SENS ET SAGESSE DU PROVERBE

SENS ET SAGESSE DU PROVERBE

En premier lieu, puisque nous avons avancé plus haut que la seule signification littérale de l’énoncé proverbial ne saurait suffire à en percevoir le sens et qu’il était nécessaire, pour cela, d’entendre et de comprendre le proverbe dans le cadre d’une situation d’énonciation, essayons de voir à l’aide de quelques exemples d’événements proverbiaux relevés lors de nos enquêtes comment, pour chacun de ces cas, le proverbe a pris sens. Nyonwa lui demanda s’il voulait l’accompagner à la chasse le lendemain. Pour signifier à Boaton qu’il considérait le désherbage comme un travail très important, il refusa sa proposition en disant :  Aurait-il le temps de penser à préparer une danse pour le chef, alors que la gale ne lui laisse aucun loisir ? En utilisant cet énoncé pour répondre à son ami, Nyonwa entendait lui faire comprendre qu’il était très occupé et que rien, pas même la perspective d’une bonne chasse, ne pourrait le divertir de son travail. Telle était la valeur qu’il souhaitait donner à cet énoncé en répondant ainsi. Précisons ici que, comme nous l’avons mentionné à la fin de notre deuxième partie, reprenant les termes usités par J.-L. Siran qui nous semblent suffisamment clairs pour être conservés dans notre réflexion, l’énoncé proverbial prend, lors de chaque situation d’émission, une valeur qui permet d’en percevoir le sens caché, mais l’étendue complète de sens du proverbe ne saurait se dévoiler entièrement à chacune de ses utilisations. Nous reviendrons sur ce point plus tard. Poursuivons pour le moment notre exposé sur la façon dont le proverbe nous découvre son sens avec quelques exemples d’emplois où on lui impute une certaine valeur en vue d’un message précis à transmettre.

Le proverbe dans le cadre de l’interlocution

Il est fréquent de voir des petits pintadeaux suivre une poule, et l’observateur non averti peut s’en étonner s’il ne sait pas que l’on fait couver les œufs des pintades par les poules, afin de ne pas obtenir des pintadeaux sauvages. Sanmouhan se comparait elle-même au pintadeau : si elle n’était pas d’origine forgeronne, elle aimait Fiobè et voulait le suivre dans sa contestation des ségrégations coutumières. Leur mariage ne bouleverserait pas l’ordre du monde, les poules resteraient des poules et les pintades des pintades, même si elles arrivaient à vivre ensemble en bonne entente. La situation mise en scène dans le proverbe montrait bien que les différences ne sont pas des incompatibilités irrémédiables. En employant cet énoncé, Sanmouhan interprétait sa situation en termes de liberté : sans revendiquer l’abolition des statuts d’identité, elle affirmait qu’il était possible de vivre ensemble en étant différent. Ouamian, à qui on avait proposé un travail en Côte-d’Ivoire, devait demander un jugement supplétif d’acte de naissance dans son arrondissement d’origine pour obtenir des papiers d’identité. Chacun sait que ce genre de démarche peut prendre beaucoup de temps, d’autant plus que dans le cas présent, le bureau du chef d’arrondissement était dépourvu de registres depuis plusieurs mois. Ouamian partit cependant au chef-lieu d’arrondissement, et revint le soir même avec son papier. Comme les gens s’étonnaient, le grand-père s’exclama :

rappelant de cette manière à tous que le fils des griots qui était à l’école avec Ouamian avait été nommé à un poste de secrétaire auprès du chef d’arrondissement. Il ne fallait pas s’étonner alors que Ouamian ait eu si rapidement ce que celui qui n’a pas de relations mettra des mois à obtenir. Cet ancien condisciple était pour Ouamian une connaissance dont l’amitié permettait d’obtenir les flèches perdues que ceux qui n’ont pas un tel ami, ceux qui ne connaissent pas d’écureuil si agile, ne peuvent décrocher avec la même facilité. Sur le mode de l’interrogation, le grand-père avait fait correspondre l’opportunité d’avoir des relations dans l’administration à l’intérêt d’être l’ami de l’écureuil lorsque la flèche qu’on a tirée est restée accrochée dans un arbre. En prononçant ce proverbe, il indiquait à chacun qu’il suffisait que certaines conditions soient remplies pour que ce qui paraissait impossible devienne réalisable. partit dans le village voisin acheter de la bière de mil que sa sœur avait fait pour honorer sa fille aînée et préparer ses fiançailles, car on souhaitait la marier à un jeune garçon de la famille de Ton’oui. Tous les pères classificatoires du garçon allaient ainsi acheter de la bière “des fiançailles” afin d’appuyer leur demande et d’engager le processus vers le mariage des deux jeunes qui renouerait de nouveau les liens existant entre les deux familles. Il était donc impératif que Ton’oui aille se présenter chez sa sœur, mais comme il était encore un peu faible, il dit en montant sur son cheval :

 

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