LES PILES A COMBUSTIBLES A MEMBRANE ECHANGEUS E DE PROTON
Lors de ses expériences réalisées en 1838, Schönbein s’aperçu qu’en appliquant un courant électrique il était possible d’électrolyser l’eau pour produire de l’oxygène et de l’hydrogène. En coupant ce courant, ces gaz produits réagissaient pour former un courant inverse. Le principe de la pile à combustible était alors découvert. En reprenant ces expériences, Grove réalisa la première pile à combustible, alimentée en oxygène/hydrogène, formée de deux électrodes en platine poreux et d’un électrolyte liquide composé d’acide sulfurique. Au début des années soixante, deux ingénieurs de General Electric (Thomas Grubb et Leonard Niedrach) menèrent les premiers développements de la technologie PEMFC retenue par la NASA pour le programme spatial Gemini. Cependant, certains problèmes technologiques rencontrés ont incité la NASA à abandonner cette filière au profit de la pile alcaline (AFC) qui équipa finalement les vols Apollo, puis la navette spatiale. Le développement d’un nouveau polymère intégrant des chaines perfluorées avec des groupements sulfoniques, conductrices protoniques, par la société Dupont relança la technologie PEMFC. La société Ballard fut la première à la mettre en œuvre dans les années quatre-vingt. Les piles à combustible (PACs) sont des générateurs électrochimiques ouverts, c’est-à-dire que les réactifs permettant de produire l’électricité (et la chaleur) sont stockés à l’extérieur du système. Comme tous systèmes électrochimiques, les piles à combustible sont constituées de deux électrodes, l’anode et la cathode, et d’un électrolyte. Parmi les différents types de piles à combustible existants actuellement, voir Tableau 1, les piles à combustible à membrane échangeuse de protons présentent de nombreux avantages qui leur permettent d’être utilisées dans différents types d’applications, comme le transport, le stationnaire et le portable. Parmi ces avantages, on peut citer l’existence d’un large spectre de puissance (de 1W à 100 kW), des températures de fonctionnement basses (de l’ordre de 80°C), permettant des démarrages rapides, et une insensibilité au CO2 à la cathode (elles peuvent donc être alimentées par de l’air ambiant et pas uniquement par de l’O2 pur).Le marché mondial des PACs a commencé à réellement émerger à la fin des années 2000. La production de PACs a augmenté de 400 % entre 2008 et 2013 [4]. En 2013, la capacité des PACs installée était de 170 MW. Cette évolution est très variée selon les parties du monde. La plus forte croissance du marché s’est produite en Asie et en Amérique de Nord, voir Figure 1. Les applications stationnaires, avec notamment des systèmes de co-génération de chaleur et d’électricité dominent actuellement largement le marché des PEMFCs, voir Figure 2. Plus de 80 % des PACs sont utilisées pour des applications stationnaires. Pour ce type d’application, les PACs utilisées sont les PEMFCs ou les SOFCs (Solid Oxide Fuel Cells). Ces dernières permettent de générer plus d’énergie thermique pour le chauffage. Le Japon est le leader mondial dans ce domaine avec plus de 120 000 PACs installées chez des particuliers en 2014 [4].
FONCTIONNEMENT DES PEMFCS
Les PEMFCs sont des convertisseurs d’énergie électrochimique, produisant de l’électricité et de la chaleur à partir d’hydrogène et d’oxygène [6, 7]. Le fonctionnement d’une PEMFC est représenté schématiquement sur la Figure 3. L’hydrogène (H2) injecté à l’anode s’oxyde pour produire deux électrons et deux protons selon la réaction 1. L’oxygène alimentant la cathode réagit avec les protons et les électrons et se réduit pour former de l’eau selon la réaction 2. L’équation bilan (3) montre donc qu’une PEMFC produit uniquement de l’eau, de l’énergie thermique et de l’énergie électrique. Les protons sont acheminés jusqu’à la cathode à travers l’électrolyte. Dans le cas des PEMFCs, l’électrolyte est une membrane composée d’un polymère perfluoré (le Nafion). Cette membrane doit ainsi posséder une forte conductivité protonique, une faible conductivité électronique pour éviter les courts-circuits ainsi qu’être étanche aux gaz. 2 H2 4 e – + 4 H + E 0 = 0 V vs. ENH (1) O2 + 4 H + + 4 e – 2 H2O E 0 = 1.23 V vs. ENH (2) O2 + 2 H2 2 H2O + énergie thermique + énergie électrique ΔE0 = 1.23 V (3) La température de fonctionnement des PEMFCs étant relativement faible (80 °C), les réactions d’oxydoréduction ont besoin d’être catalysées. Le catalyseur le plus utilisé et le plus efficace, aujourd’hui encore, est le platine. Cependant, en plus de son prix élevé, les ressources en platine dans le monde sont estimées à seulement 28 000 tonnes. Pour limiter la quantité de ce métal noble, celui-ci est dispersé sous forme de nanoparticules sur la surface d’un support. La forme nanoparticulaire permet de maximiser le ratio (atome de Pt de surface) / (atome de Pt de volume) et ainsi la quantité de platine « actif » (les réactions d’oxydoréduction se produisant à la surface du platine). A titre d’exemple, 1 g de platine massif sous forme d’un unique cube possède une surface de 7.5 10-5 m² tandis que 1 g de platine sous forme de nanoparticules sphériques de 3 nm de diamètre développe une surface environ 3. 105 fois plus grande (23 m²). Le support de catalyseur doit posséder une conductivité électronique élevée, nécessaire pour permettre aux électrons d’accéder à la totalité des nanoparticules de platine. La morphologie du support est aussi primordiale pour permettre un fonctionnement optimal. Une grande surface spécifique et une distribution de taille de pore adaptée pour permettre à la fois une bonne distribution des nanoparticules de platine et un bon transport des fluides (gaz réactifs et évacuation de l’eau produite) sont nécessaires.
