Les pesticides et la MP

Les pesticides et la MP

Les pesticides Définition réglementaire

Le terme « pesticide » couvre deux grandes catégories de produits : les biocides et les produits phytopharmaceutiques. Les biocides sont « destinés à détruire, repousser ou rendre inoffensifs les organismes nuisibles, à en prévenir l’action ou à les combattre de toute autre manière, par une action chimique ou biologique », alors que les produits phytopharmaceutiques sont définis comme les « produits, sous la forme dans laquelle ils sont livrés à l’utilisateur, composés de substances actives, phytoprotecteurs ou synergistes, ou en contenant, et destinés à (…) protéger les végétaux » (définitions du ministère de l’agriculture). Les biocides comportent donc deux sous-catégories : les produits antiparasitaires (par exemple les insecticides, acaricides ou rodonticides) et les produits de protection, servant à traiter des surfaces telles que le bois ou des textiles. Les biocides sont réglementés par la directive CE 2012/528. Les produits phytopharmaceutiques sont réglementés par la directive européenne CE1107/2009 et regroupent par exemple les insecticides, herbicides, fongicides, molluscicides ou nématicides. 

Usage des pesticides en France 

La France possède la plus grande surface agricole d’Europe avec 28,98 millions d’hectares, devant l’Espagne et l’Allemagne. En termes d’achat de substances actives, la France était au 2eme rang européen en 2013 avec 66 659 tonnes, après l’Espagne (69 587 tonnes) et devant l’Italie (49 011 tonnes). L’évolution de la distribution de pesticides en France montre une forte baisse depuis la fin des années 1990, passant de 120 503 tonnes en 1999 à 62 065 t en 2010, soit une baisse de 48% en 10 ans. Depuis 2010, la distribution de pesticides est de nouveau en hausse, avec un poids total de pesticides vendus de 73 597 tonnes en 2014, soit une hausse de presque 20% en 4 ans, indiquée sur la Figure 32. L’utilisation des pesticides est générale et permet la pérennité des infrastructures et le maintien de la salubrité dans un but de santé publique. Par exemple, en France l’un des plus gros utilisateurs de pesticides est la SNCF, dans le but d’entretenir et de pérenniser les voies ferroviaires et les ouvrages d’art. En 2012 la SNCF a utilisé 150 tonnes de pesticides pour l’entretien de ses 70 000 km du réseau ferré national. (Source SNCF Réseau, actualité du 10/09/2013). Les pesticides ont été et sont toujours au cœur de plusieurs affaires sanitaires, notamment avec le scandale du chloredécone aux Antilles Françaises en 1993, ou avec les œufs contaminés au fipronil de l’été 2017. Ainsi des résidus de pesticides à l’état de traces sont continuellement retrouvés sur des aliments destinés à la consommation.

Les modalités d’exposition aux pesticides

 L’exposition professionnelle L’exposition professionnelle aux pesticides est la plus grande modalité d’exposition en France. Celle-ci touche plus de 5 millions de personnes selon la mutuelle sociale agricoles. L’exposition professionnelle peut se séparer en 3 phases. La première concerne l’achat, le transport et le stockage. Dans cette modalité d’exposition le manutentionnaire, ou son véhicule, peut être mis en contact avec des substances chimiques vendues sous forme concentrée. Les emballages de substance chimiques, stockées sous forme de sacs ou de bidons, peuvent être altérées et mener à des fuites. La seconde phase d’exposition concerne la préparation, l’épandage et le nettoyage des appareils servant à leur application. En effet, tout pesticide nécessite la manipulation d’un produit commercial et ceci peut mener à des accidents impliquant là aussi une forte concentration de produit. Lors de l’épandage, deux facteurs sont à prendre en compte : la durée d’intervention et la dissémination en continu du pesticide proche de l’opérateur, celui-ci pouvant être mis en contact avec la substance appliquée sur diverses surfaces contaminées par le produit. La phase de nettoyage comporte aussi un risque de contamination, notamment par les projections d’eau ou par l’évacuation des eaux de lavage. La troisième phase d’exposition concerne la réentrée dans les cultures, celle-ci présente là encore une possibilité de mettre en contact l’opérateur avec les substances actives pulvérisées (Belsey et al., 2011). L’évaluation de l’exposition professionnelle dépend d’une multitude de paramètres propres à chaque type de cultures traitées, la surface de ces cultures, des équipements de protection individuelle portés, de l’expérience de l’opérateur ou encore de la machine de pulvérisation utilisée (Tielemans et al., 2007). Cependant aucune variable globale ne permet de quantifier avec précision l’exposition d’un opérateur, de plus, aucune donnée ne peut définir une moyenne d’exposition générale à des substances chimiques.  

