Les crises sanitaires
Il convient d’abord de préciser d’une manière subtile la nuance entre différents termes qui sont souvent utilisés à tort comme des synonymes (Lefebvre, 2015). – Menace : C’est une source de danger qui peut éventuellement mener à une situation d’urgence ou à un désastre. On peut attribuer à chaque menace un risque de réalisation. Exemple : Hôpital situé à côté d’une rivière. – Urgence : Elle survient au moment où la menace devient réalité. C’est une situation caractérisée par ses répercussions néfastes qui doit être palliée par des services de gestion de crise (pompiers, ambulanciers, police, etc.). Exemple : Crue majeure. – Désastre : C’est une situation d’urgence dont les conséquences dépassent la capacité de réponse des services de gestion de crise. Exemple : Effondrement d’un grand hôpital suite à la crue. – Catastrophe : C’est un désastre dont l’ampleur dépasse la capacité de réponse des services de gestion de crise nationaux voire internationaux. Exemple: Tsunami. Une classification générale peut être faite en se basant sur l’origine de la menace: origine naturelle ou origine humaine. – Menaces d’origine naturelle : Les menaces naturelles regroupent les événements résultants de processus naturels se déroulant depuis l’origine de la terre mais qui vont avoir un impact sur des vies ou des biens humains (Stephen, 2014). Les menaces d’origine naturelle ont la particularité d’être, en général, prévisibles, à savoir les épisodes neigeux, les crues, les tornades, etc. – Menaces d’origine humaine : Les menaces dites humaines, anthropogéniques ou encore technologiques regroupent les événements produits par l’homme. Ce type de menace est en général imprévisible et accidentel comme les menaces NRBC (nucléaire, radiologique, biologique et chimique) ou encore les menaces terroristes (Haddow et al., 2014).
Les menaces naturelles dans le monde : des statistiques effrayantes
Selon Guha-Sapir et al. (2017), 342 catastrophes déclenchées par des aléas naturels ont été enregistrées en 2016. Après un pic en 2015 de 395 catastrophes, cette baisse pourrait être le signe d’un retour à une tendance décroissante du nombre annuel de catastrophes qui remonterait 2005, ou un précurseur d’une éventuelle stabilisation du nombre annuel de catastrophes. En 2015, le nombre de décès causés par des catastrophes naturelles (8 733) était la deuxième plus basse valeur depuis 2006, largement inférieur à la moyenne annuelle de 2006 – 2015 (69 827). La figure 1.1 (Guha-Sapir et al. 2017) représente l’évolution du nombre de catastrophes naturelles ainsi que le nombre de décès causés entre 1990 et 2016. Inversement, le nombre de personnes déclarées touchées par des catastrophes naturelles (564,4 millions), représenté sur la figure 1.2, était en 2016, le plus élevé depuis 2006, soit 1,5 fois sa moyenne annuelle (224 millions). Figure 1. 1: Nombre de catastrophes et de personnes décédés (x1 000): 1990-2016 Figure 1. 2: Nombre de catastrophes et nombre total de personnes touchées (x 1 million): 1990-2016 Concernant les estimations des dommages économiques liés aux catastrophes naturelles en 2016, les pertes ont atteint les 154 milliards de dollars américains. L’année 2016 est la cinquième plus coûteuse depuis 2006. Figure 1.3 (Guha-Sapir et al., 2017) retrace l’évolution des pertes économiques entre 1990 et 2016).
Les menaces d’origines humaines
Menaces terroristes
Le 21ème siècle a été marqué par des évènements meurtriers. Des attaques terroristes qui ont eu lieu partout dans le monde. La menace terroriste est devenue la priorité en termes de sécurité des Etats autant en Occident, dont la France, que dans le reste du monde. Les menaces terroristes caractérisées par l’anonymat et l’imprévisibilité ont souvent laissé des dégâts colossaux en termes de vies humaines, mais aussi en termes de pertes économiques surtout dans les pays dont l’économie est basée sur le tourisme comme la Tunisie. Figure 1.4 (GTD, 2017) montre l’historique des attentats terroristes mortels dans le monde de 1970 jusqu’à 2015. Figure 1. 4: Attentats terroristes mortels dans le monde : 1970-2016
Des risques d’origines humaines du type NRBC
Parmi les risques d’origine humaine on peut citer un risque bien particulier qui est le risque d’origine biologique. Dans ce qui suit on va rapporter quelques évènements qui ont marqué l’histoire humaine en termes de menace biologique. Les risques peuvent être non intentionnels ou intentionnels. Dans le cas des risques intentionnels, la raison peut être de fraude financière (contrefaçon, non-respect de la réglementation, etc.) ou d’un acte malicieux (terrorisme). Cette distinction est souvent difficile à établir. Nous avons sélectionné dans la littérature certains d’entre eux impliquant différents agents de contamination: toxine botulinique A, Escherichia Colis, hépatite A, Listeria, Salmonella, Shigella Dysenteriae et Staphylococcus aureus. Les principales caractéristiques de ces agents biologiques sont spécifiées dans le tableau 1.1. Table 1. 