La gestion du risque d’inondation
Depuis toujours, la France et ses territoires d’outre-mer doivent faire face à de nombreuses et diverses catastrophes naturelles. Conformément à la classification retenue en 2012 par le Conseil d’Analyse Economique (CAE), sept grands types de risques naturels peuvent être distingués : les avalanches, les éruptions volcaniques, les feux de forêts, les inondations, les mouvements de terrain, les phénomènes atmosphériques et les séismes. Aujourd’hui, 60% des communes de notre territoire sont exposés à un ou plusieurs de ces risques et la fréquence d’occurrence des catastrophes naturelles augmente au fil des années, faisant des dégâts matériels et humains. Nous nous focaliserons dans cet exercice de PFE sur le risque naturel d’inondation qui est le premier aléa en termes de dommages économiques annuels et de dangers pour la vie humaine. Pouvant mettre en péril du jour au lendemain l’économie de tout un territoire, la question de la gestion du risque d’inondation prend de plus en plus d’importance dans notre société. La tempête Xynthia en février 2010, les inondations du Var au printemps de cette même année ainsi que la succession d’intempéries et d’inondations ces dernières années l’ont dramatiquement rappelé. Une commune sur trois est concernée par ce risque en France métropolitaine soit environ 19 000 communes, ce qui équivaut à un habitant sur quatre, d’après l’Evaluation Préliminaire des Risques d’Inondation (EPRI) réalisée par l’Etat en 2012. Le risque d’inondation est le troisième risque le plus important en France. Une inondation se définit comme un événement occasionnel caractérisé par un débordement des eaux du lit mineur d’un cours d’eau à la suite d’une crue, entraînant la submersion d’une ou plusieurs zones à proximité du cours d’eau. L’Homme a tenté notamment par des systèmes d’endiguement de résister aux fleuves et de se protéger pour permettre l’urbanisation et une meilleure prospérité économique de son territoire. Pourtant, cette protection n’est qu’illusoire et ces ouvrages censés protégés sont en réalité dangereux pour la population. C’est le constat réalisé dans les milieux des années 2000 et confirmé par la rupture des digues maritimes après le passage de la tempête Xynthia en 2010. Le risque de rupture de digues apparaît donc plus que jamais réel. A l’heure où l’absence de propriétaires concerne presque une digue sur deux et que le désengagement de l’Etat s’accélère, nous pouvons nous poser la question suivante : Comment les différents acteurs concernés s’organisent pour prendre en compte le risque de rupture de digues ?
LES BORDS DE FLEUVE, DES LIEUX PRIVILEGIES POUR L’URBANISATION
Le concept de risque d’inondation s’est construit au cours du XXème siècle, il se définit dans une publication du Commissariat Général au Développement Durable comme « l’identification d’une menace latente pour une cible » (CGDD, 2014). Les définitions sont quelque peu changeantes selon les auteurs mais laissent percevoir deux idées clés que sont : – La notion de probabilités (caractère aléatoire) – La notion de conséquences (dégâts matériels, humains mais aussi moraux) Ce risque naturel est la conjonction de l’aléa et de la vulnérabilité d’un territoire : (BARROCA et al, 2007) Risque naturel= aléa x vulnérabilité du territoire L’aléa est l’événement naturel affecté d’une probabilité. L’aléa inondation apparaît généralement après de fortes précipitations, des fontes de neige ou du couplage de ces deux événements et font déborder le fleuve en crue. L’aléa inondation sur le territoire français peut revêtir différentes formes, de par la diversité des zones climatiques et de la topographie française: – Les inondations de plaines avec crues lentes ayant pour origine des précipitations successives et soutenues sur de vastes zones, ou encore avec crues rapides faisant suite à des précipitations intenses et localisées souvent liées à des orages ou cyclones. – Les inondations par ruissellement qui surviennent suite à une forte accumulation d’eau ruisselant sur un sol imperméable. Souvent accompagnées de coulées de boue, les zones les plus vulnérables sont les milieux urbains ou périurbains en raison de l’artificialisation des sols ou les milieux ruraux lorsque le sol est gelé ou saturé d’eau. – Les inondations par remontée de nappe à la suite d’événements pluvieux exceptionnels. – Les inondations par submersion marine qui concernent les zones côtières submergées par l’élévation du niveau de la mer. La gestion du risque d’inondation : la prise en compte du risque de rupture des digues. Les inondations peuvent donc être fluviales ou maritimes. L’aléa dépend des fluctuations climatiques mais aussi de l‘évolution de l’occupation des sols sur les bassins versants. L’aléa est donc fluctuant dans le temps. (SCARWELL, 