La végétation
La végétation est selon Eames (1986). la composante du milieu que l ‘on utilise le plus souvent lors d’études uni-factorielles. Le fait que la végétation soit la principale ressource que l ‘on souhaite exp loi ter peut expliquer en partie cette tendance. Néanmoins, c’est par la nature phytomètre de la végétation, intégrant les effets des autres facteurs du milieu, que l’on justifie habituellement cette approche. C’est ainsi que sur les territoires encore peu connus ou pour les études à très petite échelle , plusieurs auteurs décrivent la physionomie générale de la végétation. i.e. la densité . la hauteur des arbres et les principales formes végétales rencontrées (Beard. 1981). L’approche phytosociologique européenne utilise habituellement les plantes indicatrices du sous-bois pour caractériser les types de forêts (Rogister et Galoux, 1982) . Le principal avantage de cette approche demeure sa simplicité étant donnée la facilité relative d’identifier les plantes qui caractérise un site (Eames, 1986). Il ne s’agit pas que d’identifier les plantes mais aussi d’effectuer un échantillonnage adéquat des communautés, de faire l’analyse des données et de déterminer les associations végétales selon la nomenclature phytosociologique. A ce sujet. les travaux de Braun-Blanquet ont fortement influencé l’étude phytosociologiques des communautés végétales (Barbour et al., 1987). Le MER (1984) utilise pour sa part une approche beaucoup moins théorique, ayant pour but ultime un inventaire du volume de bois exploitable sur un territoire donné. Pour ce faire, le territoire est d’abord stratifié en terrain forestier et non forestier, les terrains forestiers pouvant être productifs ou non productifs. Ensuite, pour les terrains forestiers productifs, on identifie le type de couvert (feuillu, résineux et mélangé) et le groupement d’essences. Le groupement d’essences est défini comme une unité phytosociologique significative du point de vue de l’inventaire et de l’aménagement forestier qui peut être identifiée dans la majorité des cas sur photographies aériennes à l’échelle du 1:15 000 (Bélanger et al., 1983). Sur le terrain, on le différencie selon la surface terrière des essences arborescentes le composant et les essences qui définissent les groupements sont choisies selon l’intérêt économique qu’elles présentent et la facilité à les identifier par photo-interprétation. Finalement, on détermine pour chaque unité territoriale ainsi définie, la classe de densité-hauteur, la classe d’&ge, le niveau de défoliation, l ‘ origine du peuplement et la classe de pente. L’ensemble du Québec forestier est cartographié selon cette approche à l’échelle du 1:20 000. Selon Rowe (1961), la phytosociologie sert très bien ses propres buts mais est inadéquate pour d’autres problèmes de productivité et d’aménagement du territoire. Bergeron et al. (1983) expliquent le fait que la végétation ne suffise pas pour rendre compte de variations importantes du support abiotique par la moins grande stabilité de celle-ci. En effet, les différences entre les communautés végétales ont une signification variable. Certaines sont dues, outre les variations du milieu physique, à l ‘ intensité variable de certaines perturbations telles que feu, coupe, chablis, épidémies, etc . D’autres sont dues à l’historique du site, aux interactions entre individus ou même au hasard (Greig-Smith, 1979) . De plus, certains sites abiotiques ment dissemblables peuvent abriter les mêmes communautés végétales (Bergeron et al., 1983).
