La construction d’Abbes et Saito pour les connexions méromorphes

La construction d’Abbes et Saito pour les connexions méromorphes

Notations et rappels 

  1. Soit M une connexion méromorphe sur une variété algébrique affine lisse X. On note D le lieu des pôles de M, supposé irréductible lisse de point générique η et donné par l’équation z = 0. Par théorème de Levelt-Turrittin [5, 2.3.1], on peut trouver un entier e et une extension galoisienne K′ du corps de fonction K de D tel que K′ ((z 1/e)) ⊗OX,η Mη ≃ M φ∈z−1/eK′ [z−1/e] E φ ⊗ Rφ (6.0.2) avec E φ = (K′ ((z 1/e)), d + φdz1/e), et Rφ un K′ ((z 1/e))-module à singularité régulière. Si les (φi) constituent la collection des φ intervenant dans (6.0.2), alors on peut toujours supposer que pour i 6= j on a φi 6= φj . En particulier, il existe au plus un indice i pour lequel φi est nul. Notons i0 cet indice. Soit D′ la normalisation de D dans K′ et A′ son anneau de fonction. On appellera lieu non-tournant de M, où encore lieu de bonne décomposition formelle de M l’ouvert de D des points P au-dessus desquels les parties les plus polaires des (φi)i6=i0 et (φi−φj )i6=j sont des inversibles du semi-localisé A′ P et la décomposition (6.0.2) descend à A′ P ((z 1/e)). D’après un théorème dû à Malgrange [37, 3.2.1] dans le cas analytique, et André [5, 3.4.3] dans le cas algébrique, le lieu non tournant de M est non vide. 2. Soit f : Y −→ X un morphisme de variétés algébriques complexes lisses. Pour tout module holonome M sur X, le faisceau quasi-cohérent f ∗M est canoniquement muni d’une structure de module DY -module holonome. On dispose donc d’un foncteur de la catégorie des modules holonomes sur X vers la catégorie des modules holonomes sur Y . On note dans ce texte f + son foncteur dérivé. On prendra garde que f + est noté f ! dans [8, VI], et Lf ∗ dans [34]. 3. Si M est un D-module cohérent sur une variété lisse X, alors on définit le support Supp(M) de M par l’ensemble des points x ∈ X pour lesquels le germe Mx est 7.1 – Généralités 37 non nul. Comme conséquence immédiate de la relation Supp(M) = Char(M) ∩ T ∗ XX où Char(M) désigne la variété caractéristique de M, Supp(M) est automatiquement un fermé de X. 

Modules linéaires 

Généralités 

Si E est un C-espace vectoriel de dimension finie, on appelle module linéaire sur E tout module somme directe finie de modules du type E ϕ := (OE, d + dϕ) où ϕ : E −→ C est une forme linéaire sur E. Lemme 7.1.2. Si E1 et E2 sont deux modules linéaires sur An , alors Ext1 DAn (E1, E2) ≃ 0. Démonstration. On se ramène par somme directe au cas où les Ei sont de rang 1. Par tensorisation, on peut aussi supposer que E1 est trival. Il faut donc montrer la nullité du premier groupe de cohomologie de De Rham algébrique de E := E1 avec E donné par la 1-forme a1dx1 + · · · + andxn où ai ∈ C. Si n = 1, c’est un calcul immédiat. Supposons donc n > 1. Si tous les ai sont nuls, le complexe de De Rham de E est le complexe de Koszul K(∂1, . . . , ∂n) pour le module C[x1, . . . , xn] sur l’anneau commutatif C[∂1, . . . , ∂n]. Il est en particulier acyclique en degré > 0. Si l’un des ai est non nul, mettons a1 on peut toujours supposer quitte à faire le changement de coordonnées linéaire y1 = a1x1 + · · · + anxn, y2 = x2, . . . , yn = xn que a2 = · · · = an = 0. Dans ce cas, DR E est le complexe de Koszul K(∂1 + 1, ∂2, . . . , ∂n) de C[x1, . . . , xn]. Or ce dernier complexe est quasi-isomorphe au cône du morphisme de complexe K(∂2, . . . , ∂n) (∂1+1)· /K(∂2, . . . , ∂n) avec K(∂2, . . . , ∂n) quasi-isomorphe à C[x1] placé en degré 0, d’où l’annulation voulue. Corollaire 7.1.3. Soit E un fibré vectoriel algébrique à connexion sur l’espace affine An C muni des coordonnées (x1, . . . , xn). On suppose l’existence d’une trivialisation globale de E sur laquelle les ∂xi agissent via des matrices à coefficients constants. Alors E est une connexion linéaire sur An C. Démonstration. On raisonne par récurrence sur le rang de E, le cas où E est de rang 1 étant trivial. Notons e une base ayant la propriété de l’énoncé. Par intégrabilité de E, les matrices des ∂xi commutent deux à deux, donc la considération d’une base de triangularisation simultanée assure l’existence d’une suite exacte 0 −→ E1 −→ E −→ E2 −→ 0 avec E1 linéaire de rang 1 et E2 satisfaisant aux conditions de l’énoncé. Par récurrence, les Ei sont linéaires et 7.1.3 se déduit de 7.1.2. 38 Modules linéaires Corollaire 7.1.4. Tout sous-objet d’un module linéaire E ≃ Eω1 ⊕ · · · ⊕ Eωn (7.1.5) est isomorphe à une somme directe de certains E ωi intervenant dans (7.1.5). En particulier, tout sous-quotient d’un module linéaire est linéaire. Démonstration. Soit M un sous-module de E. Du fait de l’inclusion Char(M) ⊂ Char(E) = T ∗ An C An C, on a Char(M) = T ∗ An C An C, donc M est une connexion algébrique. Raisonnons par récurrence en supposant 7.1.4 acquis pour tous les couples (M′ , E ′ ) avec M′ sous-module de E ′ satisfaisant à rg E ′ < rg E ou (rg E ′ = rg E et rgM′ < rgM). Si M est simple et non nul, alors la restriction de l’un des pi : E −→ Eωi à M est nécessairement un isomorphisme. Sinon, M admet un sous-objet propre N . Par hypothèse de récurrence appliquée à (N , E), on obtient que N est linéaire. Quitte à n’en considérer qu’un facteur de rang 1, on peut supposer par ce qui précède que N est l’un des E ωi de (7.1.5). Par hypothèse de récurrence appliquée à (M/N , E/N ), on obtient que M est une extension de deux modules linéaires. D’après 7.1.2, M est linéaire et en regardant les restrictions de chaque pi aux facteurs de rang 1 de M, on voit que ces derniers sont des facteurs intervenant dans la décomposition (7.1.5). Dans la définition qui suit, on considère un fibré vectoriel E sur une variété algébrique complexe lisse X et un point x de X. Pour tout couple (Y, Z) de sous-variétés de X tel que Z est inclus dans Y , on note iZ,Y l’inclusion canonique de EZ dans EY . Enfin, on se donne un D-module holonome M sur E. Définition 7.1.6. On dit que M est H0 -linéaire au-dessus de x si le module H0 i + x,XM est linéaire. On dit que M est H0 -ponctuellement linéaire si M est H0 -linéaire au-dessus de tout point de X. 

