Organisation du savoir géométrique
Nous considérons que le domaine mathématique est composé de praxéologies globales dont la géométrie et l’algèbre. Nous distinguons ensuite deux praxéologies régionales qui composent la praxéologie globale de la géométrie : une praxéologie régionale relative aux figures géométriques planes (triangles, quadrilatères, polygones à plus de quatre côtés, etc.) et une praxéologie régionale relative aux solides géométriques. Nous nous intéressons à la praxéologie régionale des figures géométriques planes. Nous définissons alors cinq praxéologies locales qui caractérisent l’activité géométrique (cf. image 4.1) : — une praxéologie locale 1 relative à la construction de figures géométriques ; — une praxéologie locale 2 relative à la preuve mettant en jeu des figures géométriques ; — une praxéologie locale 3 relative au calcul de grandeurs de figures géométriques ; — une praxéologie locale 4 relative à la représentation des figures géométriques ; — une praxéologie locale 5 relative à la modélisation par des figures géométriques. Comme nous l’avons vu dans les chapitres précédents, nous nous intéressons à la praxéologie locale 1 relative à la construction de figures planes en lien avec la praxéologie locale 2 relative à la preuve. En particulier, dans la suite de cette thèse, nous nous limiterons à la construction des triangles et des quadrilatères qui sont des objets de base de la géométrie euclidienne (et particulièrement les triangles) mais aussi des programmes scolaires. Dans la suite de ce chapitre, nous identifions donc les types de tâches, les techniques et les éléments technologico-théoriques mis en jeu dans la praxéologie locale relative à la construction de figures planes. Cette présentation n’est pas exhaustive, notre but est de rendre compte des principales techniques et technologies impliquées dans la construction de figures planes et de souligner les liens avec d’autres praxéologies locales. En effet, un type de tâches d’une praxéologie locale donnée peut se résoudre à l’aide d’une technique qui nécessite de faire appel à des types de tâches, intrinsèques ou extrinsèques (cf. section 2.1.3), issus d’une ou d’autres praxéologies locales. En particulier, comme nous avons commencé à le voir dans le chapitre 3, par exemple dans la section 3.2.5, les techniques mises en œuvre dans la résolution des tâches de la praxéologie locale 1 relative à la construction de figures planes font appel à des types de tâches de la praxéologie locale 2 relative à la preuve mais aussi à des types de tâches des praxéologies locales 3 et 4, respectivement relatives au calcul des grandeurs géométriques et à la représentation des figures géométriques. L’élaboration d’une argumentation heuristique telle que nous l’avons définie dans le chapitre 3 est ainsi rattachée à la praxéologie locale 2 relative à la preuve. En effet, les îlots déductifs de ces argumentations heuristiques mettent en jeu des aspects épistémologiques du raisonnement déductif utilisés dans la résolution des tâches de preuve ou de démonstration.
La praxéologie locale relative à la construction de figures planes
Types de tâches
Nous avons fait le choix de ne pas considérer les différentes figures géométriques plane (triangles, quadrilatères, etc.) à un niveau régional. Chacune des praxéologies locales que nous avons définies doit donc d’abord se décomposer selon la figure plane en jeu. Les principaux types de tâches génériques constitutifs de la praxéologie locale 1 relative à la construction de figures géométriques planes sont donc : — Exécuter un programme de construction. — Construire un point. — Construire une droite. — Construire un cercle. — Construire un triangle. — Construire un quadrilatère. — Construire un polygone à plus de quatre côtés. — Construire une figure composée (par exemple : configurations de droites, un carré et un demi-cercle, plusieurs triangles, etc.). Nous nous concentrons sur les types de tâches génériques « construire un triangle » et « construire un quadrilatère ». De plus, comme nous l’avons vu au début du chapitre 3, nous n’abordons pas ici la question de la construction des figures géométriques à partir des transformations du plan. a. Construire un triangle À partir du types de tâches générique « construire un triangle », nous faisons un premier découpage selon la nature du triangle à construire. Nous obtenons ainsi une partition de l’ensemble des triangles qui correspond aux types de tâches suivants : — Construire un triangle scalène non rectangle. — Construire un triangle isocèle non rectangle non équilatéral. — Construire un triangle équilatéral. — Construire un triangle rectangle non isocèle. — Construire un triangle rectangle isocèle. Nous faisons ensuite un deuxième découpage selon les données pour la construction en faisant le choix de caractériser les triangles à partir de leurs angles et de leurs côtés. Il est à noter que ces types de tâches sont décrits d’un point de vue institutionnel, les énoncés des tâches effectivement données aux élèves peuvent avoir des sens différents. Par exemple, nous définissons le type de tâches « construire un triangle équilatéral, un côté et un angle de 60◦ étant donnés » tandis que les élèves devront résoudre une tâche avec un énoncé du type « construire un triangle ABC isocèle en A à partir du côté [AB] donné et tel que BAC ˆ︁ = 60◦ ». Dans le cas général, nous supposons que la nature du triangle indiqué dans le type de tâches est donnée dans l’énoncé (soit par le texte, soit par un schéma, soit par une propriété caractéristique) et nous mentionnons explicitement, comme dans cet exemple, les cas particuliers. Pour le type de tâches « construire un triangle scalène », les (sous-)types de tâches que nous avons considérés sont : — Construire un triangle, un angle et deux côtés étant donnés.
La praxéologie locale relative à la construction de figures planes
— Construire un triangle, deux angles et le côté situé entre les deux angles étant donnés. — Construire un triangle, deux angles et un côté qui n’est pas situé entre les deux angles étant donnés. — Construire un triangle, les trois côtés étant donnés. — Construire un triangle, deux hauteurs et deux sommets du triangle sur ces hauteurs étant donnés. — Construire un triangle, deux médianes et deux sommets du triangle sur ces médianes étant donnés. — Construire un triangle, deux médiatrices des côtés et un sommet du triangle étant donnés. — Construire un triangle, deux côtés et le périmètre du triangle étant donnés. — Construire un triangle, deux côtés de mesures de longueur entières étant donnés, le dernier côté devant être de mesure de longueur la plus grande entière possible. Les (sous-)types de tâches des autres types de tâches du types de tâches générique « construire un triangle » que nous avons considérés sont présentés dans l’annexe A. b. Construire un quadrilatère Concernant la construction des quadrilatères, nous considérons en particulier les parallélogrammes (dont les parallélogrammes particuliers) puisque ce sont les seuls quadrilatères présents dans les programmes de 2020 des cycles 3 et 4. Nous nous concentrons donc sur les types de tâches : — Construire un parallélogramme non rectangle, non losange. — Construire un rectangle non carré. — Construire un losange non carré. — Construire un carré. De nouveau, nous décrivons les types de tâches d’un point de vue institutionnel, ils ne correspondent donc pas forcément à l’énoncé donné à l’élève. Nous nous appuyons sur le schéma 4.2 pour pouvoir exprimer plus facilement les (sous-)types de tâches du type de tâches « construire un parallélogramme » qui sont : — Construire un parallélogramme, deux côtés adjacents et l’angle entre les deux étant donnés (AB, AD et DAB ˆ︂). — Construire un parallélogramme, deux côtés adjacents et l’angle opposé à l’angle entre les deux étant donnés (AB, AD et BCD ˆ︂). — Construire un parallélogramme, deux côtés adjacents et un des angles adjacents qui n’est pas entre les deux côtés étant donnés (AB, AD et CDA ˆ︂ou ABD ˆ︂). — Construire un parallélogramme, deux côtés adjacents et la diagonale qui relie les deux côtés étant donnés (AB, AD et BD). — Construire un parallélogramme, deux côtés adjacents et la diagonale qui part du sommet rejoignant les deux côtés étant donnés (AB, AD et AC). — Construire un parallélogramme, les deux diagonales et un côté étant donnés (AB, AC et BD). — Construire un parallélogramme, les deux diagonales et un angle entre ces diagonales étant donnés (AC, BD et AOB ˆ︁). — Construire un parallélogramme, un côté, une diagonale et l’angle entre la diagonale et le côté étant donnés (AB, AC et CAB ˆ︁). — Construire un parallélogramme, un côté, une diagonale et l’angle qui forme des angles alternes-internes avec l’angle entre la diagonale et le côté étant donnés (AB, AC et ACD ˆ︂). — Construire un parallélogramme, une diagonale, un côté et un des autres angles (AB, AC et DAC ˆ︂ou BCA ˆ︁). — Construire un parallélogramme, une diagonale et deux angles avec les côtés étant donnés (AC, CAB ˆ︁ et BCA ˆ︁). — Construire un parallélogramme, une diagonale, un angle avec l’autre diagonale et un angle avec un côté étant donnés (AC, BOA ˆ︁, BCA ˆ︁). Les sous-types de tâches des autres types de tâches du type de tâches générique « construire un quadrilatère » (limité aux parallélogrammes particuliers) sont présentés dans l’annexe A. Dans la pratique, comme nous l’avons vu dans la section 3.5, nous travaillons avec des grandeurs pour les longueurs de côté et des mesures pour les angles. Ainsi, lorsque nous disons « un côté étant donné », nous voulons soit dire que le côté en question est déjà tracé à l’écran (de même dans l’environnement papier-crayon), soit qu’un segment de même longueur est affiché sur l’écran. Pour les angles, nous donnons la mesure de l’angle.
Technique
Pour donner des éléments d’une technique experte avec validation théorique attendue pour résoudre les types de tâches « construire un triangle » et « construire un quadrilatère », nous pouvons structurer le raisonnement à partir du patron d’analyse-synthèse (cf. section 3.2.3). Nous présentons cette technique de manière assez générale en précisant que les étapes peuvent se dérouler dans un autre ordre que celui que nous avons choisi et que le processus dans son entier est itératif, certains types de tâches ou certains groupes de types de tâches ayant besoin d’être répétés plusieurs fois pour aboutir à la résolution de la tâche. