Présentations des terrains
Comme l’indique la maigre littérature sur le sujet, la nuit est un objet difficile à appréhender. Questionner la nuit, c’est se questionner soi-même. Il a donc fallu remettre en cause nos acquis pour se tourner vers cette « dernière frontière » (Luc Gwiazdzinski). La nuit, bien que revêtant un caractère social et se pratiquant souvent à plusieurs, reste sujette aux représentations individuelles. Interroger les usagers de la nuit est complexe : certains ont peur, d’autres ne tiennent pas à parler de leurs « moments de liberté » et certains ne sont plus aptes à jouer l’introspection les ayant déjà trop goûtés. Il n’existe que très peu de méthodes pour étudier la nuit, on tente uniquement d’y appliquer les outils de la journée alors que ce sont, comme nous l’avons vu, deux univers bien distincts. La nuit cristallise les enjeux de la ville du 21ème siècle, il est ainsi primordial de réussir à l’étudier pour comprendre ses maux et y apporter des remèdes. C’est pourquoi, pour pallier ce manque, nous avons cherché à obtenir des réponses aux questions des représentations nocturnes à travers une boîte d’outils méthodologiques en nous appuyant sur les expérimentations réalisées. Nous avons donc réalisé et adapté notre protocole méthodologique aux différentes situations de la nuit et des archipels nocturnes et nous l’avons fait évoluer au cours du projet pour obtenir un outil innovant et reproductible.
Pour appuyer notre recherche, nous avons sélectionné six terrains d’études ; pour la plupart arrêts de la traversée que nous avons réalisée (cf. I.B. Première approche : traversée nocturne). Ces six lieux sont représentatifs de la ville de Tours la nuit. Entre animation et vide la nuit, ils donnent écho aux différents types d’espaces diurnes. L’idée est de chercher s’il existe un lien entre la typologie des espaces le jour et la nuit et, si oui, lequel. Nous nous sommes ainsi intéressés à trois types d’espaces : Notre sujet amenant une réflexion sur la prise en compte de la nuit dans les politiques d’aménagement liées au projet du tramway de Tours, chaque terrain d’études est le long de son parcours. Le tramway de l’agglomération tourangelle est le fil conducteur tissant le lien entre chacun de nos terrains. Tout d’abord, notre choix s’est porté sur les Flâneries du Lac, îlot résidentiel du quartier des 2 Lions. Ce territoire semi-périphérique nous semble adéquat pour étudier la dualité centre/périphérie en ce qui concerne la vie nocturne. Le quartier des Flâneries du Lac est un bon exemple d’espace nocturne « mort la nuit » à mettre en opposition avec l’archipel nocturne tourangeau. Le quartier Université 2 Lions est un lieu clef dans le projet du tramway. Il vise en effet à modifier les usages du site en transformant ce quartier périphérique en réel « morceau de ville »32. Cette « coulée verte » est celui de nos terrains d’études qui répond à la « ville qui dort » (Luc Gwiazdzinski). La vocation, du tramway, est de développer son côté résidentiel et la proximité temporelle aux îlots attractifs de la nuit tourangelle. L’objectif est d’améliorer l’attractivité du quartier.
Le deuxième terrain d’études est le quartier du Sanitas. Ce quartier souffre d’une image de « quartier sensible ». Le projet du tramway, au-delà d’offrir une simple mobilité, a comme objectif de revaloriser le quartier en l’ouvrant sur l’extérieur et en reconnectant ce morceau de ville au tissu urbain qui l’environne. Un travail tout particulier est réalisé sur l’espace public. Ce quartier est aussi intéressant de par sa localisation que de par le basculement des usages qu’il s’y produit ; notamment avec la mise en place d’une économie parallèle la nuit venue. Ensuite, nous nous sommes intéressés à la gare de Tours, véritable porte d’entrée sur le territoire, vouée à devenir un pôle d’autant plus multimodal que le tramway vient s’y « brancher ». Ce lieu en parallèle du centre-ville, et pourtant élément de sa centralité, est côtoyé par une population en marge qui participe au basculement des usages. La place de la gare est un lieu qui vit 24H/24 et qui semble être le « port » de l’archipel tourangeau.