Piézométrie et hydrodynamique

Piézométrie et hydrodynamique

Le réservoir miocène ayant été étudié au chapitre précédent, il convient d’analyser les données relatives à l’eau qu’il contient. Ce troisième chapitre se consacre aux aspects mécaniques c’est-à-dire à la piézométrie et à l’hydrodynamique du système. Après avoir observé la piézométrie générale en relation avec le schéma lithologique, les échanges éventuels avec les aquifères voisins sont envisagés et commentés. Puis les variations des niveaux d’eau dans les forages sont étudiées à trois échelles de temps. D’abord à l’échelle de la saison et à l’échelle inter-annuelle pour mettre en évidence les phénomènes saisonniers, les grandes tendances et la relation avec la pluie efficace. Ensuite à l’échelle de quelques semaines pour compléter les données des paramètres hydrodynamiques à l’aide de l’étude de l’effet barométrique.

Précision des mesures piézométriques et des courbes isopièzes 

Quelle que soit la méthode et les précautions mises en œuvre pour effectuer une mesure du niveau de l’eau dans un puits ou un forage par rapport à la surface du sol, la précision est très inférieure au décimètre et généralement de l’ordre du centimètre ou moins si l’on utilise un instrument ad hoc. Pourtant les cartes piézométriques sont beaucoup moins précises. Pour les établir, toutes les mesures ponctuelles de niveau doivent être rapportées à une référence commune, généralement le niveau général français (NGF). On introduit alors des erreurs de nivellement et d’interpolation. Les premières dépendent des instruments (théodolite, GPS) ou des méthodes utilisés pour estimer l’altitude des points de mesure (carte topographique, MNT) et les secondes de la densité des points pris en compte et du choix de la méthode d’interpolation (triangulation, inverse de la distance à une puissance, krigeage…). Ainsi les petites variations de niveau mesurées sur un même ouvrage sont significatives mais les comparaisons de cartes piézométriques, établies pour différentes dates ou pour différents aquifères, doivent être prudentes et tenir compte de ces incertitudes. 

Piézométrie générale de l’aquifère molassique

 La dernière carte piézométrique de l’aquifère molassique du bassin de Carpentras a été établie par FAURE (1982) pour l’hiver 1981 (Figure 3-1). L’écoulement général des eaux dans le bassin s’effectue des reliefs de l’est vers un exutoire de surface réduite à l’ouest. La bordure nord-est, de Gigondas à Caromb, montre des gradients particulièrement élevés (entre 2 et 3%) et les lignes isopièzes suivent la forme du massif dans ce secteur. Par contre, au sud-est l’alimentation par le massif de Pernes semble limitée ; les isopièzes sont perpendiculaires aux limites du massif. Entre ces deux régions, la bordure est, marquée par la colline du Limon, présente des isopièzes subméridiennes. En allant vers l’ouest, les lignes de courant convergent vers une zone étroite entre Vedène et Bédarrides. Elles prennent une direction globalement NE-SW. Les gradients se réduisent et deviennent inférieurs à 2‰ vers Entraigues. Une zone artésienne allongée suit cet axe de convergence d’Aubignan à Entraigues et se superpose au horst de Loriol. Dans la partie nord, les lignes de courant mettent en évidence un flux en provenance du sous-bassin de Vaison-la-Romaine (au nord du massif de Gigondas). Néanmoins il semble exister un seuil piézométrique passant au Nord de Jonquières et de Vacqueyras. Son existence est déjà signalée par DUROZOY (1973b). Les écoulements en provenance du nord seraient ainsi très réduits, les eaux étant dirigées vers Camaret et Orange. Mais le manque de forages dans ce secteur pousse à rester prudent sur cette conclusion.

La zone de forts gradients du nord-est correspond aux larges zones d’affleurement du Miocène

 Le fort pendage des couches aquifères au contact du substratum antemiocène contribue à ces gradients importants et à un artésianisme généralisé du secteur en aval. Sur la bordure est (colline du Limon), les sédiments miocènes affleurent mais les pendages sont moins importants. L’artésianisme en aval se réduit à des zones topographiquement basses. Au sud-est, les affleurements burdigaliens du massif de Pernes sont perchés sur les terrains oligocènes (Figure 1–7) et sont déconnectés de l’aquifère molassique du centre du bassin. L’Oligocène constituant un réservoir médiocre et compartimenté, les flux vers le Miocène sont faibles ce qui se traduit pas des isopièzes presque perpendiculaires au contour nord du massif. Au sud d’une ligne Pernes-Entraigues, l’écoulement se fait dans une direction SENW. Mais dans ce secteur les forages sont rares et les sédiments miocènes sont peu épais (le Crétacé inférieur affleure à la butte de Thouzon, près du Thor) et souvent argileux. La transmissivité est donc médiocre. De plus les gradients sont faibles (entre 3 et 4 ‰). Les flux venant du sud sont donc très limités (application de la loi de Darcy).

