Les phénomènes de frottement en coupe des roches

Les phénomènes de frottement en coupe des roches

Etudes expérimentales sur le frottement PDC-roche 

Essais de frottement sous contrainte normale faible 

KURU & WOJTANOWICZ (1995) proposent une étude du frottement entre la face d’attaque de taillants PDC et quatre roches de porosité et de résistance variables : le grès de Béréa (Rc = 59 MPa ; n = 24 %), le grès de Nugget (Rc = 159 MPa ; n = 10 %), l’argilite de Mancos (Rc = 67 MPa ; n = 1.4 %) et le granite de Sierra-White (Rc = 194 MPa ; n <1 %). Le dispositif expérimental est semblable à une meule que deux taillants PDC identiques prennent en étau avec une contrainte normale imposée (Fig. 3.23, n F ). Le contact génère un effort de frottement (Fig. 3.23, r F ). Les efforts sont mesurés au niveau du portique instrumenté (Fig. 3.23, load frame). L’échantillon de roche (le disque de la meule) est mis en rotation de sorte que les vitesses de glissement au niveau de la paire de taillants sont comprises entre 0.33 m/s et 1.74 m/s. Les deux taillants sont arrosés en continu par un jet de fluide pour tester l’influence de la lubrification. Les surfaces de frottement sont rectifiées en continu par des limes en acier dur diamétralement opposées aux taillants.Les auteurs étudient l’influence de la roche, de la vitesse de coupe, de la contrainte normale et du lubrifiant (air, eau, boue à base d’eau et boue à base d’huile) sur le coefficient de frottement. D’après l’article, on estime que la contrainte normale ne dépasse pas 5 MPa sur l’ensemble des essais. Sur l’ensemble des essais, les auteurs montrent que le coefficient de frottement est indépendant de la contrainte normale et varie entre 0.06 et 0.12 (entre 3.4° et 6.8°). Ils ne mentionnent aucun traitement de surface particulier des taillants avant essai qui expliquent ces valeurs très faibles. En revanche, le coefficient de frottement décroît avec la vitesse de coupe pour toutes les roches sauf le granite (Fig. 3.24). Cette décroissance s’accompagne de vibrations axiales du portique. Les auteurs attribuent cette décroissance au mouvement irrégulier des taillants, généré par des interactions granulaires entre aspérités de la roche et du taillant. Elles ne se produisent pas pour le granite de Sierra-White qui est une roche dure à grains fins. De telles interactions sont caractéristiques d’un phénomène tribologique courant : le stick-slip. Les vibrations font que dans ce cas, le coefficient de frottement effectif peut être vu comme une moyenne temporelle de ses valeurs statique et dynamique. Quand la vitesse augmente (resp. diminue), la durée de glissement augmente (resp. diminue) aux dépens de la durée d’adhérence et le coefficient de frottement effectif se rapproche de sa valeur dynamique (resp. statique).Enfin, les auteurs constatent que les coefficients de frottement varient peu en fonction des roches, pourtant de caractéristiques mécaniques très différentes. Ils expliquent ce phénomène par le fait que les forces de frottement solide-solide entre les grains de roche et le métal et les forces de frottement intergrains sont antagonistes : les unes sont prépondérantes lorsque les autres sont mineures. Implicitement, les auteurs suggèrent que ce mécanisme est lié à des phénomènes d’interface qui accommodent la transmission d’énergie d’une surface à l’autre. Ce phénomène est abordé explicitement dans l’étude présentée ci-après.