LA T E N S I O N E N C I R C U I T O U V E R T
La force électromotrice théorique d’une PEMFC, étant la différence de potentiels entre la cathode et l’anode, est de 1.23 V dans les conditions standards à 25 °C. Or, une PEMFC ne fonctionne jamais dans ces conditions. En se basant sur l’équation de Nernst, on peut établir l’équation (4). (4) Chapitre 1 : Bibliographie 19 En considérant que l’eau produite est à l’état liquide, son activité est alors égale à 1. De plus, dans l’expression E 0 ocv = E0 c –E 0 a, E 0 a est toujours égale à 0 V tandis que E0 c peut s’exprimer selon la relation (5) [8]. (5) L’équation (4) peut alors s’écrire selon l’équation (6). (6) Ainsi, pour une température de fonctionnement de 80 °C et des pressions partielles en gaz d’entré (H2 / air) de 1.5 bar, la force électromotrice théorique est d’environ 1.181 V. Cependant, en pratique, la tension de circuit ouvert (Open Circuit Voltage, OCV) ne dépasse pas 1 V vs. ENH3 [9]. Bien que le courant net soit nul en circuit ouvert, plusieurs réactions électrochimiques ont lieux à la cathode. Au potentiel de 1 V vs. ENH, le platine et le noir de carbone [10] ne sont thermodynamiquement pas stables et peuvent s’oxyder respectivement selon les équations (7) et (8). De plus, du dihydrogène provenant de l’anode peut traverser la membrane et s’oxyder à la cathode (phénomène aussi connu sous le nom de courant de crossover), voir réaction (1). Pt + H2O PtO +2 H + + 2 eE 0 = 0.88 V vs. ENH (7) C+ 2 H2O CO2 + 4H+ + 4 eE 0 = 0.207 V vs. ENH (8) La déviation du potentiel ainsi induite va permettre la réaction de réduction de l’oxygène. Ainsi les électrons et les protons produits par les réactions d’oxydation du platine, du carbone et du dihydrogène vont être utilisés comme réactif pour la réaction de réduction de l’oxygène. Le courant global sera alors nul mais le potentiel de la cathode sera diminué ainsi que la tension en circuit ouvert par rapport à sa valeur théorique.
LE SURTENSIONS APPARAISSANT DURANT LE Fonctionnement des PEMFCS
Durant le fonctionnement d’une PEMFC, donc hors équilibre, la tension diminue d’autant plus que le courant est important. Cela est dû à des surtensions qui apparaissent au niveau de l’anode et de la cathode. Ces surtensions peuvent être mises en évidence et différenciées sur les courbes de polarisation, représentant la réponse en tension à un courant électrique, voir Figure 5. On peut distinguer trois types de surtension : (i) les surtensions cinétiques, à l’anode et à la cathode, (ii) les pertes ohmiques, notées ΔEohmic, (iii) les pertes de diffusion, notées ηtx. La chute logarithmique de la tension aux faibles densités de courant (faibles débits de gaz) est liée à la somme des surtensions à l’anode et à la cathode. Ces surtensions sont dues aux faibles cinétiques de transfert de charge et suivent la relation de Bulter-Volmer. La réaction de réduction de l’oxygène (ORR) étant particulièrement lente par rapport à la réaction d’oxydation de l’hydrogène, la contribution de cette dernière est généralement négligée. La surtension cinétique peut donc être notée ηORR. Ces pertes peuvent être réduites en augmentant la température de fonctionnement de la PEMFC. Cependant, comme nous le verrons par la suite, la température doit rester inférieure à 90 °C pour ne pas endommager la membrane. Les pertes ohmiques, majoritaires aux densités de courant intermédiaires, sont dues aux résistances de transferts de charges dans les matériaux (protons dans la membrane et l’ionomère, électrons dans les électrodes) et aux interfaces. La mobilité des ions étant bien plus faible que la mobilité des électrons, les pertes ohmiques sont principalement dues aux transports des protons. Ces pertes conduisent à une chute de la tension quasi-linéaire avec l’augmentation de la densité de courant. Les valeurs et les différentes contributions des résistances internes peuvent être évaluées à partir des courbes de Nyquist enregistrées par spectroscopie d’impédance [11]. Pour finir, le facteur limitant aux fortes densités de courant est la vitesse de diffusion des gaz à travers l’électrode. Ces pertes de diffusion, majoritairement présentes à la cathode, sont dues au fait que les cinétiques de transfert de charges des réactions sont trop rapides par rapport à la diffusion de l’oxygène dans la cathode. L’alimentation en oxygène des nanoparticules de platine devient insuffisante et une chute de tension très rapide est observée. Ces pertes de diffusion dépendent donc de l’épaisseur de la couche active et de la morphologie du support de catalyseur.