La performance des systèmes de management de la
sécuritè
Mèthodologies actuelles pour mesurer la à performance â des systèmes de management de la sécuritè au travail La crèation des premiers rèfèrentiels de management et la mise en place des premiers SMS en entreprise au dèbut des annèes 90 se sont inèvitablement accompagnèes d’une rèflexion sur la manière de mesurer la à performance â des systèmes de management de la sécuritè. Plusieurs mèthodologies ont ètè à ce titre dèveloppèes pour aider les industriels dans cette dèmarche. La suite de ce chapitre est dèdièe à la prèsentation de La performance des systèmes de management de la sécuritè Chapitre 2 54 quelques unes d’entre elles. Un panorama de leurs principaux apports et limites est ègalement dressè. Diffèrentes mèthodologies sont prèsentèes : – L’approche par les rèsultats reposant sur le postulat suivant : si les rèsultats sécuritè obtenus par l’entreprise sont bons, le système de management est performant. – La mèthode originale proposèe par l’INRS consistant à analyser la faéon dont le système de management a ètè construit à l’origine et les modalitès de gestion qui ont prèsidè à sa mise en œuvre. – Les audits classiques de la conformitè du système avec un rèfèrentiel certifiable de type OHSAS 18001, ILO-OSH 2001, MASE, etc. – Les audits de la conformitè du système avec un rèfèrentiel de management non certifiable. De plus en plus nombreux sont d’ailleurs les outils mèthodologiques proposant leur propre rèfèrentiel et une dèmarche permettant d’èvaluer à partir de ce dernier le système de management mis en place par l’entreprise. Parce que son utilisation est de plus en plus frèquente dans les groupes industriels franéais, il a ètè choisi de prèsenter, parmi l’ensemble des outils existants, le Système International d’Evaluation de la sécuritè (SIES). Cette section prèsente chacune de ces mèthodologies27 et dècrit parallèlement les avantages et les limites inhèrentes à chacune d’entre elles. 1.1 La mesure de la à performance â du système de management de la sécuritè par l’analyse des rèsultats sécuritè de l’entreprise Cette mèthodologie consiste à èvaluer la à performance â du système de management de la sécuritè à partir des rèsultats sécuritè que l’entreprise a obtenus. Comme le souligne Hale, il arrive frèquemment que ces donnèes soient utilisèes dans l’industrie en tant qu’indicateur global de performance des SMS (Hale, 2003). Deux types d’indicateurs de rèsultats peuvent ètre utilisès à cet effet : les indicateurs traditionnels et les indicateurs dètaillès (Roy et al., 2004). Les indicateurs traditionnels les plus couramment dèployès en entreprise concernent par exemple le nombre d’accidents du travail avec arrèt28 et de maladies professionnelles, le nombre de journèes perdues par incapacitè temporaire29 (IT), le nombre d’incapacité partielle permanente30 (IPP) et les coêts directs de cotisations reversèes à la CRAM. Ces donnèes ne sont pas vèritablement exploitèes à leur ètat brut. Elles sont en fait analysèes selon leur èvolution dans le temps (comparaison par rapport à la pèriode d’exercice précédente par exemple) ou comparées aux résultats d’autres sites du méme groupe voire avec les statistiques générales de la branche d’activité, indépendamment de la taille de l’entreprise. Afin de faciliter ces comparaisons et d’harmoniser les pratiques d’une entreprise ê l’autre, la réglementation (arrété du 29 mai 1989 par exemple) a institué des indicateurs de référence, qui font désormais parti du quotidien des entreprises franâaises.Ces indicateurs peuvent ètre complètès par d’autres donnèes, plus dètaillèes, permettant de prendre en compte les èvènements n’ayant pas entraènè d’accidents ou d’incapacitè permanente. Ces indicateurs dètaillès sont particulièrement pertinents lorsqu’il devient impossible de tirer suffisamment d’informations des donnèes traditionnelles ou lorsque les taux ou indices de rèfèrence sont trop infimes pour distinguer les risques prèdominants des effets du hasard (Roy et al., 2004 ; BSI, 1996). Rien n’oblige cependant l’entreprise à compiler ces indicateurs dètaillès et chacune est ainsi tenue libre de collecter les informations qu’elle juge pertinentes (contrairement aux donnèes traditionnelles). Les indicateurs dètaillès les plus rèpandus dans les entreprises franéaises sont par exemple : le nombre d’incidents32 , de quasi-accidents33 ou d’accidents bènins34 (parfois regroupè sous un mème vocable), le nombre de premiers secours effectuès, le nombre de dommages matèriel, le nombre de non-conformitè enregistrèes dans les rapports de vèrifications obligatoires ou d’audits, les faits saillants survenus dans l’ètablissement35 . Qu’elle repose sur des indicateurs traditionnels ou dètaillès, cette approche prèsente l’avantage de reposer sur des donnèes relativement accessibles, peu coêteuses à recueillir, simples à comprendre (Roy et al., 2004) qui donnent é une vision instantanèe et tràs large des performances gènèrales de l’organisation ê (O’Brien, 2000).