1: Principaux agents biologiques d’empoisonnement alimentaire Agent Cause Conséquences Incubation Létalité Traitement Vaccin Botulinum A Bactérie Déficience nerveuse 1-3 jours 5%-25% Antitoxine Oui Escherichia Coli Bactérie Insuffisance rénale 3-8 jours 3%-5% Réhydratations Vaccin expérime ntal Hépatites A Virus Insuffisance hépatique 14-28 jours 0.6% Analgésiques , antipyrétique s Oui Listeria Bactérie État septique , infection cérébrale 10-28 jours 17% Antibiotiques Oui Salmonella Bactérie Gastroentérites , déshydrations 1-2 jours 1% Thérapie antibiotique pour les âgés Vaccin expérime ntal Shigella Dysenteriae Bactérie Dysenterie, inflammation intestinale aiguë 1-7 jours 20% Antibiotiques Vaccin expérime ntal Staphylococ cus Aureus Bactérie Vomissement, Dysenterie 1-8 heures 0.02% Thérapie antibiotique Oui Une maladie d’origine alimentaire avec la toxine «Botulisme A» a eu lieu à Peoria (Illinois) en 1983. La toxine botulique bloque les transmissions neuronales qui provoquent une paralysie musculaire s’étendant du cou aux membres et aux poumons. 28 personnes ont été hospitalisées et 20 patients ont été traités avec de l’antitoxine botulique. 12 patients ont eu besoin d’un soutien ventilatoire. La source était des oignons sautés servis dans des sandwichs. Un Shigella Dysenteriae s’est produit parmi le personnel d’un laboratoire hospitalier du Texas en octobre 1996 (Infectious Diseases Society of America, 1992). Cette éclosion était très probablement due à une contamination criminelle de la nourriture avec une culture de stock hospitalier, en raison de la vengeance d’un employé. 12 personnes ont été contaminées et 4 ont été hospitalisées. Une épidémie d’hépatite A s’est déclarée à Monaca (Pennsylvanie) en novembre 2003 (CBS News, 2003). L’hépatite A est une infection hépatique hautement contagieuse. Environ 555 personnes atteintes d’hépatite A ont été identifiées et 3 personnes sont décédées. L’infection provenait d’oignons verts servis au moins dans 13 restaurants de Pennsylvanie. En octobre 2011, une listériose a infecté 147 personnes au Colorado. Listeria peut causer de la fièvre, de la diarrhée, des maux de tête, de la confusion, une perte d’équilibre et des convulsions. Les cantaloups contaminés ont causé 33 décès. L’éclosion de Listeria Cantaloupe en 2011 a été la plus meurtrière aux États-Unis. Le saumon fumé contaminé par la salmonelle a arraché des centaines de personnes aux Pays-Bas (Fox News, 2012) et aux États-Unis en 2012. Les personnes infectées par la bactérie salmonella ont souffert de fièvre, de vomissements et de diarrhée. Une épidémie d’Escherichia Coli à Litchfield Park (Arizona) a contaminé 79 personnes en 2013 (News Desk, 2013). Au moins 30 personnes ont été hospitalisées. C’est la plus grande épidémie d’Escherichia Coli aux États-Unis. Au moins deux personnes ont développé une infection grave qui peut détruire les reins. En avril 2013, une intoxication alimentaire causée par Staphylococcus Aureus dans la crème glacée est survenue à Fribourg (Allemagne) (Fetsch et al., 2014). La crème glacée a été produite dans un hôtel. 13 personnes ont été contaminées et 7 ont été hospitalisées. Aucun membre du personnel de l’hôtel n’a présenté de symptômes de maladie. L’équipement utilisé ou un ingrédient contaminé pourrait être la source d’empoisonnement s’il n’est pas intentionnel. Pour faire face à ces catastrophes et en limiter les dégâts, les décideurs doivent se préparer à l’avance et définir des plans de gestion de crise.
Les plans de gestion de crise
La gestion des catastrophes, appelée plus communément gestion des situations d’urgences ou encore gestion de crises, est la discipline qui s’intéresse à l’évaluation des menaces et de leurs risques relatifs ainsi qu’aux stratégies mises en œuvre afin d’en limiter l’occurrence ou les conséquences en cas de survenue. Dans ce qui suit, nous allons étudier le cadre réglementaire et les mesures prises par les gouvernements pour gérer des situations exceptionnelles de crises dans quatre pays et une province canadienne (France, Belgique, Luxembourg, Maroc et Québec). Le choix de ces pays/province est basé sur la disparité dû au nombre d’habitants et à l’étendue géographique. Le tableau 1.2, adapté de (Lefebvre, 2015), nous montre le type des plus grandes catastrophes meurtrières survenues en France, au Maroc, en Belgique, au Québec et au Luxembourg ces 50 dernières années. Selon Dufort (2003), une catastrophe passe généralement par trois phases : une phase latente caractérisée par l’imprévisibilité et la discrétion, est la phase qui prend fin dès l’apparition d’un incident ou d’un élément déclencheur. Ce dernier va déclencher la situation de crise qui définit la phase critique, et qui se termine par une phase d’apaisement et de retour à la normale.