Démarche sectorielle pluridisciplinaire
La précédente discussion a mis en relief quelques-unes des limites rencontrées lors de l’étude du territoire selon des approches unifactorielles. En fait, cette démarche est appropriée pour résoudre des problèmes d’aménagement uniques et bien définis (Bélanger et al., 1983). Les intervenants de la forêt , devant la multiplicité de leurs problèmes d’aménagement, doivent ainsi recueillir et compiler les différents renseignements disponibles s’appliquant à leur territoire. Lors de la synthèse de ces dernières, le cadre biophysique est décrit par une superposition des facteurs cartographiés isolément (Bélanger et al., 1983). C’est ce que Jurdant et al. (1977) appellent l’intégration a posteriori puisque l’intégration ne s’y fait qu ‘une fois que les différentes études sectorielles sont terminées. Les désavantages de l’intégration a posteriori dans le développement d’un cadre écologique ont été abondamment traités dans la littérature . Ainsi, Christian et al. (1969) soulèvent les difficultés reliées aux différences entre les documents sur le plan de l’échelle de perception, des techniques et de l’intensité d’échantillonnage, du niveau de précision, du niveau d’achèvement et de la forme des documents. Pour sa part, Bélanger et al. (1983) soulignent le fait que la superposition de cartes engendre une multiplicité de contours cartographiques indéchiffrables et de peu de signification. De plus, ils soulignent que cette approche amène à négliger les interactions entre les variables. C. Démarche écosystémique ou intégrée multidisciplinaire Afin d’éviter les désavantages de l’approche sectorielle multidisciplinaire et conserver la prise en considération des différentes composantes du milieu, il n’est d’autre solution pratique que d’intégrer ces composantes a priori. Les travaux de C.S. Christian en Australie comptent parmi les premiers faisant ressortir la nécessité d’aborder le territoire comme un tout intégrant à la fois le climat, la géomorphologie, les sols, la végétation, les perturbations naturelles et les interventions humaines (Christian, 1952; Christian et Stewart, 1968 et Christian et al., 1969). Cette approche considère que l’écosystème est le meilleur élément intégrateur des composantes du milieu à divers niveaux de perception. Selon Rowe (1979), une cartographie du territoire ne peut être considérée écologique à moins qu’il y soit démontré que les limites entre les unités cartographiées correspondent à des changements significatifs sur le plan biologique et sur le plan de l’aménagement du territoire. Les termes employés pour la dénomination des unités de 14 territoire diffèrent énormément selon les auteurs et les théories écologiques qu’ils appuient. Néanmoins, d’un point de vue pratique, plusieurs de ces termes s’équivalent (Rowe, 1980). Ceci rejoint Rowe (1961), Mueller-Dombois (1981), Jurdant et al. (1977) et Bélanger et al. (1990a) qui s’accordent à dire que la valeur d’une classification du territoire tient surtout à son aspect pratique en fonction des objectifs fixés et des connaissances disponibles plutôt qu’à sa stricte valeur scientifique. Jurdant et al. (1977) appuient leur méthodologie sur le concept que l’écosystème est composé de deux parties indissociables. D’abord, le géosystème faisant référence aux caractères physiques et le biosystème qui réfère aux caractères biologiques. Bélanger et al. (1990a), de façon à intégrer plus efficacement ces deux composantes, l’anthroposystème. le facteur humain, ajoutent à Le sol, la phytocénose et le type d’utilisation des terres, respectivement, sont considérés comme concepts intégrateurs permettant le mieux d’exprimer les variables les plus actives de ces composantes de l’écosystème. Parmi les critères de classification retenus doivent figurer ceux qui reflètent les propriétés intrinsèques et actuelles des écosystèmes ayant le plus de signification pour la croissance des végétaux. De plus, la priorité devrait être accordée aux caractéristiques permanentes et mesurables du milieu. Toute démarche de classification et de cartographie écologique du territoire s’inscrit dans un processus comportant certaines étapes 15 bien décrites par Bouchard et al. (1985). D’abord, une classification verticale du territoire (approche taxonomique) doit être réalisée. Cette étape consiste à identifier et caractériser la variabilité présente dans le territoire en question. Le terme « verticale » réfère à l’intégration des facteurs écologiques du milieu dans le but de mettre en évidence des relations entre ceux-ci. De multiples façons de classifier verticalement