La création du DLA et les politiques de l’emploi
Le Dispositif Local d’Accompagnement (DLA), créé en 2002, n’est pas un dispositif d’appui opérant auprès des associations en raison de leur qualité de structure loi 1901 (ou de leur utilité sociale), mais un dispositif de soutien à l’activité économique et à l’emploi dans ce secteur. Cette spécificité, le DLA la tient de sa genèse et de son inscription dans les politiques de l’emploi. Depuis sa création, l’objectif officiel de ce dispositif est la « consolidation et [le] développement des activités et services d’utilité sociale créateurs d’emplois, dans leur démarche de consolidation économique et de développement » ; il « accompagne » les structures porteuses d’emplois et participe à la consolidation de ceux-ci. Gomel et Schmidt notent en 2006 qu’il est remarquable que les prestataires qui ont la charge de l’accompagnement des projets dans le cadre de l’activité des dispositifs locaux d’accompagnement s’intéressent essentiellement à l’économie des structures associatives et à leur capacité d’autofinancement. Les expertises ont pour objet la mesure et l’amélioration de l’efficacité économique des actions. Ainsi, pour le réseau France Active qui porte de nombreux DLA, « apporter des outils financiers à une structure associative, c’est lui donner les moyens de se professionnaliser et, à terme, de se gérer comme une petite entreprise » ou encore « le but d’un DLA, c’est de faciliter la mobilisation des acteurs et la synergie des financeurs ». C’est le premier caractère frappant du DLA, contrairement aux dispositifs qui l’ont précédé (RIG, MAIA, CRIB) ; le DLA n’est donc pas né du monde associatif ni de sa tutelle ministérielle traditionnelle. Créé par la Délégation générale à l’emploi et à la formation professionnelle (DGEFP) et par la Caisse des Dépôts et Consignations (que nous nommerons par la suite « la Caisse » ou par son acronyme CDC), il prend sa source dans les politiques de l’emploi (I). Le second caractère marquant est que la naissance du DLA est le résultat d’un dynamisme administratif et que celui-ci a contribué à faire naître un dispositif inscrit dans une nouvelle logique d’activité aidée (II).
Du soutien à la vie associative au soutien à l’emploi
Depuis les années 1970, le monde associatif a progressivement été structuré par les politiques publiques de l’emploi. Celles-ci ont largement participé à la « salarisation » (Dussuet & Flahault, 2010) des associations. Dans cette partie il s’agit de s’intéresser à l’histoire des politiques de l’emploi à destination du monde associatif. Ainsi nous nous interrogerons : en quoi sont-elles significatives ? Que nous disent leurs mutations au sujet de l’État ? Dans cette partie nous reviendrons sur les formes traditionnelles du soutien de l’État à la vie associative (1), puis nous nous intéresserons à l’histoire des contrats aidés (2) pour mieux comprendre la spécificité du programme « Nouveaux Services-Emplois Jeunes » (NSEJ) et de la logique d’« activité aidée » qui ont donné naissance au DLA.
Le déclin des formes traditionnelles de soutien aux associations
Le soutien de l’État aux associations a pris plusieurs formes : nous en distinguerons trois. Il est passé, et passe encore souvent, par le biais de dispositif nationaux spécifiques (a), par l’action des conseillers d’éducation populaire et de jeunesse (b) ou encore par des mises à disposition de personnel (c).
