La dynamique de la mission des centres
L’évolution de la mission des centres de R&D indiens de ABB, AkzoNobel, Procter & Gamble et Siemens
Pour répondre à notre question de recherche sur la dynamique des centres de R&D implantés à l’étranger, nous avons visité quatre centres de R&D d’entreprises multinationales implantés à Bangalore, en Inde : ceux de ABB, AkzoNobel, Procter & Gamble et Siemens. La présentation générale et la structure globale de l’organisation de la R&D de ces entreprises ont été introduites dans le chapitre 3 de ce document. Les dirigeants des quatre centres que nous avons visités décrivaient leur centre comme étant actuellement dans une phase de transition, intermédiaire entre sa mission initiale et une situation à venir, vers laquelle le centre souhaitait aller. Le récit de la mission du centre s’organisait systématiquement autour de ces trois temps : mission initiale/ transition, en cours / mission avenir. Dans les quatre sections suivantes, nous décrivons les missions jouées par les quatre centres selon les trois temps du récit que nous venons de mentionner. Les informations provenant des entretiens avec les dirigeants ont été complétées, lorsque cela était nécessaire, par des informations issues d’autres sources (lors des conférences organisées par l’EIRMA ou dans la presse par exemple).
ABB’s Global R&D centre
Le centre de ABB à Bangalore que nous avons visité est la troisième tentative de la firme d’ouvrir un centre de R&D en Inde. Il ressort de nos discussions avec l’actuel directeur du centre, Dr. Prakash Nayak et d’autres sources d’informations que la mission de ce centre a beaucoup évolué depuis son implantation et devrait continuer d’évoluer dans l’avenir.
La mission initiale du centre
Les deux centres indiens de ABB qui ont précédé le centre actuel avaient été créés successivement dans l’objectif de réduire le coût de développement des logiciels dans le groupe. Leur mission de très court terme se limitait à seconder les autres centres historiques de la firme dans le développement de logiciels. Après quelques années d’activité, ces centres n’étaient toujours pas rentables. La firme décida de les fermer. En 2003, la firme implanta un nouveau centre de R&D à Bangalore mais en suivant cette fois-ci une nouvelle stratégie. La mission du centre devrait avoir une portée stratégique pour la firme et s’inscrire dans le long terme. Le centre devrait progressivement prendre racine dans son environnement pour pouvoir tirer profit des compétences disponibles en Inde en ingénierie, dans les technologies de l’information et dans le développement de logiciels. L’accès à des personnes compétentes devrait primer sur l’objectif de bas coût. Contrairement aux deux autres centres qui l’ont précédé, il n’était pas attendu de ce nouveau centre qu’il contribue à réduire les coûts de la R&D du groupe dès ses premières années. La majeure partie des activités du centre devait s’adresser au marché global. Lors de son implantation, le centre travaillait uniquement pour la branche « automation » du groupe. Il devait principalement aider à la mise à jour et à la migration de systèmes patrimoniaux développés par les autres centres de R&D de ABB. Le centre était une unité de support technique et de maintenance pour les business units. Mais, contrairement aux centres précédents, cette première mission ne devait être qu’une étape dans l’évolution du centre.
La phase de transition en cours
Après deux ans d’implantation, le centre montra qu’il était capable de remplir correctement sa mission initiale. Le CTO de ABB décida alors d’étendre sa mission à des tâches plus complexes. Progressivement, le centre commença à travailler pour les autres branches du groupe, à savoir les branches « robotique » et « électricité ». ABB a depuis déplacé une partie du développement logiciel de la branche robotique dans ce centre, donnant ainsi au centre une position stratégique dans son réseau interne d’innovation. Le centre est aujourd’hui considéré comme le partenaire de l’ensemble des centres de R&D au niveau groupe et des cinq branches d’activité de ABB. Par ailleurs, il s’est progressivement mis à travailler sur des activités de plus en plus complexes. Si le centre se concentrait initialement sur la mise à jour et sur la migration des systèmes patrimoniaux, il a progressivement acquis des responsabilités dans le développement de logiciels de haute qualité pour ABB, le contrôle en temps réel des processus logiciels, le contrôle des utilités. Dans une moindre mesure, il a également élargi son type d’activité puisque sa mission actuelle touche également la communication sans fil et ultra-sécurisée. En quelques années, le centre est non seulement parvenu à développer ses compétences en interne mais il a également acquis des responsabilités puisqu’il est l’un des quatre centres globaux du groupe autorisés à certifier la conformité des produits et des systèmes de technologies de l’information au niveau mondial et à avoir des responsabilités sur le cycle de vie complet de certains produits.
La mission du centre dans l’avenir
Depuis son implantation, le centre a principalement travaillé pour le marché global. S’il est parfois arrivé au centre de travailler pour le marché local, le directeur du centre nous expliquait que «we can work for India but thinking always that then, it will be for the global market. » En suivant cette logique, le centre pourrait à l’avenir commencer à développer des produits spécifiques pour le marché asiatique. Pour y parvenir, le directeur du centre nous expliquait qu’il était nécessaire que le centre fasse beaucoup plus d’activités de recherche, car les technologies développées en Europe sont très difficilement applicables en Asie. Cette évolution permettra au centre de se distinguer des centres historiques du groupe en faisant à la fois des activités de développement et des activités de recherche E. Chassagneux, La globalisation de la R&D industrielle 87 sur un même site. Les centres de ABB implantés en Chine (à Pékin et Shanghai) et en Pologne (à Cracovie) sont également dans ce cas de figure. Pour l’instant cependant, l’objectif du centre reste d’être effectif en matière de coûts et d’être productif. Ce n’est qu’une fois que le centre aura fait ses preuves à ce niveau-là il pourra commencer à développer ses compétences en interne. Le centre s’y prépare aujourd’hui déjà puisqu’il emploie quarante chercheurs.