La propriété L(x) 

On aura à considérer la notion locale voisine suivante : soit M un D-module holonome sur un fibré E de rang l sur Spec CJt1, . . . , tnK, et O le point fermé de Spec CJt1, . . . , tnK. Définition 7.2.1. On dira que M vérifie la propriété L(O) si M admet une famille génératrice e := (e1, . . . , em) vérifiant ∂yi ej = Xm u=1 fiju(t1, . . . , tn, y1, . . . , yl)eu (7.2.2) où dans cette écriture, les yi sont des coordonnées sur E, et les fiju sont des éléments de CJt1, . . . , tnK[y1, . . . , yl ] ayant la propriété que dans la décomposition fiju = X ν Pν(y1, . . . , yl)t ν1 1 · · ·t νn n le degré total degy P de Pν(y1, . . . , yl) est plus petit que ν1 + · · · + νn. Dans la situation globale de 7.1.6, on dira aussi que M vérifie la propriété L(x) si pour un choix d’identification O[X,x ≃ CJt1, . . . , tnK, le changement de base de M à Spec O[X,x satisfait à la propriété L(O) au sens précédent. 8.1 – Enoncé 39 La propriété L(x) est plus forte que la notion d’H0 -linéarité ponctuelle. C’est l’objet du Lemme 7.2.3. Si M vérifie L(x), alors M est H0 -linéaire au-dessus de x. Démonstration. Par définition, H0 i + x,XM est aussi la restriction à Ex du module M = O[X,x ⊗OX,x Mx. Une famille génératrice de M vérifiant (7.2.2) induit une famille génératrice de H0 i + x,XM encore notée e sur laquelle l’action de ∂yi s’obtient en évaluant les fiju en t1 = · · · = tn = 0. Du fait de la forme très particulière des fiju, on a que fiju(0, . . . , 0, y1, . . . , yn) est constant. Soit e ′ une sous famille maximale de e n’admettant pas de relations de liaison non triviale à coefficients constants. Une telle famille existe pour peu que M ne soit pas le module nul, et quitte à renuméroter les ei , on peut toujours supposer e ′ = (e1, . . . , ek), k ≤ n. Par maximalité, tous les ei sont dans le C-espace vectoriel engendré par e ′ . Donc e ′ engendre M comme DEx -module. En particulier, les relations ∂yi ej = aij1e1 + · · · + aijnen, aiju ∈ C pour j = 1, . . . , k donnent des relations ∂yi ej = bij1e1 + · · · + bijkek, biju ∈ C (7.2.4) En notant Bi la matrice des (biju)ju, on peut écrire les équations (7.2.4) sous la forme ∂yie ′ = Bie ′ Par application de ∂yj et commutation de ∂yi et ∂yj , on obtient (BiBj − BjBi)e ′ = 0 Puisque e ′ n’admet pas de relations de liaison non triviale à coefficients constants, il vient BiBj = BjBi . Alors, la connexion N := (C[y1, . . . , yl ] k , B1dy1 + · · · + Bldyl) est une connexion algébrique intégrable bien définie se surjectant sur M. d’après 7.1.3, N est linéaire. Par 7.1.5, le module M est linéaire. La définition 7.2.1 s’introduit naturellement pour palier au mauvais comportement de la linéarité ponctuelle vis-à-vis des sous-objets. On démontrera en 9.3.4 par l’entremise de la théorie des cycles proches que tout sous-objet d’un module vérifiant L(x) est aussi H0 -linéaire au-dessus de x. 

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