Une mesure des èchecs passès
L’approche de la performance par les résultats sécurité de l’entreprise renvoie en fait ê la mesure de ses échecs passés (c’est-ê-dire l’absence de sécurité) plutôt qu’ê ses efforts en matière de sécurité. Ces indicateurs ne donnent donc pas une vision de la á performance à du système de management de la sécurité mais plutôt une vision globale relative ê l’absence de sécurité dans l’entreprise. Ils traduisent la vision, décrite dans le chapitre précédent, considérant la sécurité comme un é non event ê (Weick, 1987). La sécuritè semble à ce titre le seul domaine oê la performance se mesure selon des indicateurs d’ à èchecs â là oê la production, la maintenance, les ventes, les achats, etc. s’èvaluent selon des indicateurs de à succès â : nombre de pièces fabriquèes, taux de productivitè, nombre de commandes, prix des ventes, etc (Budworth, 1996, Bieder, 2006, O’Brien, 2000)
Une approche ne permettant pas l’action
Cette mesure correspond de plus à une image instantanèe des à performances â de l’entreprise mais ne rend pas forcèment compte de la rèalitè des efforts mis en œuvre en terme de sécuritè (O’Brien, 2000). Non accompagnèe d’un retour d’expèrience comme cela arrive souvent dans la pratique, elle n’indique pas les raisons pour lesquelles les accidents ou les maladies surviennent (Booth, 1993 ; Ingalls, 1999 ; Petersen, 1998). Elle procure dès lors une èvidence face au fait que é quelque chose ne va pas mais reprèsente une faible prèvision de la performance future ê (Stricoff, 2000). Elle ne garantit pas non plus au moment oê elle est effectuèe, c’est-à-dire après l’accident, que le risque est controlè efficacement (O’Brien, 2000). Une telle mesure survient donc trop en aval, c’est-à-dire au moment oê il est trop tard pour rèagir. Dans la littèrature, cette approche par les rèsultats est souvent comparèe à l’image d’un conducteur qui piloterait son vèhicule grèce à ses rètroviseurs. L’utilisation de ces rèsultats, commente O’Brien, c’est comme é conduire sa voiture en utilisant le rètroviseur pour savoir oô aller. Le rètroviseur donne une bonne indication d’oô on vient, mais n’aide pas beaucoup pour se diriger vers de nouvelles destinations ê (O’Brien, 2000). Une mesure à caractère relativement trompeur… Au-delà du fait que cette approche mesure les à èchecs â de la sécuritè et ne soit pas un bon support à l’action, elle peut ètre ègalement relativement trompeuse – si le seul èlèment mesurè est le taux de frèquence TF – compte tenu du caractère statistiquement alèatoire de la survenance des accidents (Roy et al., 2004 ; Bieder, 2006). O’Brien, pour illustrer cette limite, donne l’exemple de deux entreprises de 100 employès36 : – La première entreprise a eu six accidents du travail au cours de l’annèe dont 1 mortel. Ces accidents ont entraènè au total 100 journèes perdues. Ces rèsultats sont à l’image des annèes prècèdentes. Il n’y a pas eu dans l’entreprise un seul audit sécuritè et très peu de formations et rèunions sont dèdièes à la sécuritè. Il n’y a pas de politique sécuritè non plus et le document d’èvaluation des risques est plutot pauvre. Une seule personne est chargèe de la sécuritè, elle a ègalement les fonctions de responsable qualitè et environnement. – La seconde entreprise a ègalement eu six accidents, alors qu’elle n’en avait eu qu’un seul l’annèe prècèdente. Ces accidents, qui ont conduit à des analyses poussèes et qui ont permis de revoir l’èvaluation des risques, ont conduit à 12 journèes perdues. L’entreprise a mis en place un SMS, une politique de sécurité ê laquelle adhère l’ensemble du personnel, conduit régulièrement des audits, des formations et réunions dédiées ê la sécurité. Deux personnes sont en charge de la sécurité. Au final, ces deux entreprises auront les mémes résultats sécurité (6 accidents, soit un TF d’environ 37) alors que l’une semble beaucoup plus á performante à que l’autre dans son management de la sécurité. Plusieurs auteurs signalent également l’imprécision de ces indicateurs á macro à (O’Brien, 2000 ; Budworth, 1996 ; Petersen, 1998). En dessous d’un certain taux de fréquence, ces indicateurs deviennent en effet statistiquement trop imprécis pour représenter de faâon juste les conditions sécurité de travail (Roy et al., 2004) ou pour progresser (exemple des entreprises ayant un TF compris entre 0 et 1). Ces indicateurs de résultats peuvent par ailleurs varier selon la méthode de compilation ou de collecte choisie par l’entreprise : é la comptabilisation des èvènements ne s‘effectue pas de la même faèon d’une organisation è l’autre et parfois même au sein de divers ètablissements de la même organisation ê (Cadieux et al., 2004). Ceci illustre les prècautions à prendre lorsque deux sites d’un mème groupe, deux entreprises et plus largement deux secteurs d’activitès sont comparès selon leurs rèsultats sécuritè. …voire à o effet pervers á Comme le souligne Hatch, mesurer la performance par les rèsultats entraène insidieusement un é dèplacement des objectifs ê (Hatch, 2000). Cette tendance consiste à respecter un objectif secondaire sans pour autant que l’objectif principal ne soit satisfait. Hatch illustre cette tendance avec l’exemple de l’étudiant confronté au dilemme au terme duquel il ètudie pour obtenir un diplome et non pour apprendre : l’objectif secondaire, c’est-à-dire l’obtention du diplome, est susceptible de dèplacer ici l’objectif principal d’apprentissage. Similairement, il arrivera donc que certaines entreprises fassent en sorte d’obtenir de bons rèsultats sécurité (taux de fréquence faible par exemple) sans pour autant que l’objectif principal de performance en matière de management de la sécurité et d’amèlioration des conditions sécuritè ne soit satisfait. Ceci revient en fait à accorder une importance plus grande aux chiffres ou aux rèsultats qu’aux divers moyens d’influer sur eux, ce qui par consèquent est susceptible de livrer une impression non fondèe de performance.