Expansion des banques nigérianes a-t-elle permis d’améliorer les cadres réglementaire et prudentiel du continent
Les banques nigérianes se sont implantées dans d’autres pays d’Afrique après la consolidation de 2004 qui a multiplié les exigences minimales de fonds propres par plus de dix. La plupart d’entre elles ont intensifié leurs activités nationales et internationales en étendant leur réseau de succursales sur le marché intérieur et en ouvrant des filiales à l’étranger. Deux banques, United Bank for Africa (UBA) et Access Bank, sont présentes dans plus 20 pays africains. L’expansion transfrontière, qui est passée par la création de filiales, a accru le nombre des banques en activité dans les pays d’accueil. Le Nigeria compte 23 banques dont cinq sont à capitaux étrangers, à savoir : Citibank, Ecobank, Stanbic IBTC, Standard Chartered et Nedbank. Si quatre d’entre elles sont présentes au Nigeria depuis un certain temps, Nedbank vient tout juste de se voir accorder une licence et n’a démarré ses activités que cette année. Nous sommes donc en présence d’un système financier où le nombre de banques qui ont des succursales dans le reste d’Afrique sont beaucoup plus nombreuses que les banques étrangères présentes au Nigeria. Selon la théorie économique, une telle expansion transfrontière devrait avoir bien des avantages, tant pour les banques qui développent leurs activités que pour le système bancaire des pays d’accueil. Les principaux avantages tirés par la banque mère seraient la diversification des risques et de plus grandes possibilités de profit pour les actionnaires. Les systèmes bancaires des pays d’accueil, quant à eux, jouiraient d’une intermédiation accrue et d’une plus grande efficience attribuable aux avancées technologiques, à des taux d’intérêt réduits et à une intensification de la concurrence.
Les pays se sont pour la plupart félicités de l’expansion des banques nigérianes dans leur juridiction car elles contribuent à approfondir le secteur bancaire sur le continent en développant leur réseau de succursales, en lançant de nouveaux produits financiers et en renforçant le cadre réglementaire et prudentiel grâce à l’instauration d’un contrôle consolidé et conjoint des succursales bancaires, qui a permis de stimuler l’échange de connaissances et d’informations entre les autorités de contrôle. La littérature économique a abondamment démontré que l’expansion transfrontière peut aussi imposer un coût aux banques des pays d’accueil, dont la part de marché est menacée par les nouvelles venues et qui pourraient prendre plus de risques non sans conséquences fâcheuses pour la stabilité du secteur bancaire. Il pourrait notamment s’opérer une sélection adverse de la clientèle, potentiellement défavorable aux banques nationales, en raison de la migration de clients présentant moins de risques vers les banques étrangères qui offrent des produits et services novateurs.
Si l’expansion a aidé les pays d’accueil à développer leur secteur bancaire et à accroître l’intermédiation dans le pays d’origine, un dispositif de gestion des risques initialement inefficace et l’effet de la crise financière ont fragilisé certaines banques nigérianes et même conduit certaines à la faillite, dont Oceanic bank qui avait étendu ses activités à sept pays avant la crise. Il a dès lors été nécessaire de procéder à une vaste réforme du secteur bancaire nigérian, réforme dont les pays d’accueil ont bénéficié. La Banque centrale du Nigeria a appliqué un contrôle bancaire consolidé et élaboré un dispositif transfrontière qui a été mis en œuvre en 2010. Ce dispositif prévoit comme condition préalable à la présence des banques nigérianes dans d’autres pays l’exécution de protocoles d’accord avec le pays d’accueil. Au Nigeria, toutes les banques, qu’elles soient nationales ou étrangères, sont traitées sur un pied d’égalité et sont soumises à la même réglementation prudentielle. En cas de crise de liquidité, la banque centrale joue son rôle de prêteur en dernier ressort pour l’ensemble des banques. Si la fonction de contrôle bancaire lui revient, d’autres organismes surveillent la situation des établissements financiers non bancaires. Il est donc essentiel d’assurer la coordination entre la banque centrale et les autres organismes de réglementation. La présente étude va examiner l’effet de l’expansion transfrontière des banques nigérianes dans les six pays de la zone monétaire ouest- africaine, à savoir : la Gambie, le Ghana, la Guinée, le Libéria, le Nigeria et la Sierra Leone. Ces pays ont été sélectionnés parce que 10 banques nigérianes y sont implantées et qu’elles ont une excellente relation avec l’autorité nigériane en matière de contrôle et de réglementation bancaire. Cette étroite collaboration permet de renforcer le partage de l’information selon des modalités formelles comme un mémorandum d’accord, le contrôle conjoint et l’élaboration d’orientations réglementaires et prudentielles communes pour la zone. La présente étude, qui couvre la période 2005-12, rend compte de la période précédant et suivant l’expansion transfrontière des banques nigérianes. Elle examine l’idée que la présence de banques étrangères facilite la mise en place d’un dispositif de contrôle bancaire et d’un cadre juridique, et qu’elle permet d’améliorer la transparence globale dans les pays d’origine et d’accueil.