LACTUCASATIVA
Historique
Si certains légumes ont été sélectionnés et domestiqués très tard (Zohary et al., 2012), nombreuses sont les espèces dont l’exploitation remonte aux origines de l’agriculture (10000 à 7000 av JC), et probablement en plusieurs lieux (Proche Orient, Asie, Amérique Centrale… ; Harlan, 1975 ; Haudricourt & Hedin, 1943). Les voyages des marchands et explorateurs, mais aussi les guerres sont pour beaucoup dans l’introduction de certains légumes et fruits en Europe (Chauvet, 1985, 1986) : • les Grecs ont développé les melons, concombres, radis et autres panais ; • aubergines, choux fleurs, pastèques et épinards ont été introduits par les Arabes et les Juifs entre le Xe et XVe siècle ; • les pommes de terre, haricots, tomates, courges et poivrons sont rapportés des “Indes” à partir de 1492 ; • les choux de Bruxelles, pissenlits et endives n’ont quant à eux été cultivés en Europe qu’à partir du XVIIIe siècle. La laitue Lactuca sp. fait partie de ces très anciens genres cultivés aussi bien en Chine dès le VIIe siècle avant JC (Laufer, 1919) que bien avant la période pharaonique Egyptienne (environ 4500 ans avant JC, soit 1500 ans avant les premiers pharaons). Cultivées également pendant l’Antiquité gréco-romaine, les différentes espèces de laitues étaient connues pour leurs effets sédatifs, narcotiques et analgésiques1 , mais aussi anti oxydants et anti bactériens (présence de lactucarium ; Diderot & Le Rond D’Alembert, 1779 ; Ducan, 1821 ; Mérat & de Lens, 1837 ; Munch et al., 1933 ; Edziri et al., 2011), voire même mystique (importance de la laitue dans le culte d’Adonis, qui, mortellement blessé aurait été allongé par Venus sur un lit de laitues ; Rochette, 1851). Aujourd’hui, environ 25 millions de tonnes de laitues (et chicorées) sont produites par an (FAOStat, 2014) dans le monde ; 1,3 % de cette production était française en 2012. 1 Les pythagoriciens la nomment d’ailleurs la « plante des eunuques » pour les propriétés anti aphrodisiaques du lactucarium.
Classification, systématique et commercialisation
Le genre Lactuca sp. est un des plus importants de la famille des Astéracées (anciennement Composées Chicoriacées). A la fin du XIXe siècle, on en comptait une quarantaine d’espèces, 150 à 180 dans les années 1950 ; on dénombre aujourd’hui plus de 1500 variétés commerciales, regroupées en 3 espèces principales : Lactuca indica, Lactuca serriola et Lactuca sativa, toutes les trois décrites par Linné. Il existe 5 classes ou groupes1 de Lactuca sativa L., matériel biologique choisi dans cette étude : • les Pommées (ou “cabbage” en anglais), dénommées L. sativa var capitata ; • les Romaines, ou chicons (“romaines” ou “cos”), L. sativa var longifolia ; • les Frisées (“Summercrisps”, “Batavian crisps” ou “French crisps”), L. sativa var crispa ; • les A tiges (“Stem” ; jusque 50 cm de haut), L. sativa var augustana ; • les Grasses (“Leaf”, “Oil seed”), L. sativa var laciniata. Les classifications, systématiques mais aussi mercantiles, dépendent de nombreux aspects morphologiques comme la couleur, la taille, la forme générale des feuilles, mais aussi des semences (Plages, 1986). C’est ainsi que l’on peut entendre dire, en plus des classes “romaines” ou frisées, de laitues “ beurre ” (e.g. La Grosse Blonde Paresseuse, connue et cataloguée par Vilmorin depuis 1854 ; Chauvet, 1985, 1986). La dénomination des variétés, sous-variétés, cultivars dépend également de caractéristiques physiologiques, comme une montaison lente ou retardée (e.g. la Kinemontepas). 1 Les termes « classes » ou « groupes » sont systématiquement faux, mais nécessaires considérant la variabilité variétale de cette espèce. 63 3.2 Caractéristiques biologiques et physiologiques Cette herbacée dicotylédone à feuilles glabres et ovales (on parle aussi de légume-feuille en parlant de la laitue) est une plante de type C3 : elle incorpore le carbone atmosphérique lors de la photosynthèse strictement sous la forme de 3- phosphoglycérate, acide à 3 atomes de carbone (Figure I.11.a). Les plantes de ce type (riz, blé, soja, laitue…) sont les plus abondantes en agriculture. Ce fonctionnement s’oppose à celui des plantes de type C4 (ex : canne à sucre, maïs…), dont le premier produit carboné est l’oxaloacétate, acide à 4 atomes de C) par le cycle de Calvin (Figures I. 11.a et I. 11.b). Figure I.13.a. Absorption du Carbone par des plantes dites « en C3 » et « en C4 ». Figure I.13.b. Principales étapes du cycle de Calvin (réduction du carbone) (Boyer, 2009 d’après Mazliak, 1974). 64 Les laitues en général, L. sativa en particulier, sont des plantes autogames et diploïdes (n = 8 ou 9 ; dans le cas de Lactuca sativa, n = 9). Si l’allogamie est possible (4 à 8 %), sa probabilité augmente avec la chaleur et l’ensoleillement (Plages, 1986). L. sativa est une plante annuelle : son cycle de développement se déroule sur une seule année (Figure I.12), à partir d’une semence (graine) ovoïde, striée, de couleur noire, blanche ou jaune grisâtre. Cet akène dispose d’une aigrette poilue pour faciliter la dissémination par le vent (anémochorie). Figure I.14. Cycle de développement de la laitue. Effet d’un vieillissement intensif (45°C, 80 % d’humidité relative) sur la capacité germinative de semences de différentes espèces végétales (Renard, 1985). Thicoïpé (1997) a souligné la grande variabilité du cycle de développement : de 45 jours en période estivale à 6 mois l’hiver, la montaison est très photosensible. On distingue d’ailleurs des laitues de printemps, d’été, d’automne et d’hiver. La température influence également le développement de la plante à travers la germination et la montaison (de 0 à 25 °C ; optimum : 18 – 22 °C). Ceci explique en partie la diminution du nombre de sous-espèces ou de variétés de laitues des régions boréales et tempérées aux régions semi-arides à tropicales. Dans le cadre de la conservation des semences et de leur préservation du vieillissement, à des fins scientifiques ou strictement potagères, il convient de stocker ces semences à l’abri de la lumière, de la chaleur, et d’une trop grande humidité (Figure I.13, Renard, 1986 ; Huang et al., 2003).
Bio-indicateur écotoxicologique
Comme de nombreuses espèces végétales, très souvent à intérêt agricole, la laitue est recommandée et utilisée pour la réalisation de bio-essais (FDA, 1987 ; EPA, 1996 ; OECD, 2003). Elle est utilisée au sein de notre équipe dans le cadre d’évaluation de l’écotoxicité de RITS depuis 2008. Il existe deux types de tests écotoxicologiques impliquant la laitue : le test de germination (7 jours ; utilisé lors de ce travail de doctorat et protocole détaillé dans le point 3.3.1) et le test de croissance (28 jours ; protocole très largement détaillé dans le mémoire de doctorat de Bertrand Sancey (2011)). Ces deux tests permettent de mettre en évidence visuellement et quantitativement (vide infra), entre autres, les effets de RITS et/ou de solutions synthétiques sur la germination, l’élongation (racinaire et totale ; Figure I.14) et la croissance (masse et longueurs ; Figure I.15) des semences et plantules de laitue.