La réponse adaptative aux IRO

La réponse adaptative aux IRO

Les organismes uni et pluricellulaires sont soumis à des variations constantes de leur environnement et de leur métabolisme, d’ordre chimique, thermique ou osmotique. Ces variations peuvent être incompatibles avec le bon fonctionnement de la cellule si elles ne sont pas compensées. La survie de la cellule dépend donc de sa capacité à s’adapter à ces nouvelles conditions de croissance, en mettant en place une réponse de stress. Cette stratégie suppose l’existence d’un système de détection, permettant à la cellule de « sentir » la variation d’un paramètre donné, et de transmettre ensuite l’information à un système effecteur, en charge de corriger spécifiquement cette variation. Elle définit ainsi les bases nécessaires à l’existence d’une régulation homéostatique. Une telle régulation est-elle mise en place en réponse à la variation de la concentration en oxydant ? Deux systèmes expérimentaux ont permis d’étudier cette question. Le premier repose sur l’étude du phénomène d’adaptation et s’appuie sur une étude de viabilité cellulaire. Le deuxième repose sur l’étude des effecteurs et des régulateurs de la réponse et s’appuie sur les nouveaux outils d’analyse globale des génomes.

Le phénomène d’adaptation aux IRO

La capacité d’adaptation à un oxydant donné

Le phénomène d’adaptation est mis en évidence par la capacité de la cellule à accroître sa résistance face à un stress donné lorsque cette cellule a été auparavant exposée au même stress, mais d’une amplitude plus faible. Une réponse adaptative au stress oxydant a été initialement décrite chez les bactéries v puis chez les levures  . Une réponse adaptative au peroxyde d’hydrogène et aux composés générateurs d’ions superoxyde comme la ménadione ou le paraquat a ainsi été mise en évidence chez E. coli, S. typhimurium et S. cerevisiae [18-20] (Fig. 3). L’existence d’une adaptation physiologique de la cellule à des doses croissantes d’un oxydant donné implique que la cellule possède des systèmes effecteur et détecteur spécifiques. La réponse adaptative aux IRO Avec pré-traitement % de survie 0.0   H2O2 (mM) Sans pré-traitement Figure 3. Mise en évidence du phénomène d’adaptation au H2O2 chez S. cerevisiae. Les cellules sont pré-traitées ou non pendant 15 minutes avec 0,2 mM de H2O2 , puis exposées pendant une heure aux doses de H2O2 indiquées. Le pourcentage de survie est ensuite mesuré grâce au dénombrement des colonies croissant sur un milieu dépourvu d’oxydant après l’exposition. 25 B. Le phénomène d’adaptation croisée La nature du stress imposé peut déterminer en partie la nature des défenses induites. Dans quelle mesure cette induction est-elle spécifique d’un oxydant donné? Cette question peut être posée expérimentalement grâce à l’étude des phénomènes d’adaptation croisée. Ainsi, l’exposition d’E. coli à de faibles doses de H2O2 induit non seulement une résistance accrue à cet oxydant mais aussi à la ménadione , suggérant l’induction de défenses communes en réponse à ces deux oxydants. Cette adaptation croisée est en revanche imparfaite chez S. cerevisiae . L’étude expérimentale des réponses croisées ne permet pas d’obtenir des renseignements précis sur la nature des défenses induites, ni sur l’existence d’un mécanisme de détection commun aux deux réponses. Il permet d’évaluer d’une façon globale la spécificité des réponses cellulaires par rapport à un oxydant donné, et de postuler l’existence de mécanismes de détection et de régulation, à la fois distincts et communs pour différentes classes d’oxydants. II. Etude génomique de l’adaptation aux IRO La réponse adaptative et plus généralement le contrôle de l’homéostasie redox nécessite la synthèse de protéines de novo, tant chez les bactéries   que chez la levure [18, 20]. L’analyse de gels d’electrophorèse à deux dimensions, et plus récemment, l’utilisation de puces à ADN, a permis de caractériser de façon relativement exhaustive l’ensemble des activités induites ou réprimées par les stress oxydants, en particulier les stress induits par H2O2 et O2 .-. L’analyse de ces réponses génomiques a permis d’apprécier leur complexité, et le large spectre des activités recrutées pour adapter la cellule à ce type de stress.

