du nom propre : « La situation des noms propres dans les grammaires peut se résumer de la façon suivante : distingués d’abord des noms communs sur la base sémantique (désignation d’un individu/d’une espèce, ils sont ensuite plus ou moins oubliés dans le chapitre consacré au nom, mais ils réapparaissent comme cas particuliers sur le plan morphologique (problème du genre et du nombre). On notera l’absence de toute dimension syntaxique. » (1991a : 7) Par conséquent pour définir le nom propre, il faut considérer ses caractéristiques propres sous différents aspects : critère graphique, critère lexicographique, critère morphosyntaxique ou critère sémantique. Dans cette perspective les critères définitoires importants du nom propre seraient ceux que nous détaillons ci-dessous. 

La majuscule initiale

Dans les grammaires normatives, la majuscule initiale est, à l’écrit, considérée comme critère définitoire ou marque spécifique du nom propre comme le constatent Maurice GREVISSE et André GOOSSE (2016 : 635) : « Les noms propres s’écrivent par une majuscule. » On peut marquer cette propriété très souvent dans le cas des noms de personnes (Emmanuel, Marine), des noms de lieux (Bangkok, France), des noms d’institutions (la Sorbonne, la Maison Blanche), des titres d’œuvres (le Petit Prince, La Liberté guidant le peuple) ou des événements (la Révolution française, Noël). Pourtant, ce critère ne peut pas toujours confirmer le statut du nom propre en français car on ne peut considérer que tous les mots commencés par une majuscule concernent ce qui est unique et spécifique. On peut trouver certains noms communs commençant par une majuscule à l’instar des noms de peuples 8 (les Français, les Alsaciens) qui désignent des ensembles de peuples tandis qu’une minuscule est mise aux noms de langues (le français, le thaï). D’ailleurs, dans le cas de la fonction de déférence, les noms communs sont également commencés par une majuscule comme Professeur Martinet, chère Madame. Dans le cas où le nom propre devient un nom commun par une antonomase, ce critère semble vrai étant donné qu’une minuscule est suffisante à la transformation d’un nom propre en nom commun ou inversement comme un champagne vs. la Champagne (ancienne province française) ou une poubelle vs. Eugène Poubelle (préfet de la Seine entre 1883-1896). Nous sommes d’accord avec Henriette WALTER selon laquelle : « La forme graphique ne peut donc pas, au moins en français, être le seul critère d’identification. Elle est seulement un moyen commode de marquer le caractère unique d’une entité une fois que cette unicité a été dûment reconnue » (1995 : 238). La règle de la majuscule n’est pas systématiquement employée pour le nom propre dans toutes les langues. Il apparaît que c’est un critère eurocentrique qui ne prend pas en compte les autres langues n’employant pas les caractères latins ou possédant une écriture unicamérale ou une seule graphie pour chaque caractère comme le chinois, le coréen ou le thaï. Ce critère ne peut donc pas être appliqué. Les langues qui distinguent les majuscules des minuscules sont peu nombreuses dans le monde telles que le latin, le grec, le cyrillique, etc. mais toutes sont employées en Europe. Il est à noter qu’en allemand l’emploi de la majuscule ne correspond plus à la sous-catégorie du nom propre mais à tous les noms, communs et propres. 

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