L’individualisation des publics à l’œuvre

L’individualisation des publics à l’œuvre

Après avoir étudié les artefacts qui permettent d’explorer le web, une première approche pour observer les usages consiste à regarder ce qu’il se passe sur les médias en ligne. L’histoire du web montre en creux que la production d’informations reste une activité de professionnels. Force est de constater que les médias tiennent le rang de principaux pourvoyeurs de contenus, particulièrement dans le secteur de l’information puisque les internautes-auteurs ou les journalistes citoyens n’ont ni les compétences ni les ressources nécessaires pour suivre dans la durée l’état et la marche du monde (Aubert, 2009). Le web démultiplie les actualités en les faisant circuler de sites en sites et de médias en blogueurs (Marty et al. 2012), mais ce sont toujours les professionnels traditionnels et pureplayers qui alimentent le flux des informations. La question qui va être envisagée maintenant est celle de la place des publics internautes dans les médias en ligne. Ces sites accueillent de nombreux visiteurs et incarnent un espace public où des informations sont exposées comme bien commun. Comment la navigation d’un internaute sur le site d’un média, activité perçue comme éminemment personnelle, contribue à sa réception des actualités et à la formation de son opinion, activité qui résulte nécessairement de sociabilités ?

Les deux figures qui se croisent autour d’un contenu sont dans des logiques orthogonales : les producteurs sont dans une logique verticale, les récepteurs dans une logique horizontale. Les travaux sur la sociologie des journalistes et l’économie des médias montrent que l’information est produite avec une logique nécessairement en top down. Un évènement, une déclaration, une actualité, est traitée par les journalistes en fonction de leur choix éditorial, ajustement des règles de la profession négociées avec les pratiques de l’organisation (Lemieux, 2000). La production matérielle des contenus se fait avec des outils industriels relativement peu mutualisés, par exemple pour le papier les imprimeries faisaient historiquement partie des entreprises de presse (Charon, 1991). La diffusion des contenus est certes assurée par des entreprises d’État, comme les NMPP pour la presse en France, mais cette organisation isole chaque éditeur pour protéger les Pour le public, ces contenus s’enchevêtrent dans un même espace : la télévision du salon permet de voir Kate remonter la nef de Saint-Paul, quand le magazine posé sur la table basse cite les anecdotes rapportées par les proches des mariés et que l’écran d’ordinateur retrouve les archives de l’INA sur le mariage de Charles et Diana. Les productions informationnelles sont en concurrence quant à l’attention de leurs audiences, mais elles sont associées dans la réception de l’information. Non seulement les individus piochent des actualités sur différents supports et avec différentes temporalités, mais en plus ils augmentent ces contenus journalistiques en les discutant. C’est donc bien une réception horizontale que les publics de l’information déploient.

Trois types d’activité des publics sur les sites médias

Pour étudier la rencontre des producteurs et récepteurs, ce chapitre va donc regarder le public vu des médias. Les supports traditionnels de l’information matérialisent leur public par deux observations : la mesure de l’audience et l’expression du public. La mesure de l’audience est calculée par des instituts pour étalonner la valeur des contenus auprès des annonceurs (Méadel, 2010). Cette vision comptabilise les individus indépendamment les uns des autres, formant un public atomisé plutôt que lié. Les journalistes et éditeurs écoutent leur public par le courrier des lecteurs ou les émissions de libre antenne à la radio. Mais cette voix retour correspond à une expression individuelle et normalisée, qui tente de s’aligner sur les normes de l’expression journalistique (Boltanski, 1984 ; Hubé, 2008). Le public vu par la chaîne de production de l’information est donc un public atomisé et expressif, où les individus consomment seuls leurs actualités .

 

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