La structuration des connectivités déconnectivités dans et/ou à partir des associations sportives rurales

La structuration des connectivités déconnectivités dans et/ou à partir des associations sportives rurales

Une structuration sportive

Comme l’objet sportif constitue la spécificité des structures étudiées, le cadre spatiotemporel sportif demeure très important dans la structuration des connectivités / dé-connectivités. En effet, c’est lors de ces temps de la vie des clubs que les adhérents vont se rencontrer, nouer, renforcer, atténuer ou rompre leurs relations affinitaires. La circulation de l’ « esprit club » lors de ces moments participe alors grandement à la construction du sentiment d’appartenance à un collectif. Toutefois, au sein de ce cadre, nous observons deux types de structuration comportant un impact sur les connectivités sportives : une structuration territoriale et une structuration temporelle.

Une structuration territoriale : entre ouverture et fermeture

Sans revenir sur les difficultés rencontrées par les femmes au niveau de leur accès aux pratiques sportives en milieu rural, nous avons vu précédemment1020 que la proximité géographique était un élément primordial de leur engagement associatif. Nous observons en effet, qu’elles se déplacent très peu pour pratiquer. L’échelle communale demeure leur niveau territorial de référence, si bien qu’elles subissent une forme d’enferment, un recentrage sur leur lieu d’habitation, les excluant alors de la pratique dans certains territoires. Pour autant, les clubs sportifs exercent une influence importante sur la structuration territoriale des villages. Les connectivités qui se créent dans et/ou à partir de la sphère sportive contribue à la recomposition de la société rurale. D’un côté, nous étudions un maillage territorial complexe entre les clubs sportifs et les municipalités à partir de relations entre les représentants de ces deux institutions. D’un autre côté, notre observation participante au sein de l’ASSA nous permet d’analyser la place de la pratique sportive dans cette structuration symbolique qui prend la forme d’une représentation et d’une appropriation du territoire communal. Enfin, nous étayerons notre analyse de cette structuration territoriale à travers l’exemple d’une rivalité entre Arçon et la République du Sauget. 

Un maillage territorial entre les clubs sportifs et les municipalités 

Les associations sportives rurales exercent une influence importante sur la structuration des connectivités / dé-connectivités au sein d’un cadre spatial particulier. Au-delà des clubs eux-mêmes, plus largement, nous observons un maillage social important entre les instances sportives et municipales qui participe à une structuration territoriale à l’échelle des communes. En effet, des relations se créent dans, mais aussi, à partir des clubs, si bien que ces derniers jouent un rôle important dans la recomposition de la structure sociale des villages. Dès lors, il convient d’analyser plus précisément ce maillage. Dans un premier temps, nous allons étudier la nature des échanges qui s’instaurent entre les membres des associations sportives et les conseillers municipaux et dans un deuxième temps, nous examinerons le rôle de ces associations sportives au sein des territoires.

La nature des relations

La prise de responsabilités au sein des clubs sportifs entraîne une implication extra-sportive au sein de la structure, mais également en dehors de celle-ci. Cela peut parfois occasionner des obligations, « dans le sens où voilà ! En tant que président, moi, je vais me charger de tout ce qui est relation commune, relation communauté de communes…, c’est moi qui vais aux réunions concernant les répartitions de créneaux…, c’est moi qui vais aux réunions concernant les mises en place de… par exemple pour le forum des associations ou autre. C’est vrai qu’en général c’est moi qui me charge de ces réunions-là1021 », nous signale le président du club de volley-ball de Jussey. Dans cet exemple précis, la nature des contacts est formalisée grâce à la mise en place de réunions officielles mais dans d’autres cas, les contacts entre la municipalité et les clubs se réalisent de manière informelle.

Des contacts formalisés

 Au sein des communes, les différents protagonistes instaurent un fonctionnement qui permet de formaliser et de clarifier les rapports entre les clubs et les municipalités. La transparence de ces contacts demeure la raison principale de cette formalisation, toutefois, les systèmes mis en place sont plus ou moins rationnels. Ainsi, à Larians, « afin que ce soit clair, quand il y a une demande, je leur dis d’adresser un courrier officiel 1022» note le frère de l’actuel président de l’USLM, maire de la commune. Aussi, au sein des scènes socio-locales observées au cours de notre recherche, nous avons distingué plusieurs types de formalisation de ces contacts. Le plus évolué se situe à Vercel où un 1021 E26, volley, Jussey. 1022 E18, football, Larians. Office Municipal des Sports fut créé pour la gestion de tout ce qui relève de la vie associative. Ce système se rapproche de celui des grandes agglomérations et possède l’avantage de regrouper les principaux acteurs associatifs du village et des représentants de la municipalité au sein d’une même structure. A l’intérieur, des connectivités / dé-connectivités s’élaborent entre les participants. Cependant, en milieu rural, ce genre d’organisation demeure relativement rare. En effet, au mieux, nous pouvons repérer au sein des conseils municipaux, des commissions chargées de la vie associative, sans qu’elles ne soient spécifiques au domaine sportif. Le niveau de formalisation des connectivités qui se crée est alors plus faible.

