La coopération au niveau communautaire
La société coopérative européenne a beau être, comme son nom l’indique, une forme de coopération européenne le mimétisme avec le statut général de la coopération mis en place par la loi du 10 septembre 1947 est impressionnant ; même affirmation du principe « un homme, une voix », même remise en cause de ce dernier et donc même conclusion… ou presque. I. Un accouchement difficile Vingt-sept, voilà le nombre d’années qui aura été nécessaire pour voir l’Union européenne adopter le règlement (CE) n° 1435/2003 du Conseil du 22 juillet 2003 relatif au statut de la société coopérative européenne (SEC)663, acte de naissance de la coopération au niveau communautaire. En effet comme bien souvent, trop souvent avec l’Union européenne palabres et « négociations de marchands de tapis » ont rythmé la longue élaboration de ce règlement qui n’est d’ailleurs pas le seul « support » pour coopérer en Europe.
Une démarche qui dépasse le cadre de la coopération
Ce qui débute en 1985 ce n’est pas le processus qui vise spécifiquement à l’adoption du statut de la société coopérative européenne mais le processus qui vise à doter l’Union européenne de « structures » communautaires pouvant exercer leurs activités dans les différents pays de l’Union européenne. 1985, le 25 juillet plus précisément, marque en effet la date de la création de la première « structure » communautaire, le Groupement Européen d’Intérêt Économique (GEIE). Ce dernier, largement inspiré du groupement d’intérêt économique français, restera cependant pendant de longues années le seul et unique représentant des « structures » à dimension continentale. En effet ce n’est que le 8 octobre 2001 que l’Union se dote du statut de la société européenne664, règlement (CE) n° 2157/2001 du Conseil relatif au statut de la société européenne (SE). Il est vrai que l’adoption de ce règlement a été marquée par une série d’âpres négociations. Toujours est-il que l’adoption de ce statut a fait office d’« accélérateur » pour l’adoption d’un autre statut, celui de la société coopérative européenne. En effet une fois la méthode trouvée pour la société européenne il ne suffisait plus alors qu’à l’appliquer à la société coopérative européenne665. Le processus visant à l’adoption de la société coopérative européenne remonte à 1992 et un projet de règlement proposé à la Commission européenne666 qui en restera au stade de projet. Puis plus rien jusqu’à l’adoption du statut de société européenne qui comme on le sait déjà relancera l’adoption du statut de société de coopérative européenne. Depuis 2003 il est donc possible de coopérer de manière transfrontalière grâce au droit communautaire, ce n’est toutefois pas la seule solution.
La coopération européenne hors société coopérative européenne
En se situant uniquement dans le cadre législatif français, la coopération au niveau de l’Union européenne, et plus généralement au niveau européen et même mondial, ne se fait pas obligatoirement dans le cadre du règlement du 22 juillet 2003. À titre d’exemple le statut régissant les sociétés coopératives de commerçants détaillants, contenu aux articles L.124-1 à L.124-16 du Code de commerce, prévoit depuis 2004 et l’ordonnance du 25 mars667 la possibilité pour ces sociétés d’accueillir tout commerçant exerçant son activité, non seulement sur le territoire d’un des pays membres de l’union européenne, mais plus généralement dans n’importe quel pays du globe. L’article L.124-4 dans son premier alinéa est rédigé comme tel ; « Sans préjudice de l’application des dispositions de l’article 3 bis de la loi n° 47-1775 du 10 septembre 1947 portant statut de la coopération, tout commerçant, exerçant le commerce de détail, régulièrement établi sur le territoire d’un État étranger, peut être membre de coopératives de commerçants. […] ». De même l’article 6 alinéa 1 de la loi du 7 mai 1917, ayant pour objet l’organisation du crédit aux sociétés coopératives de consommation668, autorise l’accueil par les unions de sociétés coopératives de consommation de sociétés coopératives « originaires » de l’un des 27 pays de l’Union européenne. Les unions de sociétés coopératives de consommation peuvent donc se présenter sous les traits d’un groupement composé de sociétés coopératives de consommation mais également de sociétés coopératives immatriculées dans l’un