un territoire ont été examinées par plusieurs auteurs; elles diffèrent par la méthode d’échantillonnage, par le choix des variables entrant dans la classification, par le type d’interprétations faites et par la méthode utilisée pour discriminer les différentes unités du territoire. Une telle classification nécessite le traitement et la compilation d’une quantité parfois énorme de données. Ce traitement, autrefois réalisé avec force calculs à la main, dans de grands tableaux, bénéficie maintenant des développements de la statistique et de l’informatique. Le développement d’une panoplie de méthodes d’analyse statistique multivariée (algorithmes de classification, ordination en espace réduit, analyse discriminante .. tableaux de contingence multidimensionnels, etc.) traduites en langage informatique facilite grandement le traitement (Legendre et Legendre, 1984). Ensuite, une classification horizontale, ou cartographie du territoire, est réalisée. Cette étape vise à situer géographiquement les limites et l’étendue des différentes unités de territoire telles que définies dans la classification verticale. Les classifications horizontale et verticale ne peuvent être réalisées de façon indépendante. 16 C’est pourquoi plusieurs auteurs les confondent ou les intègrent; les travaux d’Atkinson (1985) et de Beard (1981) constituent de bons exemples d’une telle approche. Spies et Eames (1985) considèrent que la cartographie des écosystèmes représente un test rigoureux de la classification car elle nécessite de la tester sur un territoire plus vaste échantillonné de façon systématique. La cartographie d’un territoire est grandement facilitée par l’utilisation de représentations à l’échelle de la surface de la Terre. En effet, les reconnaissances sur le terrain prennent beaucoup de temps et sont très coûteuses à réaliser (Rowe, 1979). C’est avec la Deuxième Guerre mondiale que l’utilisation de photographies aériennes s’est généralisée (Tricart et Kilian, 1979). Plus récemment, les développements technologiques réalisés dans les domaines de la cartographie informatique (Schreiber et al., 1984), des systèmes d’informations géographiques et de la télédétection (Audet et Rochon, 1982) offrent des potentiels prometteurs pour la réalisation de la cartographie écologique avec une précision et une rapidité impressionnantes. Ces méthodes et techniques sont en plein développement et sont appelées à modifier de façon importante les méthodes traditionnelles de cartographie écologique. Néanmoins, Thie, en 1976, considérait la photo interprétation de photos aériennes comme la méthode la plus rentable en termes de coûts et de données requises pour les fins de cartographie écologique du territoire. Comme nous l’avons dit plus tôt, la méthode de cartographie écologique utilisée est grandement déterminée par la méthode de classification verticale. Il est alors nécessaire de faire la distinction entre les unités taxonomiques de la classification verticale et les unités cartographiques. Selon Rowe (1979), les unités taxonomiques du territoire sont homogènes par définition, alors que les unités cartographiques sont hétérogènes à cause de l’échelle. Bélanger et al. (1983) ainsi que Bouchard et al. (1985) éclaircissent cette distinction. Selon eux, les unités taxonomiques sont caractérisées par l’analyse des variables quantifiables échantillonnées sur le terrain, alors que les unités cartographiques sont délimitées par photo-interprétation et analyse de cartes. Pojar et al. (1987) ajoutent à ces unités les unités interprétatives cartographiques. Celles-ci sont normalement délimitées par regroupement ou subdivision des unités cartographiques. Il est toutefois souhaitable que les unités délimitées au départ correspondent, dans la mesure du possible, à des unités interprétables pour la majorité des applications prévisibles. Le contraste entre les divisions d’un grand territoire cartographié à petite échelle est fort, ce qui fait qu’il est relativement facile d’en définir les limites pour choisir le type général d’interventions ou d’utilisations du territoire le plus approprié. Toutefois, à grande échelle, le contraste est atténué et il sera difficile de fixer aux unités de territoire des limites qui satisferont les différents utilisateurs. Ainsi, il faudra adapter la cartographie écologique à grande échelle aux besoins particuliers de ceux-ci (Rowe , 1971). 18 Le choix de l’échelle appropriée dépendra surtout de la complexité du territoire, de l ‘ intensité d’aménagement prévu et des limites de coût imposées par la grandeur du territoire à couvrir (Mueller-Dombois, 1981).