Les pigments et leur caractérisation
Choix des pigments et données fournisseurs
Les pigments vont assurer la couleur du milieu dans lequel ils sont dispersés. La stabilité du produit résultant dépendra en grande partie des propriétés d’interface pigment/milieu, d’autant plus dominantes que la granulométrie du pigment est fine. En cela, pigments et peintures sont les ancêtres des nanomatériaux très en vogue de nos jours. Nous l’avons dit, en cosmétique, la législation interdit l’utilisation de nombreux pigments pour cause de toxicité ou de réaction avec la peau. Le choix des pigments retenus pour l’étude a donc été réalisé parmi le petit nombre des pigments produits industriellement utilisables en cosmétique. Cinq pigments ont été retenus pour leur importance : – Un dioxyde de titane, probablement sous sa forme anatase, n’ayant subi aucun traitement de surface. – Une alumine. Il en existe de nombreux types répartis en diverses familles : alumines lamellaires, sphériques ou amorphes. La lamellaire a pour elle divers atouts : elle permet des effets nacrés en cosmétique, et son approvisionnement ne pose pas de problèmes. Pour le chimiste, c’est une surface qui s’approche de la surface modèle par excellence, le plan cristallin. – Trois oxydes de fer de synthèse : o un oxyde de fer jaune, probablement de type gœthite, o un oxyde de fer rouge, probablement de type hématite, o oxyde de fer noir, probablement de type magnétite. De ces cinq pigments, seule l’origine de l’alumine lamellaire nous est connue. Elle provient de la société APT (Advanced Powder Technology), en Australie. Les autres nous sont fournis par LCW. Le tableau II.1 rassemble l’ensemble des données fournies par les fabricants sur ces composés.
Caractérisation des pigments
Il reste à vérifier la nature exacte de ces matériaux, nature qui pourrait réserver des surprises, puis à essayer de déterminer leur composition superficielle. En particulier, la nature de possibles polluants présents en surface. Pour ce faire, nous procéderons en allant de la caractérisation classique du matériau de volume à celles de couches superficielles de plus en plus minces. II.2.1 – Caractérisation des pigments par diffraction des rayons X En premier lieu il s’agit de vérifier la nature des composés censés constituer les pigments. Et comme ils sont tous, a priori, de nature cristalline, le plus simple est de les étudier par 23 diffraction des rayons X (DRX). L’appareil utilisé est un X’PERT PRO de chez PANalytical (Annexe 4), muni d’un goniomètre θ-2θ. La méthode choisie est naturellement celle des poudres. Les figures II.1 à II.5 montrent les spectres typiques obtenus sur ces cinq pigments. L’alumine appartient au système cristallin rhomboédrique (fig. II.1). C’est donc une alumine α. L’« oxyde de fer jaune » est bien de la gœthite FeO(OH) (fig. II.2). L’« oxyde de fer rouge » est de l’hématite (fig. II.3), α-Fe2O3, et l’« oxyde de fer noir », de la magnétite Fe3O4 mélangée à de la gœthite (fig. II.4). Le dioxyde de titane est de l’anatase (fig. II.5). Ces poudres sont cristallines, ou très majoritairement cristallines, car aucune trace de phase amorphe perceptible par cette technique d’analyse n’est observée. Nous verrons qu’il en existe pourtant une, sans doute en faible concentration (< 5-10%) dans l’ « oxyde de fer noir ».
Observation des pigments par microscopies électroniques à balayage et en transmission
La morphologie des poudres est étudiée par microscopie électronique à balayage (MEB). Deux appareils sont utilisés, le Philips XL-30 ESEM environnemental du Centre de mise en forme des matériaux de l’EMP (Annexe 1), et le Zeiss Gemini à effet de champ du Centre des matériaux de l’EMP, à Évry. Le premier permet d’observer les pigments dans un environnement contenant de la vapeur d’eau si on le désire. Il offre des commodités pour observer sans les métalliser des matériaux non conducteurs. Le second permet d’obtenir des images à haute résolution. Ces appareils sont chacun équipés d’un spectromètre de photons X à sélection d’énergie (EDXS) capable de détecter les éléments légers. Spectromètre Oxford exploité via le logiciel INCA pour l’ESEM ; un détecteur Extreme sur station Voyager IV de Noran sur le Zeiss. Les figures II.6 à II.11 montrent les morphologies typiques observées sur ces cinq pigments. Ces clichés nous renseignent sur la taille des entités composant les poudres, sur leur forme et leur agrégation. Nous observons que l’alumine lamellaire se présente effectivement sous forme de lamelles plus ou moins hexagonales de tailles diverses, mais inférieures à 10 µm. Leur épaisseur est de l’ordre de 150 nm. Mis à part l’alumine toutes ces particules sont assez fortement agglomérées. Ces informations confirment les données techniques fournies pour ce produit et sont conformes à la bibliographie [3, 4]. La microscopie électronique en transmission, réalisée avec un microscope Philips CM12 TEM/STEM, confirme l’épaisseur des lamelles (fig. II.12). La diffraction électronique sur une douzaine de lamelles en condition normale avec le plan basal montre que celui-ci correspond au plan (0001) et ne semble pas avoir été décrite dans la bibliographie (fig. II.13). Une telle analyse est sans objet pour les autres poudres du fait de leur morphologie beaucoup plus compliquée.