Rôle de la couche intermédiaire dans le potentiel de la voie ferrée
La qualité de la voie ferrée est déterminée en fonction du maintien d’une géométrie prédéfinie. Comme nous l’avons vu dans le chapitre précédent, la tenue du nivellement est tributaire de la qualité de l’armement, mais également de la qualité de la structure d’assise. Or, cette structure est totalement hétérogène sur le réseau des lignes classiques, car définie, lors de l’édification de ces lignes, selon les terrains rencontrés et les matériaux disponibles. Cependant avec l’avènement des Lignes Nouvelles et des Lignes à Grande Vitesses (LGV), il a été nécessaire d’homogénéiser le dimensionnement et de rendre pérennes ces structures. Ce chapitre s’attachera à présenter la démarche de dimensionnement des structures d’assise ferroviaire en matériaux Granulaire Non Traités (GNT) en la comparant à la méthode routière, tout en introduisant de nouvelles méthodes de caractérisation du sol support. L’accent sera mis sur le matériau de couche intermédiaire en introduisant ses paramètres d’état et de nature en se référant aux normes actuelles définissant la sous-couche. A. Les bases du dimensionnement Le dimensionnement des structures ferroviaires et routières est effectué en fonction des caractéristiques géotechniques et hydrogéologiques du sol support. Ainsi, la qualité du sol support dépend de la nature géotechnique du sol en place et principalement des propriétés suivantes : la granularité avec le cas échéant le pourcentage de matière organique pour un sol meuble, la sensibilité à l’eau, la dureté et l’altérabilité pour un sol rocheux, les conditions hydrogéologiques. Les autres paramètres rentrant en ligne de compte sont la charge supportée par la chaussée et la nature des matériaux. Pour ce dernier point, l’assise des chemins de fer a longtemps été réalisée en Grave Non Traitée (GNT) tandis que les matériaux liés sont utilisés depuis des décennies sur le réseau routier. Aussi les paramètres mécaniques de vérification des structures ne sont pas les mêmes : résistance à la traction pour les matériaux liés et à la compression pour les GNT, des structures ferroviaires. On présente ici le principe de classement des arases de terrassement, les bases de dimensionnement des structures ferroviaires et routières ainsi que de nouvelles perspectives pour qualifier le sol support.
La classification des sols et de l’arase terrassement
Méthodes usuelles
C’est la norme française NF P 11-300 (AFNOR, 1992) qui régit la classification des matériaux utilisables dans la construction des remblais et couches de forme d’infrastructures routières. Les sols sont classés selon les paramètres de : – Nature : qui correspond à la qualité intrinsèque du matériau et qui n’évolue pas lors de la mise en œuvre. Ces indicateurs sont : la granulométrie, la plasticité et l’argilosité ; – D’état : classifie le sol en fonction de l’environnement dans lequel il se trouve. Dans le cas de l’utilisation des matériaux de fondation, on s’intéresse uniquement à la teneur en eau caractérisant l’état du sol de très sec à très humide ; – Mécanique : permet de caractériser le comportement d’un sol sous sollicitation mécanique simulant ainsi la vie du matériau lors de sa mise en œuvre et son comportement sous trafic. Les valeurs à prendre en compte pour les sols sont les valeurs cumulées de los-Angeles (LA) et micro-Deval en présence d’eau (MDE) ; et pour les sols sableux la valeur de friabilité des sables (FS). De ces analyses, découlent les diagrammes de classification des sols et la classification Guide des Terrassement Routier (SETRA, 1992). Cette nomenclature permet donc de distinguer les sols fins (Dmax ≤ 50mm – Figure II.1), les sols grossiers (Dmax ≥ 50mm), les roches et les matériaux particuliers (sol organique ou sous-produits industriels).Comme vu précédemment, cette classification permet de déterminer le potentiel des sols à être utilisés en remblai. C’est sur cette structure, et plus particulièrement, sur la Partie Supérieure des Terrassement (PST), que reposera la structure ferroviaire. Il est donc nécessaire de la définir mécaniquement pour pouvoir à terme dimensionner la structure idoine. Pour ce faire, le dimensionnement routier classe les arases terrassement en 4 familles (Tableau II.1), en fonction du module de déformation. Notons que dans le cas où nous sommes en présence d’une PST de médiocre qualité (classe d’arase AR0), l’arase ne peut pas être utilisée en l’état, et il est nécessaire de procéder à un traitement (purge, traitement, drainage…). Cette action doit permettre d’obtenir, à minima, une arase de type AR1 et une portance à long terme minimale de 20 MPa.C’est sur la base de ces recommandations que le référentiel SNCF IN 0260 (SNCF, 1996b) base sa classification des PST (Figure II.6) en quatre catégories : – S0 : arase terrassement impropre à supporter toute structure de voie ; – S1 : arase terrassement « passable » (portance indicative 30 MPa) ; – S2 : arase terrassement « bonne » (portance indicative 50 MPa) ; – S3 : arase terrassement « très bonne » (portance indicative 80 MPa). Le Tableau II.2 est un extrait de la classification des sols appliquée aux sols fins, et montre que ces sols sont classés en fonction de leur plasticité. Il permet également de définir leur qualité géotechnique et leur capacité à être réutilisé en matériau de remblai. La dernière colonne du tableau représente la sensibilité au gel du sol, elle permet d’appréhender le risque de gonflement de celui-ci en présence de gel. L’effet de ce gonflement peut entrainer un soulèvement de la structure et/ou une fragmentation des grains occasionnant une dégradation mécanique de la PST.
