INTERPRÉTATION, MODÉLISATION ET EN-JEUX PRAXÉOLOGIQUES
Nous venons de présenter les différents résultats obtenus suite à notre démarche de recherche empirique, par une méthodologie qualitative pour le recueil des données et une méthodologie quantitative pour leur traitement. Ces résultats vont nous permettre de mener une discussion, mettant en parallèle les éléments mobilisés dans le champ théorique, pour proposer une modélisation du parcours labyrinthique de l’étudiant dans les formations aux métiers de la Relation, à travers ses en-jeux d’alternances. L’analyse de contenu catégorielle, par découpage en unité de sens, combinée à une approche statistique inférentielle, nous a permis de présenter les résultats à partir de chaque entretien, d’une comparaison entre le groupe G1, représentant les personnes ayant une expérience professionnelle avant leur entrée en formation et le groupe G2, représentant les personnes ayant suivi un cursus universitaire, et d’un point de vue global. Nous allons maintenant interroger le paradigme du parcours en formation, en tant que per-cursus, dans une dimension herméneutique, en tentant de répondre à différentes questions. A partir des Mouvements, des Espaces et des Relations évoqués dans leur discours, quel parcours les étudiants semblent-ils dessiner ? Comment les différentes catégories, selon leur fréquence et les ressentis associés, parlent-elles du parcours singulier de l’étudiant ? Comment ce parcours participe-t-il de la Relation entre soi et les autres et de la Relation à soi, invitant l’étudiant à cheminer dans ses dédalités ? Comment les paradoxes en formation, entre limites et liberté, entre attendus professionnels et possibles singuliers, entre conformisme et trans-formation, sont-ils évoqués par les étudiants ? Cette prise en compte du parcours dans sa complexité, nous amènera ensuite à proposer une modélisation et une définition de la notion de parcours, ce paradigme oublié.
L’organisation de la formation dans une alternance intégrative 682 interroge le partenariat entre les IFSI, les terrains de stage et l’université pour accompagner l’étudiant dans la construction de ses compétences. Dans les formations paramédicales et sociales, tous les formateurs sont issus des mêmes filières que celles choisies par les étudiants. La connaissance spécifique du métier permet aux référents d’accompagner l’étudiant dans une dialectisation entre réussir et comprendre et comprendre et réussir (Piaget , 1974, éd.1992 ; Geay , 1998)683. En autorisant l’étudiant à questionner l’écart, à partir ce qui fait écart pour lui, notamment par des analyses de pratiques684, Les référents préviennent le risque de l’enfermer dans une doxa685 professionnelle.
Nous avons vu qu’il pouvait être limitant d’interroger la progression de l’étudiant en fonction du seul niveau de formation, enfermant l’étudiant dans des attendus qui ne disent rien d’un parcours singulier. Envisager la formation d’un point de vue de ses attendus et des in-possibles permet de prendre en compte l’étudiant en tant que sujet, acteur ayant déjà des expériences et des compétences et auteur, dans ce qui fait écart pour lui. Le programme de formation infirmière s’inscrit dans une organisation qui veut placer l’étudiant au centre du système dans lequel l’intégration des partenaires se fait par un partage des dispositifs proposés. Les enjeux de cette alternance intégrative interrogent la place et le rôle de chacun, et si les professionnels participent à rendre le travail formateur dans une approche progressive de la complexité, au sens de Geay (1998), les formateurs sont invités à faire le lien dans ce partenariat pour l’étudiant, par une approche globale de son parcours. Ainsi l’étudiant se retrouve au centre d’un système d’alternances, dans une alternance-réversibilité687, qui accompagnent ses expériences. Chacun, référent et étudiant, partage une Relation où la progression de l’étudiant et la construction de son parcours traversent différentes postures entre intégrer/s’intégrer, encadrer/s’encadrer et former/se former688. Les dispositifs, tels que le portfolio et les analyses de pratiques, participent d’une co-évaluation de la construction des compétences par l’étudiant. Nous avons interrogé le risque d’aborder cette évaluation des compétences à travers les performances689 que réalisent l’étudiant, dans une confusion possible entre le processus et le résultat. Cependant les résultats montrent un vécu peu associé à un discours sur les compétences puisque seul E3 évoque l’évaluation à partir du référentiel de compétences690. Il le fait d’ailleurs en parlant de l’intérêt de pouvoir s’en distancier pour se centrer sur la relation soignant-soigné. Quelles sont les raisons qui peuvent expliquer ce constat ? Les compétences sont-elles très peu abordées parce que non remises en question, dans une formation basée sur une approche par compétences ?