L’Office Municipal des Sports

L’analyse de la mise en œuvre de l’Office Municipal des Sports montre que ce fonctionnement permet de rationaliser au mieux les contacts entre les clubs sportifs et les municipalités. A la fin des années 1970, sous l’impulsion de conseillers municipaux au passé sportif avéré, la commune de Vercel a investi dans la construction d’un gymnase « mais seulement, la commune, après, s’est retrouvée avec pas beaucoup de moyens » C’est à cette période que l’ancien président du club de football et actuel maire, milita pour la création de l’OMS. Il raconte : « c’était quand même un outil très intéressant parce que l’OMS, c’est la synthèse de la vie associative et de la vie municipale parce que l’OMS est composée de représentants de la municipalité, des directeurs d’école, et des présidents d’associations. L’assemblée générale c’est ça, et puis le bureau de l’OMS, et bien moi j’ai été président de l’OMS en tant que président du club de foot…, il y avait le vice-président…, c’était le deuxième adjoint…, il y avait un trésorier et un secrétaire qui était dirigeant de la vie associative. Et le gros avantage, c’est quand même que tout le monde est autour de la table…, c’est le seul lieu de concertation entre tous.» Au départ, comme il le précise, la création de cette structure fut une affaire de personnes, « c’est vrai. C’est vrai, oui, mais en même temps, des représentants de l’école, du ping-pong, de la municipalité, du foot donc c’étaient des gens impliqués dans la vie associative…, en relation avec la mairie, parce que moi je n’étais plus élu mais j’étais tout à fait en phase avec la municipalité qui était en place. On avait bien conscience…, aujourd’hui tout est dû… On avait bien conscience que la commune, ayant déjà mis un gymnase…construit un gymnase…, il fallait le rembourser…, on n’en avait bien conscience que finalement il n’y avait pas les moyens de financer quoi ! Et par exemple, à Vercel, on réunit les directeurs d’école, les présidents d’association, la municipalité, c’est l’OMS. Donc je trouve que ça a été quelque chose d’intéressant. »

Les aides municipales

La nature des contacts entre la mairie et les clubs sportifs passent également par la responsabilité que les municipalités se donnent vis-à-vis de ce secteur. En matière sportive, les lois de décentralisation de 1982 et 1983 ont accentué la prise en charge des activités physiques par la commune qui devient la principale collectivité en charge de ces compétences, surtout en milieu rural. Aussi, les municipalités demeurent un soutien important des clubs notamment sur le plan financier avec l’octroi de subventions qui sont formalisées d’un commun accord. A ce titre, concernant le club de volley-ball de Jussey, « c’est vrai que la mairie nous a permis de monter le club…, nous a permis de trouver des créneaux horaires…, elle nous verse une subvention annuelle  Ibid.   Ibid. 309 qui nous aide aussi à fonctionner  » reconnait le président. De la même manière, à Vercel, le club de tir à l’arc perçoit, « la subvention communale. Donc le club, il est reconnu comme une association en tant que telle, comme une association qui vit, qui bouge. » Ainsi, toutes les associations sportives rurales touchent des subventions de la part des municipalités et parfois même, à titre exceptionnel, comme le Tennis Club de Jussey, pour la construction de son court couvert puisque « ça a coûté dans les 90 000 €, mais la commune en a payé vraiment une grosse partie. » Cependant, le club de football de Larians demeure une exception et du fait des liens trop étroits entre les deux institutions, les membres de la famille P avaient peur d’entendre : que « le président du club, il se sert en subventions. Justement, moi j’étais président du club et maire et je ne voulais pas par principe aller réclamer des subventions à la commune » souligne le maire et comme le précise l’actuel président du club à propos de son frère il « n’a jamais voulu nous subventionner pour les raisons que je vous ai dit : la jalousie des paysans. Il y en a qui vont dire : « Nous, on paye pour mettre nos vaches, toi t’as qu’à payer pour mettre tes gosses… Donc ni mon père, ni mon frère n’ont voulu arranger ou subventionner le club dont ils étaient soit le président, soit membre. Donc, ils n’ont jamais voulu mélanger… bah ! Comme on n’a jamais voulu mélanger l’entreprise. » Dès lors, la municipalité « n’a jamais donné un centime. Par contre, on a aidé sous tout autre forme…, par exemple : on s’était débrouillé pour que la commune achète un tracteur en commun avec le club…, on a toujours aidé le club, mais pas sous forme de subventions » nous spécifie-t-on. Ainsi, pour les grosses manifestations du type de la fête des sports, la municipalité aide indirectement le club, notamment au niveau de la sécurité où le maire « veille à réguler la circulation, les débordements (…) parce que c’est quelque chose qui fait un peu peur à la gendarmerie, à ces gens-là…, et on est obligé vraiment d’encadrer (…) car on serait très embêtés si un jour le préfet dit : « On va interdire ça parce qu’il y a des débordements »1034 ». Par ailleurs, dans les autres clubs, les aides indirectes sont de nature humaine et logistique et même si « c’est vrai qu’on a très peu de requêtes pour le volley à l’heure actuelle. Ça reste principalement des réunions qui nous permettent de caler soit les créneaux, les affectations d’horaires concernant les créneaux du gymnase, soit la mise en place d’actions plus spécifiques…  » La nature des contacts reste formalisée par des conventions mais de manière moins rationnelle que dans le cadre d’un OMS par exemple.

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