Relations avec les autres aquifères 

Aquifères du Crétacé supérieur et de l’Oligocène 

Bien que l’aquifère des sables blancs albo-cénomaniens du bassin de BédoinMormoiron se situe en amont de celui du Miocène de Carpentras, on ne peut pas envisager d’échanges directs entre ces deux réservoirs. En effet les deux systèmes sont séparés par la série oligocène. Cette dernière est essentiellement calcaro-argilo-marneuse et épaisse de plus de 100 m. De plus, d’après MALZIEU (1987), le bilan hydrologique de l’aquifère des sables blancs est équilibré (Tableau 1–4) sans faire intervenir d’échanges avec le Miocène. Ainsi les écoulements du bassin de Bédoin-Mormoiron vers celui de Carpentras transitent tous par le réseau hydrographique de l’Auzon et de la Mède. Au nord de la faille de Nîmes, l’aquifère du Turonien sablo-gréseux est connu sur la limite nord-ouest du bassin miocène de Carpentras, où il affleure (collines de la région d’Orange et massif d’Uchaux). Ces reliefs crétacés supérieurs sont une zone de recharge du Turonien et la piézométrie y est supérieure de quelques mètres à celle du Miocène situé en bordure des massifs (DUROZOY, 1973b). Il est donc tout à fait probable que le Turonien participe à une alimentation locale du Miocène, dans la partie ouest de la plaine d’Orange. Néanmoins les écoulements régionaux s’effectuant vers l’ouest, le Miocène n’est pas un exutoire privilégié des massifs Turoniens. Au nord, le Crétacé supérieur est également présent sous la couverture tertiaire. Il devient très épais en allant vers le bassin de Valréas, au-delà de la région étudiée (880 m de Turonien au forage pétrolier de Suze-la-Rousse), mais les faciès sablo-gréseux potentiellement aquifères se limitent au voisinage du massif d’Uchaux et de la plaine d’Orange (ROUDIER, 1987). Au nord du bassin de Carpentras, le forage de Violès a rencontré 8 m de grès et marnes du crétacé supérieur avant de traverser 60 m de calcaires argilo-gréseux non aquifères (DUROZOY, 1973b). La puissance de l’aquifère turonien sous la couverture tertiaire est donc très modeste et les flux échangés sont réduits. Les massifs oligocènes de la colline du Limon et de Pernes affleurent sur la bordure est et sud-est du bassin de Carpentras. Les niveaux conglomératiques et les niveaux calcaires constituent de petits réservoirs compartimentés qui alimentent de petites sources (BLANC et al., 1975 ; ROUDIER, 1987). La contribution de ces formations à la recharge de l’aquifère miocène est faible. Les courbes isopièzes du Miocène sont d’ailleurs perpendiculaires aux limites du massif de Pernes (Figure 3-1). Elles traduisent bien le très faible flux venant de l’Oligocène. En résumé on ne peut donc pas exclure des apports d’eau des aquifères du Crétacé supérieur et de l’Oligocène mais ceux-ci ne participent pas significativement à la recharge de l’aquifère miocène.

Cas du karst urgonien sous-jacent 

Les calcaires du Crétacé inférieur situés sous le remplissage tertiaire sont karstifiés et aquifères. Plusieurs forages recoupent des cavités productives (COUTURAUD, 1993). En mesurant la piézométrie dans les ouvrages qui captent l’aquifère karstique sous couverture et sur les bordures immédiates du bassin, COUTURAUD (1993) dresse une carte piézométrique du karst urgonien (Figures 1–10 et 3–2). Celle-ci reste grossière à cause du très faible nombre de forages accessibles dans le karst et fait l’hypothèse implicite d’une continuité hydraulique entre les points de mesure. Le drainage s’effectue globalement du nord-est vers le sud-ouest, sous le bassin de Carpentras. On observe une alimentation au niveau des bordures et des pointements crétacés. Le gradient moyen s’élève à 6‰ entre Caromb et Vedène. C’est une valeur plus forte que pour le karst affleurant sur le plateau de Vaucluse. Elle traduit un drainage plus difficile dans le karst sous couverture à cause d’une moindre karstification ou d’un colmatage partiel des drains ou des exutoires (COUTURAUD, 1993). Le bilan de la Fontaine de Vaucluse est équilibré sans faire intervenir de pertes sous le bassin tertiaire. Ces dernières sont donc négligeables comparées aux flux mis en jeu par le système de la Fontaine. Néanmoins cela ne met pas en défaut l’hypothèse d’une alimentation du miocène par le karst sous-jacent (FAURE, 1982) car les flux circulant dans l’aquifère des safres sont plusieurs centaines de fois inférieurs à ceux de la Fontaine. La piézométrie apporte des arguments contradictoires sur la question. Tout d’abord la charge du karst est nettement supérieure à celle du Miocène (Figure 3-2), ce qui impose un gradient ascendant et tendrait à une alimentation du Miocène par le karst. Ensuite les isopièzes du Miocène marquent une forte courbure au passage du horst de Loriol ; les lignes de courant convergent vers un axe proche de la direction N50 des grandes failles du bassin ce qui devrait traduire un drainage du Miocène par le karst.  

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