L’exposition de la population générale

 L’exposition de la population générale aux pesticides se fait principalement par l’alimentation, due à l’ingestion d’aliments ou de boisson présentant des résidus de pesticides (Oates et Cohen, 2011). À titre d’exemple, la présence de pesticides en France sous forme de traces est généralisée. Selon le commissariat général au développement durable, 91 % des points de contrôle en des eaux de surface (lacs et rivières) présentent des traces de pesticides (Figure 33 A). Le captage de ces eaux de surface puis leur traitement pour l’alimentation du réseau de distribution mène à une distribution de ces pesticides par l’eau de ville. Cependant le code de la santé publique (article R.1321̻2) fixe la concentration de pesticide maximale 0.5 μg/L et la concentration maximale pour chaque pesticide à 0.1 μg/L. Au cours de l’année 2014, 3,86 millions d’habitants (soit 6,0 % de la population française), ont été alimentés par de l’eau du robinet au moins une fois non-conforme, dépassant les limites légales en termes de concentration en pesticides. (Bilan de la qualité de l’eau au robinet du consommateur visà-vis des pesticides en 2014, Ministère de la santé). Cette exposition par l’eau de distribution touche donc plusieurs millions de personnes en France.L’autre aspect de l’exposition générale des populations se présente par l’ingestion de fruits et légumes contenant des traces de pesticides (Barnat et al., 2010). Dans son l’étude sur l’alimentation totale (EAT, 2011), l’Agence nationale de sécurité sanitaire, de l’alimentation, de l’environnement et du travail (ANSES) présente un rapport d’expertise concernant la présence de résidus de pesticides dans 194 aliments de consommation courante. 283 produits phytosanitaires ont été choisis sur des critères d’enjeux dans l’évaluation des risques pour différentes substances ou par la description de l’évolution dans le temps des expositions. Sur les 283 substances actives recherchées, 62 sont classées prioritaires en termes de surveillance dans l’exposition alimentaire, dans le cadre des travaux de l’Observatoire des résidus de pesticides. Les résultats montrent une absence de risque d’exposition chronique pour 96% des substances évaluées. Subséquemment, 4% des substances évaluées sont donc possiblement contributrices à l’exposition générale de la population. Ces substances sont : Dithiocarbamates, Ethoprophos, Carbofuran, Diazinon, Méthamidophos, Disulfoton, Dieldrine, Endrine, Heptachlore (Bechaux et al., 2013). Dans cette étude, la substance présentant le plus grand risque de dépassement des limites réglementaires est le diméthoate, autorisé avant l’étude en tant qu’insecticide pour le traitement des vignes, des cultures fruitières et légumières. Depuis les conclusions de l’étude, ce pesticide a été interdit en France, en 2016. Une autre voie d’exposition possible de la population générale est la riveraineté avec des exploitations agricoles par la dissémination aérienne de résidus de pesticides. Plusieurs études ont montré la présence de résidus de pesticides dans les poussières présentes à l’intérieurs des habitations riveraines de champs, et ce jusqu’à plus d’un kilomètre de distance par rapport au champ (Quiros-Alcala et al., 2011).

Liens entre pesticides et MP

 Après plus de trois décennies de recherche concentrant la toxicité potentielle des pesticides et leurs liens avec la MP, beaucoup d’études épidémiologiques s’accordent sur le lien causal entre l’exposition à des pesticides et le déclenchement précoce de la MP (Elbaz et al., 2009; Firestone et al., 2005; James et Hall, 2015; Tanner, 2010; van der Mark et al., 2012; van der Mark et al., 2014; Vanacore et al., 2002). D’ailleurs, depuis 2012, la MP est reconnue comme maladie d’exposition professionnelle par la mutuelle sociale agricole. Parmi les pesticides incriminés, deux pesticides principaux ont été liés épidémiologiquement avec le déclenchement précoce de la MP : la roténone et le paraquat (Spivey, 2011; Tanner et al., 2011). Seuls ces deux pesticides seront développés dans cette thèse. Roténone La roténone est un pesticide naturel isolé dans plusieurs espèces végétales, telle que la Paraderris elliptica en Asie ou le bois poison en Afrique, vu sur la figure 34.La roténone est un insecticide naturel, autorisé en agriculture biologique jusqu’en avril 2008 date à laquelle la commission européenne demande à tous les états membres de retirer les AMM des formulations contenant cette substance. En France, une dérogation d’usage pour l’agriculture biologique a persisté jusqu’en avril 2011, date de l’interdiction A B Page | 93 totale de la roténone en France. La cause de l’interdiction de la roténone est essentiellement due à ses effets sur l’homme, notamment concernant l’altération de la fertilité, sa toxicité pour l’embryon durant la grossesse et sa mise en cause dans la maladie de Parkinson. Depuis son interdiction, il est peu probable que la roténone soit encore un contributeur majeur dans la pathogenèse des cas idiopathiques de la MP. Cependant, les mécanismes de la toxicité de cette molécule sont assez bien définis et l’étude de ceux-ci a permis de mieux comprendre certains mécanismes impliqués dans la perte de neurones dopaminergiques. Ceci montre l’intérêt des études utilisant des pesticides interdits mais considérés comme référentiels, d’une part pour caractériser des modèles d’exposition et d’autre part pour étudier les mécanismes de déclenchement de la maladie. Par ses propriétés particulièrement hydrophobes, la roténone à la faculté de traverser facilement la BHE (Hernandez-Romero et al., 2012; Murakami et al., 2015), cet insecticide peut donc exercer son action neurotoxique directement dans les structures cérébrales. 

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