Construction d’une logique d’action possible sur l’interaction entre des imaginaires

Construction d’une logique d’action possible sur l’interaction entre des imaginaires

Sortir de l’innovation orpheline requiert d’agir sur les imaginaires singuliers des acteurs d’un collectif, et d’agir en particulier sur l’interaction entre ces imaginaires. L’exemple de l’association ARIEL, présenté dans le chapitre précédent, a montré les limites d’une action d’un architecte construisant un référentiel pour diagnostiquer l’innovation orpheline, mais ne se dotant pas de processus ad hoc pour stimuler les imaginaires. Comment alors agir sur ces imaginaires ? Des études ont déjà été conduites sur ce sujet, au niveau de l’individu et de la stimulation de la créativité à une échelle individuelle. En effet, en psychologie cognitive, plusieurs recherches s’intéressent aux facteurs impactant la créativité de sujets (mesurée selon les critères classiques présentés dans le chapitre VIII, i.e. fluidité, flexibilité et originalité). Ces études (Fink et al., 2010; Smith et al., 1993; Ward et al., 2004) portent notamment sur l’effet de propositions de solutions existantes sur la capacité de sujets à construire des solutions créatives dans une tâche de conception donnée. Nous proposons dans ce chapitre d’explorer cette approche proposée par les sciences cognitives, à savoir l’utilisation d’exemples pour agir sur les imaginaires. D’autres possibilités pour agir sur les imaginaires pourraient être étudiées, nous avons fait le choix, dans le cadre de la thèse, de nous focaliser sur ce phénomène précis de l’exemple car il nous a semblé schématiser une situation d’interaction minimale entre deux acteurs : la proposition par un acteur d’un exemple à un autre.  Dans un premier temps, nous adopterons une approche en psychologie cognitive pour conduire une étude du rôle de l’exemple dans les situations de conception (XI.1). Nous montrerons comment la littérature sur l’impact d’un exemple sur la créativité ne permet pas clairement de trancher sur l’effet positif ou négatif d’un exemple sur la créativité, ce qui nécessite alors une investigation en tant que telle pour caractériser la nature de l’effet de contrainte ou de stimulation d’un exemple sur la créativité. Puis, une méthodologie basée sur la construction d’exemples pouvant agir sur les imaginaires et s’intégrant dans la démarche de construction du référentiel C-K sera proposée (XI.2).

Etude du rôle de l’exemple dans les situations de conception par une démarche en psychologie cognitive

La question de l’impact d’un exemple sur la créativité est au cœur de plusieurs travaux de recherche en psychologie cognitive. Ces recherches ont permis de clarifier certains obstacles auxquels la plupart des personnes sont susceptibles de faire face au cours de situations créatives (Smith, Ward & Schumacher, 1993 ; Ward et al., 2004). Plus précisément, comme nous l’ avons présenté dans le chapitre IV, plusieurs études ont indiqué que la connaissance récemment activée peut limiter la capacité à générer des idées originales (Abraham & Windmann, 2007; Abraham et al., 2006), mettant  en évidence des effets de fixation en conception. Prolongeant ces travaux, plusieurs études en sciences cognitives indiquent qu’il peut exister un biais de fixation lorsque les sujets sont invités à générer de nouvelles idées après avoir été exposés à des exemples de solutions. Smith, Ward et Schumacher (1993) ont ainsi étudié les effets de la présentation d’exemples sur la génération d’idées créatives. Les participants ont été invités à imaginer et dessiner des animaux qui vivraient sur une autre planète (animaux qui seraient très différents de ceux trouvés sur Terre) (Smith, Ward, & Schumacher, 1993). Avant de dessiner l’animal, les participants ont été exposés à des exemples ayant des éléments fondamentaux en commun (par exemple des yeux ou des antennes). Les résultats ont montré que les participants avaient tendance à incorporer ces éléments dans leurs propres dessins, en dépit d’une mise en garde explicite leur demandant d’éviter la réutilisation d’éléments des exemples présentés. Néanmoins, l’exposition à des exemples ne conduit pas systématiquement à des effets de fixation. En utilisant une tâche dans laquelle les participants devaient générer des utilisations alternatives d’objets du quotidien (comme un parapluie), Fink (2010) a montré que la performance créative augmente après une exposition à des exemples de solutions émises par des tiers. Ces résultats indiquent que l’exposition à des exemples de solution a permis aux participants de produire plus d’idées originales.

 

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