La qualité et la fiabilité de l’information financière locale
Dans les collectivités territoriales et les établissements publics de coopération intercommunale (EPCI), le vote du budget par l’assemblée délibérante est un moment important de la démocratie locale. Le code général des collectivités territoriales comporte un ensemble de dispositions législatives et règlementaires qui régissent non seulement les conditions d’adoption du budget mais aussi son contenu et sa présentation. Ainsi l’article L. 1612-4 définit ce que l’on appelle couramment la « règle d’or » : les deux sections constitutives du budget (fonctionnement et investissement) doivent être en équilibre réel – les recettes et les dépenses ayant été évaluées de façon sincère – et les ressources propres, à l’exclusion du produit des emprunts, doivent être suffisantes pour couvrir le remboursement du capital des annuités de la dette. C’est dans ce cadre que s’inscrivent l’exécution budgétaire annuelle des recettes et des dépenses et la production des comptes, tenus selon des règles inspirées de celles du plan comptable général. Les décennies 1990 et 2000 ont vu la mise en place puis l’évolution régulière d’une nouvelle génération d’instructions budgétaires et comptables applicables aux différentes catégories de collectivités et établissements publics locaux, manifestant un important mouvement de modernisation des budgets et des comptes locaux. Dans un contexte de crise de la dette publique, l’évolution récente des finances publiques locales renforce les enjeux qui s’attachent à une information financière de qualité. Celle-ci suppose un cadre budgétaire permettant d’assurer la sincérité tant de la prévision que de l’exécution, au plan de chaque entité aussi bien que dans une vision d’ensemble. Les comptes des entités publiques locales doivent être réguliers et sincères et donner une image fidèle de la situation financière et du patrimoine des collectivités et établissements publics locaux. Les agrégations locales, régionales ou nationales nécessaires à une perception exacte de la situation doivent être aisées à réaliser. Aussi le présent chapitre, après avoir rappelé les traits généraux d’un cadre budgétaire et comptable en évolution pour mieux répondre aux exigences actuelles d’une information financière de qualité, abordera les améliorations qu’appelle le dispositif budgétaire puis montrera les progrès qui restent à accomplir en ce qui concerne la fiabilité des états financiers. Enfin sera évoquée la question de la centralisation au niveau national des budgets et des comptes des collectivités territoriales, dont le processus apparaît perfectible.
La nécessité d’une mise en cohérence du cadre budgétaire et comptable
Devant satisfaire à des attentes multiples et, pour certaines, nouvelles, l’information financière relative au secteur public local doit rendre compte d’un ensemble à la fois diffus et complexe. La production, par construction décentralisée, des informations comptables appelle dans ces conditions une mise en cohérence des différents acteurs.
Les enjeux de la fiabilité des comptes locaux
Obligation constitutionnelle et communautaire et condition indispensable à l’appréciation de la maîtrise des finances publiques, une information financière fiable contribue également au bon fonctionnement de la démocratie locale et à la recherche d’une allocation optimale des ressources.
Une obligation constitutionnelle désormais relayée par le code des juridictions financières
L’article 47-2 de la Constitution dispose que « les comptes des administrations publiques sont réguliers et sincères. Ils donnent une image fidèle du résultat de leur gestion, de leur patrimoine et de leur situation financière ».Traduisant ce principe, la loi du 29 juillet 2011 a confié à la Cour des comptes la mission de s’assurer du respect de cette exigence pour les administrations publiques, « soit en certifiant ellemême les comptes, soit en rendant compte au Parlement de la qualité des comptes [de celles] dont elle n’assure pas la certification »106. Le premier rapport mettant en œuvre cette disposition sera publié en octobre 2013. Déjà effective avec la certification, depuis l’exercice 2006, des comptes de l’État et du régime général de sécurité sociale , cette mission se voit ainsi élargie et renforcée, selon des modalités qui restent cependant encore à préciser pour le secteur public local. Sa mise en œuvre ne pourra cependant qu’être progressive et différenciée en fonction de la nature des activités et des volumes financiers. Elle nécessite qu’un état des lieux soit entrepris dans les meilleurs délais : le présent chapitre y contribue sans épuiser le sujet.
Une obligation européenne
La directive du Conseil de l’Union européenne du 8 novembre 2011 définit les exigences applicables aux cadres budgétaires des États membres, en vue de garantir le respect des obligations qui leur incombent au titre du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne, notamment afin d’éviter des déficits publics excessifs. Il est ainsi précisé que « les dispositions du cadre de surveillance budgétaire établi par le traité sur le fonctionnement de l’Union européenne et, en particulier, le PSC [pacte de stabilité et de croissance] s’appliquent aux administrations publiques dans leur ensemble, lesquelles comprennent les sous-secteurs administration centrale, administrations d’États fédérés, administrations locales et administrations de sécurité sociale ». Les États membres sont tenus de mettre en vigueur, avant le 31 décembre 2013, les dispositions nécessaires à la mise en œuvre de cette directive et notamment les conditions de production d’un audit indépendant de l’ensemble des comptes des entités publiques, incluant les administrations locales. La mise en conformité avec ce cadre de surveillance budgétaire doit en effet permettre de vérifier, de façon précise et homogène au niveau communautaire, les conditions du retour à l’équilibre des comptes publics des États membres.
Une nécessité pour la mise en œuvre des lois de programmation
Le contenu des lois de programmation des finances publiques a été défini à l’article 2 de la loi organique du 17 décembre 2012 relative à la programmation et à la gouvernance des finances publiques qui résulte de la mise en œuvre du traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance (TSCG). Ces lois doivent ainsi présenter, pour chaque soussecteur des administrations publiques, la décomposition des soldes budgétaires ainsi que les modalités de calcul de l’effort structurel attendu de chaque composante et exposer de façon sincère les perspectives de dépenses, de recettes, de solde et d’endettement. Ces obligations s’appliquent au secteur public local en tant qu’elles comportent des prévisions le concernant. Tel est le cas de la loi de programmation des finances publiques du 31 décembre 2012 (voir chapitre I). Elles rendent nécessaire la mise en place d’un cadre fiable assurant le recueil, le suivi et l’analyse de l’information financière concernant les administrations publiques locales.
Le cycle budgétaire et comptable local : un enjeu démocratique et de bonne gestion
La qualité, l’exhaustivité et la lisibilité de l’information sont indispensables à l’exercice de la démocratie locale. Le droit des habitants de la commune à être informés des affaires de celle-ci et à être consultés sur les décisions qui les concernent, indissociable de la libre administration des collectivités territoriales, est en effet un principe essentiel défini, pour les communes, à l’article L. 2141-1 du code général des collectivités territoriales. Une information précise et exhaustive est donc requise à tous les stades du cycle budgétaire et comptable : – dès la préparation du budget, avec la tenue d’un débat d’orientation budgétaire (DOB), obligatoire pour toutes les collectivités de plus de 3 500 habitants ; – lors de l’examen du budget primitif, qui doit intervenir avant le 15 avril de l’année concernée et qui encadre, par son caractère de prévision mais aussi d’autorisation, les enjeux et les contraintes de la gestion de l’année ; Cour des comptes Les finances publiques locales – octobre 2.