Gestion du contact
Le but de ce chapitre est d’expliquer la manière dont sont gérés les contacts piéton-piéton et piéton-obstacle dans le modèle de foule proposé. Dans la mesure où nous cherchons à réa- liser un modèle 2D discret de mouvement de foule de niveau opérationel, nous nous sommes inspirés des modèles existants de la littérature de cette catégorie qui sont, de notre point de vue, les plus interessants : le modèle de force social de Helbing [2] qui reste simple d’utili- sation et exible, et le modèle mathématique de Venel [10] qui contrairement au modèle de Helbing, permet de modéliser ecacement les évacuations denses de piétons. Ces modèles étant des adaptations à la foule de modèles gérant le mouvement de grains, nous avons étudié certains modèles issus des milieux granulaires.Un milieu granulaire est par dénition un ensemble discret de particules qui interagissent par contacts avec ou sans frottement et avec ou sans cohésion. Les particules peuvent être de taille plus ou moins grande et de forme plus ou moins complexe. Pour étudier ces milieux, de nombreuses méthodes dynamiques de simulations de l’évolution de systèmes de solides parfaitement rigides ont été développées depuis plusieurs décennies. Les méthodes les plus performantes sont celles qui traitent simultanément les collisions multiples. Ces méthodes sont appelées Discrete Element Methods. Elles consistent à suivre individuellement chaque particule et lorsqu’un contact interparticulaire se produit, une loi de comportement locale détermine les mouvements résultants des particules impliquées. Ces méthodes peuvent être classées en deux catégories : les méthodes régulières, dites et les non-régulières dites .
Pour les méthodes régulières, des approximations régularisantes sont utilisées. Le calcul des forces de contact qui empêchent l’interpénétration se fait par un calcul direct, i.e. les forces sont proportionnelles à la distance entre les particules. L’utilisation de ces lois de répulsion raides conduit à une légère interpénétration numérique des particules, et oblige à garder un pas de temps petit pour assurer la stabilité du schéma d’intégration temporel. Deux méthodes sont le plus utilisées : la première est la méthode Distinct Element Method (DEM ) développée dans les années 70 par P.A.Cundall pour l’étude de systèmes composés de rocs [54] puis pour les milieux granulaires [97]. Cette méthode a inspiré par la suite d’autres méthodes telle que la Granular Element method ( GEM ) de Kishino [98]. La seconde méthode est la méthode de dynamique moléculaire (MD : Molecular Dynamics) [99]. Comme son nom l’indique, c’est une extension des méthodes permettant de modéliser le comportement des molécules aux particules macroscopiques.
En ce qui concerne les méthodes non-régulières, le calcul des forces de contact se fait par la résolution de systèmes locaux non-linéaires. La non-régularité de la méthode se retrouve dans trois aspects : une non-linéarité spatiale à cause de la condition géométrique de non interpénétration (utilisation d’inégalités au lieu d’égalités), une non-linéarité temporelle due au chocs entre particules (discontinuités de vitesses) et une non-linéarité de la loi de contact de part l’utilisation de lois non-régulières pour lier les forces aux paramètres de conguration (contact unilatéral). La méthode la plus utilisée dans les simulations de milieux granulaires est la méthode de dynamique des contacts (NSCD : Non Smooth Contact Dynamics) déve- loppée par Moreau et Jean [100104]. Ils introduisent la notion de pseudo-potentiel pour résoudre le problème de contact et utilisent la notion de coecient de restitution pour gérer les rebonds entre particules. Une approche similaire basée sur la théorie des chocs a été pro- posée par Frémond [105108], inspirée par les travaux de Moreau, où les particules peuvent être de forme polyédrique au lieu de circulaire. Les vitesses des particules après contact sont déterminées avec une contrainte sur les vitesses pour empêcher l’interpénétration des par- ticules. Le système composé des particules est considéré comme déformable, ses équations de mouvement résultent du principe des travaux virtuels, et les lois de comportement sont données par un pseudo-potentiel de dissipation. Dans l’approche proposée par Frémond, le rebond est caractérisé par un coecient de dissipation à la place d’un cocient de restitu- tion utilisé par Moreau.
De nombreux comportements peuvent être décrits de cette manière, l’exception étant le frottement de Coulomb car le frottement ne relève pas d’un pseudo- potentiel. Ce type de problème est pourtant assez central lorsqu’on parle de contact. Cette limite s’explique par le fait que la théorie des collisions proposée par Frémond est seulement une déclinaison d’un cadre théorique bien plus large (qui couvre des problèmes tels que les changements de phase, l’endommagement, etc.). Toutefois, même le cas d’un frottement de type Coulomb peut être traité par la théorie proposée [108, 109]. Il convient de souligner que cette approche n’est pas la seule disponible dans la littérature, particulièrement lorsqu’on parle de frottement. En eet, à partir du concept de bipotentiel, De Saxcé [110, 111] a pro- posé une modélisation du contact unilatéral avec frottement qui abouti à un bipotentiel de contact. Cette formulation élargit le champ d’action du pseudo-potentiel tout en permettant de conserver les avantages d’une écriture de loi d’évolution à l’aide d’une fonction à variables scalaires et d’une loi de sous-normalité.Une autre approche non régulière intéressante, inspirée par les travaux de Moreau, a été proposée par Maury [63]. Dans cette approche, les contacts sont traités par des collisions parfaitement inélastiques grâce à l’utilisation d’une contrainte sur la position des particules.