2004) Il va affecter un territoire qui est plus ou moins vulnérable, avec des enjeux plus ou moins forts. Ceci a des conséquences de gravité différente sur le territoire. Tout comme l’aléa, la vulnérabilité d’un territoire évolue dans le temps : les techniques améliorent les infrastructures qui sont alors plus résistantes aux crues, et la mentalité des habitants changent aussi avec une conscience du risque qui s’accroît. L’ensemble de ces paramètres (aléa et vulnérabilité) forment le risque d’inondation.Actuellement, dans beaucoup d’esprits, le risque d’inondation est synonyme de l’aléa et cette pensée en fait même oublier l’importance de la vulnérabilité d’un territoire. Pourtant, la vulnérabilité est très importante. Prenons un exemple avec des inondations de moins de 30 cm, l’aléa y est faible. Si tous les bâtiments sont sur pilotis et que les habitants sont préparés à cet éventuel événement, les conséquences seront peu notables : peu voire pas de biens matériels seront touchés et il n’y aura pas de dégâts humains. La vulnérabilité du territoire y est donc faible. En revanche, les dégâts seront beaucoup plus importants si les maisons sont à même le sol, et que rien n’est fait pour se protéger face aux crues. L’aléa aura beau être faible, les conséquences seront significatives car la vulnérabilité du territoire est forte. Ceci montre bien que le risque d’inondation ne doit pas se limiter à l’aléa. Pourtant, « la vulnérabilité reste le parent pauvre des études de risque » (BARROCA dans La Revue Urbanisme n°395 p.36).
INTENSIFICATION DES INONDATIONS DANS LES PROCHAINES DECENNIES
D’après l’Agence Européenne de l’environnement (EEA), les inondations en Europe seront de plus en plus fréquentes notamment avec le changement climatique. En effet, les températures vont augmenter de plusieurs degrés (entre 3,7 et 6,2°C) d’ici la fin du siècle ce qui provoquerait des modifications des cycles hydrologiques. La principale conséquence sera une augmentation des précipitations. Ce constat est partagé avec le Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC). Ces derniers ont montré que l’effet de serre dans la plupart des régions d’Europe entraînerait une aggravation des pointes de crue et une diminution des débits d’étiage. Le débit d’étiage est le débit moyen le plus bas d’un cours d’eau tandis que la pointe de crue est le débit le plus haut atteint par une crue dans un cours d’eau. De plus, les durées d’inondation dans les zones côtières comme en Charente ou en Gironde seraient aggravées par l’élévation du niveau des océans. Cependant, le changement climatique ne serait pas la seule cause explicative et sur certains bassins versants comme la Loire n’aurait pas d’effet réellement significatif. (MOATAR et al, 2010). Cette « absence de tendance significative sur l’évolution des crues » obtenue avec des modèles scientifiques dans le bassin de la Loire doit être nuancée due à des incertitudes fortes sur la capacité des modèles climatiques à reproduire les précipitations extrêmes. L’urbanisation et certaines pratiques agricoles notamment dans le lit majeur des fleuves auraient un rôle dans l’augmentation des crues. Qui dit urbanisation, dit artificialisation des sols et donc davantage de ruissellement. Les chenaux d’écoulement naturels sinueux sont transformés en des réseaux d’écoulement rectilignes ce qui augmentent la vitesse d’écoulement des eaux. (SCARWELL,2004) L’imperméabilisation des sols accroît le volume de l’écoulement rapide de crue (de 500 % à 800 % selon le niveau d’imperméabilisation). L’aléa se trouve alors amplifié par une montée des eaux plus rapides, une pointe de crue plus précoce et/ou un volume d’eau ruisselé plus important. De plus, les constructions entraineraient une augmentation des précipitations : 8 à 10 % pour un ensemble pavillonnaire et 16 à 18 % pour les grands ensembles (SCARWELL, 2004). Par ailleurs, certaines pratiques agricoles génèrent davantage de ruissellement et d’érosion des sols et donc influent sur les crues. Le passage d’engins agricoles compacte le sol et diminue la capacité d’infiltration de l’eau dans le sol. De plus, une terre trop travaillée va provoquer le phénomène de battance (apparition de croûtes à la surface du sol). Le travail du sol modifie la rugosité de celui-ci et change la capacité de stockage de l’eau à la surface du sol sous forme de flaques. Toutes ces pratiques agricoles, tout comme certaines cultures comme le maïs ou les betteraves sucrières, modifient la structure du sol et favorisent le phénomène de ruissellement. Enfin, les réseaux d’évacuation et les systèmes d’irrigation jouent également un rôle pour le risque d’inondation futur. En effet, ils ont pour effet de modifier les écoulements naturels des cours d’eau, tout comme les ponts, les enrochements et les digues.