Spécificités du discours arabe en interprétation de conférence

Spécificités du discours arabe en interprétation de conférence

La qualité d’un discours, quelle que soit la langue, dépend d’un ensemble d’aspects (voix, accent, prosodie, volume, densité d’informations, etc.) qui varient d’un orateur à un autre (Moser-Mercer, 1997 : 135). Cette qualité tient un rôle important dans la compréhension de l’auditeur dans une communication directe monolingue. Elle détient un caractère critique en situation d’interprétation, où il s’agit de transmettre, dans une autre langue, le sens d’une intervention à un public étranger. Par ailleurs, nous notons un manque de recherche empirique sur l’arabe, notamment sur la production orale de l’ALM en interprétation de conférence. Le passage en revue de la littérature montre que le sujet de cette thèse est encore largement inexploré. Le nombre d’études empiriques rédigés en arabe que dans d’autres langues sur la pédagogie et l’enseignement de l’interprétation français/anglais-arabe est en effet faible. D’après Georges Misri (1986 : 122-123), les idées théoriques sur la traduction écrites en arabe sont peu nombreuses et souvent exposées dans des préfaces ou articles. La majorité des textes existants sur l’interprétation de conférence dans le monde arabe sont théoriques (Al-Qinai, 2002 ; Al- Didaoui, 1992 et 2002 et Al-Amid, 2010). Plus rares sont les études empiriques qui ont abordé cette question (Mahyub Rayaa, 2013 ; Al-Salman et Al-Khanji, 2002 et Al-Rubaiʼi, 2004, etc.). Récemment, la situation a un peu changé. D’après M. Taibi, (2016 : 1-2) :

« Despite the surge of scholarship on translation since the 1970s, European and North American voices have dominated the field and largely shaped it. With a few notable exceptions such as Mona Baker and Basil Hatim, it is only since 2005 that Arab scholars have begun to add their voices in substantial numbers; on the whole, Arab scholarship has consumed rather than produced new ideas in translation research. As a result, teachers and students in the Arab World have largely had to depend on references that were developed for language combinations and sociocultural contexts other than their own. This lack of a modern native Arab translation studies movement merely reinforces a relationship of intellectual dependence on the ‘producer’ cultures ». Marwa Shamy (2017) estime que la question de la spécificité linguistique anglais-arabe a reçu peu d’attention jusqu’à aujourd’hui. Reconnaissant l’importance des problèmes spécifiques à la langue dans la pédagogie de l’interprétation, elle a enquêté sur sept « déclencheurs » de problèmes linguistiques spécifiques pour la paire anglais-arabe (plus de détails au chapitre III). Dans ce chapitre, nous abordons la question des spécificités linguistico-culturelles de la langue arabe en interprétation de conférence. Nous nous interrogeons sur les problèmes théoriques et pratiques auxquels l’interprète arabophone risque de se heurter aussi bien dans la compréhension que dans la production de son discours. Y sera également passée en revue la spécificité du discours de l’orateur arabe dans les conférences et réunions internationales par comparaison au discours français et anglais. À la fin de ce chapitre, nous illustrons nos propos par un exemple de la rhétorique du discours arabe lors d’une conférence internationale interprétée vers l’anglais à la télévision. Mais la question qui se pose, de prime abord, est : de quelle langue arabe parlons-nous ? En quoi cette langue paraît-elle spécifique par rapport à l’anglais et au français ?

Il existe 4 variétés principales de langue arabe. Elles sont présentées plus loin. Avant de les aborder, il convient de définir deux notions : diglossie et pluriglossie. La diglossie, élaborée par Charles Ferguson (1959), désigne « une situation linguistique où coexistent deux variétés de langue apparentées dont les statuts et les usages sont fortement contrastés : une variété haute, prestigieuse, et une variété basse, réservée aux échanges ordinaires » (Charaudeau et Maingueneau, 2002 : 184). Dans le cas de la langue arabe, le terme de diglossie ne correspond pas exactement à la réalité. Il s’agit plutôt d’une pluriglossie. Le préfixe di- « suggère quasi inéluctablement une variation entre deux termes, ou encore, entre deux pôles ». (Dichy, 2014 : 4). Certains auteurs continuent d’utiliser ce terme (Laroui, 2011 ; Almasri, et Abou Hassan, 2014 ; Chamlali, 2016 et Shamy, 2017) bien qu’il soit restrictif et « trop étroitement [associé] à une opposition préétablie entre une “variété haute” et une “variété basse” » (Dichy, 2003 : 81). D’après J. Dichy, diviser l’arabe entre deux variétés signifie opposer le « littéraire » au « dialectal » (Ibid.). La pluriglossie reflète en revanche le fait que ce système complexe correspond à une seule et même langue constituée d’un ensemble de variétés incluses dans la compétence communicative de l’orateur.

 

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