Essais de frottement sous contrainte normale élevée 

SMITH ET AL. (2002) proposent une étude sur le frottement entre la face d’attaque de taillants PDC et deux roches à grains fins que sont l’argilite de Catoosa (Rc = 35 MPa ; n = 12 %) et le silt quartzique de Twin Creek (Rc = 165 MPa ; n = 4 %). Le dispositif expérimental est dérivé d’une cellule d’essai de cisaillement (Fig. 3.25). L’essai de cisaillement consiste à encastrer un échantillon de roche cylindrique (Fig. 3.25, core plug) dans deux socles dont l’un est fixe (Fig. 3.25, lower retainer) et l’autre (Fig. 3.25, upper holder) animé d’un mouvement de translation à vitesse constante (Vc = 0.3 m/s), conduisant au cisaillement de la roche (Fig. 3.25, shear plane). Avant d’être utilisée dans les essais de frottement, les échantillons des deux roches sont cisaillés suivant cette procédure. Puis, la partie supérieure de la carotte cisaillée est maintenue en place tandis que la partie inférieure est remplacée par trois types de taillants : un PDC standard ; un PDC poli et un taillant en carbure de tungstène non diamanté. L’essai de frottement est semblable à l’essai de cisaillement si ce n’est que le plan de cisaillement devient un plan de frottement. La contrainte normale est imposée à l’aide d’une cellule de chargement (Fig. 3.25, load cell). Ce dispositif permet d’injecter un lubrifiant.Les auteurs étudient l’influence de la roche, de l’état de surface du taillant, de la contrainte normale et du lubrifiant (air, eau, boue à base d’eau et boue à base d’huile) sur le coefficient de frottement. Les contraintes normales testées sont comprises entre 1.4 MPa et 62 MPa. Les coefficients de frottement, compris entre 0.1 et 1.5 (entre 5° et 56°), sont très supérieurs à ceux de KURU & WOJTANOWICZ (1995). Par ailleurs, ils diminuent sensiblement avec la contrainte normale pour les différents lubrifiants et les PDC standards et polis (Fig. 3.26). Les auteurs en déduisent une loi puissance de la forme : n α µ σ− = (Eq. 3.13) Où , , n µσ α désignent le coefficient de frottement, la contrainte normale et l’exposant empirique. La valeur de ce dernier est comprise entre 0.1 et 0.35 sur l’ensemble des essais. En outre, le type de lubrifiant a peu d’influence sur le frottement (Fig. 3.26, points noirs). Ils ne valident donc pas, a priori, l’usage opérationnel classique des boues à base d’huile pour diminuer les forces de frottement en contexte de roches dures. A priori seulement, car leurs essais, comme ceux de KURU & WOJTANOWICZ (1995) sont conduits à pression atmosphérique. Sous pression de boue, des différences de comportement entre lubrifiants pourraient être observées. En effet, ZIJSLING (1987) relève que, dans le cas des argilites, les phénomènes d’invasion de fluide de forage dans les pores de la roche sont plus importants dans le cas des boues à base d’eau que dans celui des boues à base d’huile. Enfin, les auteurs notent que les coefficients de frottement obtenus avec des taillants PDC standards sont sensiblement plus élevés (entre 0.2 et 0.5) que ceux obtenus avec des taillants PDC polis (entre 0.11 et 0.23). Mais ils ne notent aucune différence importante entre les PDC standards et les taillants en carbure de tungstène (entre 0.07 et 0.6). Rappelant les conclusions de KURU & WOJTANOWICZ (1995), SMITH ET AL. (2002) rapportent les travaux de Kragelsky (1982) selon lequel les forces de frottement ont une nature ambivalente déterminée par l’action de forces intermoléculaires entre les deux surfaces solides ainsi que par les changements d’état de surface d’un des corps (ou des deux) du fait des interactions entre aspérités. Mais, contrairement à KURU & WOJTANOWICZ (1995), ces interactions ne sont pas nécessairement antagonistes et des paramètres opératoires comme la contrainte normale ou la vitesse d’application du contact peuvent modifier les propriétés de l’interface et donc du frottement. Il nomme cette interface la troisième phase. SMITH ET AL. (2002) considèrent la troisième phase comme un matériau granulaire dont le comportement se rapproche de celui des sols qui présentent aussi une diminution du coefficient de frottement avec la contrainte normale (Terzaghi et al., 1996). Les auteurs concèdent qu’il existe autant de travaux qui justifient les faibles valeurs des coefficients de frottement obtenues par KURU & WOJTANOWICZ (1995) que les valeurs plus élevées qu’ils obtiennent. Ils concluent que ces différences peuvent provenir de nombreuses variations des conditions expérimentales comme la vitesse de glissement, l’occurence de vibrations pendant l’essai, l’invasion du fluide dans les pores de la roche ou encore l’adhérence de débris sur la face du taillant. On peut aussi penser qu’à contrainte normale élevée, le taillant testé peut pénétrer dans la roche et ajouter une composante liée à la coupe aux efforts mesurés.

Ecoulement des débris de coupe 

Que ce soit dans le mode ductile, où l’essentiel des débris est constitué de roche broyée, que dans le mode fragile, où une quantité observable de roche broyée s’accumule à la pointe du taillant, plusieurs auteurs ont montré que ce matériel n’est pas simplement éjecté dans la direction d’avancement. Au contraire, il continue d’interagir avec le taillant. Ces interactions se déclinent en trois modes, décrits dans le cadre théorique défini par DETOURNAY & DRESCHER (1992). S’appuyant sur les travaux de Merchant (1945) et Petryk (1987) (coupe des métaux), ces auteurs déterminent trois solutions analytiques du problème de la coupe en supposant que la roche rompt en plasticité parfaite sans perte de cohésion. Ces solutions représentent trois régimes d’écoulement : – le régime d’écoulement vers l’avant : la zone plastique (les débris) est évacuée en continu vers l’avant comme dans le mode fragile. Ce régime est appelé « régime de coupe » ; – le régime d’écoulement vers l’arrière : la zone plastique (les débris) s’écoule sous le taillant et en arrière. Ce régime est appelé « régime de contact glissant ». En pratique, l’observation de ce régime semble peu probable, du moins dans le cas de la coupe de roches dont le comportement à la rupture est de type fragile. On propose donc de le considérer comme un pôle théorique du modèle ; – le régime d’écoulement avec « built-up edge » : dans ce mode, la zone plastique s’écoule simultanément vers l’avant et vers l’arrière. Une zone plastique inerte (zone morte), située au voisinage de la pointe du taillant, marque la frontière entre ces deux flux. Sous l’hypothèse de plasticité parfaite, le processus de coupe est, par principe, purement ductile. Le régime d’écoulement avec « built-up edge » a retenu l’attention de plusieurs auteurs car il rend compte de résultats expérimentaux observés dans le pôle fragile et dans le pôle ductile. La Fig. 3.27, empruntée à RICHARD (1998), représente un schéma conceptuel de ce régime d’écoulement.

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