des 27 pays de l’Union européenne ; article 6 alinéa 1 de la loi du 7 mai 1917, « les sociétés coopératives de consommation peuvent constituer, soit entre elles, soit avec toute autre coopérative immatriculée dans un État membre de l’Union européenne, des unions […] ». Enfin, dernier exemple, la société coopérative artisanale669 a elle aussi la possibilité de compter parmi ses membres des associés en provenance de pays de l’Union européenne. L’article 6 1° de la loi du 20 juillet 1983 relative au développement de certaines activités d’économie sociale va même plus loin et autorise également l’accueil d’associés venant de pays membres de l’Espace économique européen. Article 6 1° de la loi du 20 juillet 1983 : « Seuls peuvent être associés d’une société coopérative artisanale ; 1° Les artisans, personnes physiques ou morales immatriculées au répertoire des métiers ou au registre tenu par les chambres de métiers d’Alsace et de Moselle ainsi que les personnes, régulièrement établies sur le territoire d’un autre État membre de la Communauté européenne ou partie à l’accord sur l’Espace économique européen, qui exercent des activités identiques à celles prévues pour l’immatriculation à ces mêmes répertoires ou registres ; […] ». On remarquera tout de même que pour pouvoir prétendre devenir associés de la société coopérative artisanale ces personnes devront néanmoins être « régulièrement établies », pour reprendre les termes de la loi, dans l’un des pays de l’Union européenne ou de l’Espace économique européen. De plus ces dernières devront exercer « des activités identiques à celles prévues pour l’immatriculation » au répertoire des métiers ou au registre tenu par les chambres de métiers d’Alsace et de Moselle.
- La société coopérative européenne dans le droit communautaire et dans le droit français
Qui fait quoi ? Autrement dit qu’est-ce qui relève du droit communautaire, des statuts, et des droits nationaux ? De plus quel est le sort réservé à la société coopérative européenne par le droit coopératif français ? Telles sont les questions abordées dans cette seconde partie de l’introduction.
Les clés de la réussite
Plus de deux décennies pour voir la société européenne succéder au groupement européen d’intérêt économique et moins de deux ans pour voir la société coopérative européenne succéder à cette même société européenne ; cela n’est pas le fruit du hasard. En effet l’adoption du statut de la société européenne a permis l’adoption de ce statut à proprement parler mais il a aussi et surtout, lorsqu’il est question de la société coopérative européenne, permis de dégager une méthode qui permet de ménager les sensibilités des uns et des autres, condition indispensable lorsque pour la prise de décisions la règle est celle de l’unanimité. Cette méthode consiste à fixer dans le droit communautaire ce qui peut faire l’objet d’un compromis, pour le reste le règlement se contente de renvoyer aux législations nationales et aux statuts des sociétés coopératives européennes le soin de déterminer ce qu’il n’aura pas fixé. La hiérarchie des normes applicables aux sociétés coopératives francofrançaises évoquées dans l’introduction générale de cette thèse n’est donc pas la seule ; la société coopérative européenne en introduit une nouvelle.
Le renvoi aux dispositions nationales
S’agissant du renvoi aux dispositions nationales celui-ci est prévu aux points 16 et 18 du préambule du règlement , aux articles 8 et 9 de ce même règlement , enfin ce dernier est réitéré à de nombreuses reprises à l’occasion de l’évocation par le règlement de tel ou tel point. Ce renvoi prend la forme ; soit d’un renvoi aux dispositions prévues pour les sociétés coopératives par la loi de l’État où la société coopérative européenne a choisi d’implanter son siège ; soit d’un renvoi aux dispositions, toujours prévues par l’État où la société coopérative européenne a choisi d’implanter son siège, mais cette fois-ci pour les sociétés anonymes ; soit d’un renvoi à des dispositions adoptées sur « proposition » du règlement par l’État où la société coopérative européenne a choisi d’implanter son siège et régissant la société coopérative européenne ; soit dernière hypothèse ce renvoi prend la forme d’un renvoi très général à la législation applicable dans l’État où la société coopérative européenne a choisi d’implanter son siège.