Les stimulons

Description générale 

La réponse au stress oxydant se caractérise, chez E. coli comme chez S. cerevisiae, par la modulation de l’expression d’un nombre important de gènes, pouvant représenter jusqu’à 14 % des gènes putatifs chez S. cerevisiae.  . En réponse à une dose unique d’oxydant, cette 26 réponse est à la fois rapide et transitoire : chez la bactérie comme chez la levure, elle est observée dès 5 à 10 minutes de traitement au H2O2 avec un retour au niveau de base après une heure d’exposition . L’observation expérimentale d’une telle réponse transitoire montre d’une part que la cellule détecte rapidement la présence de H2O2 , et d’autre part qu’il existe des mécanismes de rétrocontrôle permettant l’arrêt de la réponse. Ces deux aspects reposent sur l’existence de régulateurs spécifiquement activés ou désactivés en fonction de la concentration en oxydant. Les mécanismes moléculaires responsables de ces réponses chez E. coli, sont exposés dans le chapitre III.

Description des activités recrutées ou réprimées en réponse à un stress oxydant

 Les activités régulées par le stress H2O2 ou O2 ._ ont été identifiées par analyse globale (gels d’électrophorèse bi-dimensionnelle des protéines et puces à ADN) chez E. coli, et chez S. cerevisiae, [22-25]. Ces analyses ont permis de dégager un certain nombre de traits caractéristiques de ces réponses de stress. Tout d’abord, la cellule met en place des mécanismes de défense impliquant l’induction de protéines à activité anti-oxydante, des protéines de choc thermique et de réparation de l’ADN et des pompes à efflux, permettant l’élimination des toxiques. Les activités anti-oxydantes comprennent les catalases, les superoxydes dismutases et les peroxydases, ainsi que les enzymes de la voie des thiorédoxines et du glutathion ; leur rôle dans le contrôle de la concentration en H2O2 est analysé dans le paragraphe suivant. En outre, la cellule induit une répression générale de l’anabolisme au profit du catabolisme. Ainsi, chez S. cerevisiae, les gènes impliqués dans les phénomènes de croissance cellulaire, le métabolisme des ARNs, la synthèse protéique et la sécrétion sont réprimés en réponse au H2O2. Parallèlement, la répression des enzymes de la glycolyse au profit en particulier des enzymes de la voie des pentoses phosphate [23] pourrait permettre l’augmentation de la production de NADPH, coenzyme essentiel des voies de réduction thiol-dépendantes. 

Les anti-oxydants responsables du contrôle de la concentration en peroxydes 

Les anti-oxydants sont essentiels au maintien de l’homéostasie redox car ils catalysent l’élimination des IRO par réduction. La concentration en peroxyde d’hydrogène est contrôlée grâce à deux types d’activités reposant sur deux modes de catalyse différents. i) Les superoxyde dismutases et les catalases catalysent respectivement la dismutation de l’ion superoxyde en peroxyde d’hydrogène et la dismutation du peroxyde d’hydrogène en eau grâce aux propriétés redox des métaux. L’activité réductrice de ces deux enzymes ne dépend pas du pouvoir réducteur du NADH ou du NADPH. ii) Les peroxydases catalysent la réduction du peroxyde d’hydrogène en eau et des peroxydes organiques en leur alcool correspondant grâce au pouvoir réducteur du NADPH (ou du NADH). L’activité de ces enzymes repose sur la présence de thiols ou de sélénothiols réactifs. Leur description sera détaillée car la découverte relativement récente de ces enzymes a permis de leur attribuer un rôle essentiel dans la réduction des peroxydes. De plus, elles constituent un modèle pour l’étude de la réactivité du peroxyde d’hydrogène vis-à-vis des cystéines. 

Les superoxyde-dismutases et leur double rôle dans la protection contre le stress superoxyde 

Trois types de Superoxyde-dismutases L’activité superoxyde-dismutase (SOD) est retrouvée chez la plupart des organismes aérobies. Elle catalyse la conversion de deux molécules d’O2 .- en H2O2 et O2 par un mécanisme de dismutation métal-dépendant. Le métal de transition, présent au sein du site actif, est tout d’abord réduit par une première molécule d’O2 .- , libérant O2 . Sa ré-oxydation par une deuxième molécule d’O2 .- permet la régénération du métal catalytique et la libération d’une molécule de H2O2 . Il existe trois types de SOD, en fonction de la nature du métal de transition impliqué : les superoxyde-dismutases Fer-dépendantes, (Fe-SOD), les superoxyde-dismutases Manganèse-dépendantes, (Mn-SOD) et les superoxyde-dismutases Cuivre-dépendantes, (Cu/Zn-SOD), le zinc jouant dans ce cas un rôle structural.