Apport de la géophysique dans la caractérisation des sols in-situ
Comme on a pu le voir à travers les démarches de dimensionnement routières ou ferroviaires, celles-ci s’appuient sur la caractérisation géotechnique du sol support. Ces caractérisations bien qu’empiriques et anciennes (1992) permettent de dimensionner efficacement les chaussées et pour une durée de service déterminée. Grâce à l’évolution des techniques de reconnaissance géotechnique, d’autres moyens peuvent être développés pour obtenir des informations mécaniques complémentaires permettant ainsi d’optimiser le dimensionnement des structures d’assise. Ci-dessous sont présentées les principales méthodes de caractérisation en laboratoire des matériaux ainsi que les résultats d’une étude qui avait pour but de caractériser une gamme de sol définis par le guide des terrassements routier (SETRA, 1992), et déclinable in situ. Caractérisation mécanique des sols : méthode du bender element Cette étude, réalisée par Dhemaied (2014), avait pour objet de caractériser le comportement mécanique des sols à différentes teneurs en eau. Pour ce faire, une sélection de sols a été réalisée afin d’étudier ceux qui pouvaient être considérés comme étant les plus représentatifs des sols français, mais également ceux pour qui la variation de teneur en eau faisait évoluer de façon importante leurs propriétés mécaniques. Ainsi le choix s’est porté sur les matériaux suivants : un limon, un sable et un sable argileux, dont les caractéristiques sont reprises dans le Tableau II.L’effet de la teneur en eau sur le comportement mécanique d’un échantillon de sol a été déterminé à l’aide de l’essai au Bender Element. Ce test permet de déterminer le module de cisaillement, Gmax défini en petite déformation, par l’analyse des ondes se déplaçant dans le milieu.Cette tendance est confirmée lorsque l’on compare ces résultats au module de cisaillement (Figure II.3). Si l’on regarde plus en détail ces résultats, on remarque que le sable propre (B5) a des propriétés mécaniques plus faibles que les deux autres matériaux testés contenant eux des particules argileuses. La perte de module entre l’état très sec et le très humide est de l’ordre de 6, et celle-ci est identique quelle que soit la nature de matériau. Pour ce qui est du comportement entre le sable argileux de type B6 et les loess (A2), celui-ci est homogène, ce qui peut laisser penser que les particules argileuses ont un impact sur le comportement mécanique du matériau.Le module de cisaillement a été comparé à la succion, c’est-à-dire la capacité du sol à retenir l’eau. Cette mesure permet d’appréhender les paramètres du sol influencés par l’eau, comme le changement de volume, le comportement en déformation et en résistance à la rupture. Pour ce faire, des mesures de succion ont été réalisées par la méthode du papier filtre (ASTM, 2003) qui consiste à placer dans un récipient hermétique un échantillon avec un papier filtre pendant une durée minimale de sept jours. La Figure II.4 illustre le comportement mécanique du sol en fonction de la succion. Ce graphique montre que pour de faibles valeurs de succion (inférieure à 10 kPa) on trouve uniquement le sol B5 avec un état hydrique de moyen à très sec correspondant à un faible module de cisaillement (inférieur à 100 MPa). Concernant les valeurs à état hydrique très humide, l’écart de succion est dix fois supérieur pour le loess (A2) et le sable argileux (B6) à celle du sable propre (respectivement 10 000 et 1 000), quant à la différence de module de cisaillement, celui-ci est de l’ordre de deux (respectivement 600 et 300). Enfin et en conclusion ce graphique montre que la valeur de cisaillement augmente lorsque la valeur de la succion augmente.
Le dimensionnement des structures ferroviaires
Le dimensionnement des structures ferroviaires est établi en considérant successivement deux aspects. Le premier concerne le matelas « ballast + sous-couche » qui doit être dimensionné de telle sorte que les sollicitations exercées sur le sol de la plateforme ne dépassent pas les déformations permanentes de celui-ci. Quant au second, le système « ballast/sous-couche », il doit permettre la mise hors gel du sol support. Les bases du dimensionnement des structures ferroviaires ont été posées par Profillidis (1983) dans le cadre de ses travaux sur la « modélisation mathématique de la voie ferrée et de sa fondation ». Cette recherche, réalisée sous l’égide de l’union Internationale des Chemins de fer (UIC) et de l’Office des Recherches d’Essais (ORE), a été menée en collaboration avec les chemins de fer britanniques et la Société Nationale des Chemins de fer français (SNCF). Les premiers traitant des modélisations physiques échelle un, à Derby, les seconds traitant de la modélisation numérique par éléments finis. L’objectif de ces travaux était d’optimiser, à l’aide des outils numériques, le dimensionnement des structures d’assise et de rationaliser les dépenses liées à l’entretien.