Les dispositifs nationaux aux marges limitées à destination des associations
Depuis les années 1970 et le « choc culturel » de mai 68 (Chevallier, 1981 ; 1986) le nombre d’associations, stable jusqu’alors, va exploser. Aujourd’hui encore ce phénomène continue : plus de 60 000 associations se créent chaque année (Tchernonog, 2013). Et alors qu’avant la seconde guerre mondiale, les terrains privilégiés des associations étaient l’éducation populaire, l’animation socio-culturelle, l’action socio-économique ; désormais les associations s’intéressent aussi aux loisirs, aux sports, aux activités artistiques et culturelles, à la santé, etc. « Elles investissent littéralement la vie quotidienne, l’aménagement, le logement,l’environnement et assument des responsabilités de gestion de plus en plus étendues. » (Chevallier, 1986) Ce développement du monde associatif a participé à sa structuration en réseaux et en fédérations. En 2011 (Tchernonog, 2013), 53 % des associations adhèrent à un réseau, ce chiffre monte à 67 % pour les associations employeuses. Les réseaux, fédérations ou confédérations associatives font bénéficier à leurs membres des services pour consolider leurs organisations, que ce soit de l’information, de l’orientation, des outils de gestion, etc. Parallèlement, l’État a développé plusieurs dispositifs de soutien aux associations pour répondre à leurs différents besoins. Cette mission est historiquement portée par le Ministère en charge de la Vie Associative – en 2015 sous la tutelle du Ministère de la Ville, de la Jeunesse et des Sports. Il est possible de distinguer plusieurs dispositifs d’appui aux associations : des politiques publiques nationales et transversales à l’ensemble du monde associatif. En nous appuyant sur un rapport de la CPCA14 et un second rapport15 de l’IGJS (Inspection Générale de la Jeunesse et des Sports), nous pouvons dénombrer trois dispositifs nationaux en plus du DLA : les RIG, les MAIA et les CRIB, mais aussi un corps d’État, celui des conseillers d’éducation populaire et de jeunesse (CEPJ). Au début des années 1990, à l’initiative du Fonds d’Action et de Soutien pour l’Intégration et la Lutte contre les Discriminations (FASILD), de la Délégation Interministérielle à la Ville (DIV), du Ministère de la Jeunesse et Sports et de la Fondation de France se crée le réseau RIG (Réseau Information Gestion). Plus de 120 structures, Points d’Appui à la Vie Associative, sont labellisées par un groupement d’intérêt public (GIP) créé en 1993. Ces structures ont pour mission de proposer des conseils généralistes et de servir de lieux de ressources proposant un soutien technique aux petites associations. Le RIG sera dissous en 2002 par le Gouvernement. En 1995 une circulaire16 prévoit la désignation de délégués départementaux à la vie associative (DDVA) au sein des services déconcentrés de l’État. Leur rôle est renforcé par la création des Missions d’Accueil et d’Information des Associations (MAIA) créées par circulaire17. L’objectif est de clarifier les relations entre l’État et les associations dans les départements. Les missions d’information et de conseil sont financièrement peu dotées par le Ministère en charge de la vie associative, 708 000 euros en 200818, et leurs effets sont limités. Les Centres de Ressources et d’Informations pour les Bénévoles (CRIB) sont quant à eux créés en 2003, suite aux États Généraux du Sport . Ils ont pour mission d’aider les responsables associatifs dans leurs tâches administratives (accueil, information, formation, orientation, conseil). Leurs missions d’abord centrées sur le secteur sportif sont élargies à l’ensemble des associations suite à la Conférence nationale de la vie associative de 2006. Ils sont essentiellement financés par des postes FONJEP (dépendant en grande partie du Ministère s’occupant de la Vie associative.), mais selon le rapport de l’IGJS, ceux-ci ont diminué à partir de 2009, affaiblissant ainsi l’impact du dispositif.
La baisse des effectifs des CEPJ
Les conseillers d’éducation populaire et de jeunesse (CEPJ) ne sont pas un dispositif, mais un corps d’état (Angot, 2014 ; Angot & Cottin-Marx, 2015). Les CEPJ sont à l’origine des militants qui travaillent au sein de l’État et consacrent leur temps à soutenir de nombreux projets et initiatives d’éducation populaire20 sur le territoire (associations, mouvements de jeunesse, organisations ouvrières, etc.). Historiquement vacataires de la fonction publique, ils ont été titularisés en 1985 par le gouvernement socialiste et dépendent du ministère en charge de la vie associative. Près d’un millier dans les années 2000, ces fonctionnaires spécialistes des associations sont des agents de terrain, exerçant exclusivement en services déconcentrés, notamment au niveau départemental. Ils ont pour rôle de mettre en place les politiques de l’État en matière de Jeunesse et de Vie Associative (contrats et dispositifs ministériels) et de soutenir le développement de projets locaux via l’intervention directe ou l’assistance à maîtrise d’ouvrage auprès des associations et collectivités. Ils assurent la formation des animateurs professionnels et bénévoles (BPJEPS, BAFA, etc.) mais aussi des directeurs de structures associatives, des conseils d’administration et des élus. Leurs missions sont regroupées en trois grands domaines d’intervention : formation, conseil et expertise, expérimentation et recherche. C’est la logique du « faireavec » propre à l’éducation populaire qui fonde l’intervention des CEPJ, l’objectif étant d’ « accompagner » l’association dans l’élaboration de son projet de structure . La fin des années 2000 et la « modernisation de l’État » (notamment par le biais de la Révision Générale des Politiques Publiques) ont profondément bouleversé l’environnement professionnel, organisationnel et institutionnel des CEPJ, jusqu’à remettre en cause les logiques d’action que revendiquent ces agents de l’État. Le nombre de ces fonctionnaires-militants décroît.