L’analyse phénotypique de mutants déficients en activité SOD définit la toxicité d’O2 

Chez E. coli, comme chez S. cerevisiae, l’absence d’activité SOD entraîne un défaut de croissance en conditions aérobies, diverses auxotrophies en milieu minimum, une 28 hypersensibilité à l’oxygène et aux agents générateurs d’ions superoxyde, ainsi qu’une augmentation du taux de mutations spontanées. Une partie de ces phénotypes est imputée à l’inactivation par l’ion superoxyde des protéines à centres Fer-Soufre, dont certaines participent aux voies de biosynthèse des acides aminés . Parallèlement, la destruction des centres Fer-Soufre entraîne une libération de Fer et donc une augmentation de la concentration en Fer libre dans la cellule  . Pourquoi cette libération de Fer est-elle toxique ? La première hypothèse est que la participation de ce métal de transition aux réactions de Fenton et d’Haber-Weiss permet la production de radical hydroxyle. Cette hypothèse est compatible avec l’observation d’une augmentation du taux de mutations spontanées. Cependant, chez la levure, l’import de Fer est accru dans les mutants SOD et l’ajout de Fer dans le milieu supprime certains des phénotypes associés à l’absence de SOD . Cette observation a conduit ces auteurs à proposer une deuxième hypothèse non exclusive : l’exposition à l’ion superoxyde entraîne une carence relative en Fer et cette carence est responsable d’une partie des phénotypes observés en absence de SOD. En effet, le Fer libéré par la destruction des centres Fer-Soufre n’apparaît pas disponible pour leur reconstruction, mais au contraire séquestré dans la vacuole . Les superoxyde-dismutases permettent donc de prévenir la toxicité associée à la présence d’ions superoxyde. Ce-faisant, elles participent à la production d’un autre composé potentiellement toxique, le peroxyde d’hydrogène. D’autres activités, les catalases et les peroxydases sont alors mises en jeu.

Les catalases et les peroxydases à thiol sont les principales activités responsables de la réduction des peroxydes

Les catalases

 Les catalases sont des protéines homotétramériques, dont l’activité catalytique repose sur la présence d’un hème. Les catalases réduisent par dismutation deux molécules d’H2O2 en eau et O2 en utilisant le pouvoir catalytique du Fer. La catalase a été l’une des premières enzymes décrites chez la bactérie E. coli, qui possède deux types de catalases codées par les gènes KatE . S. cerevisiae possède également deux catalases, une catalase cytoplasmique, Cta1, et une catalase peroxisomale,Les peroxydases à thiol (ou thiol-peroxidases) (i) Une activité catalytique reposant sur un thiol réactif Les thiol-peroxydases sont de petites protéines catalysant la réduction à un électron des peroxydes (ROOH) en leur alcool correspondant (ROH). Ainsi, le peroxyde d’hydrogène est réduit en eau. L’étude de leur activité catalytique est un modèle pour l’analyse de la réactivité des peroxydes vis-à-vis des cystéines. Le site catalytique des thiol-peroxydases est constitué d’une cystéine réactive, capable de réaliser une attaque nucléophile de la fonction peroxyde. Cette réaction entraîne de façon concomitante la libération d’une molécule d’eau ou d’alcool et la formation d’un acide sulfénique (Cys-OH) au niveau du site catalytique . La réactivité de la cystéine catalytique nécessite sa présence sous forme thiolate (Cys-S- ), plus nucléophile que la forme protonée. L’abondance du thiolate est directement dépendante du pH du milieu et du pKa de la cystéine. Or, à pH physiologique, la plupart des cystéines sont protonées car leur pKa est d’environ 8,5. La forme thiolate peut être stabilisée par le microenvironnement de la cystéine catalytique. En particulier, la présence de groupements électroattracteurs à proximité du site actif permet la stabilisation de la forme thiolate de la cystéine, chargée négativement. Cette stabilisation se traduit par une diminution du pKa mesuré pour la cystéine réactive. Ce facteur est important tant que le pKa n’est pas significativement inférieur au pH physiologique. En effet, la diminution du caractère basique du thiolate diminue également sa nucléophilie, et par là même sa réactivité. La réactivité est ainsi théoriquement maximale lorsque le pKa de la cystéine est égal au pH intracellulaire. L’abaissement du pKa n’est pas le seul paramètre nécessaire au fonctionnement du site catalytique des thiol-peroxydases. Un autre paramètre important est la capacité du site actif à protoner et ainsi à stabiliser l’espèce RO- , produite suite à la réduction de la fonction peroxyde.

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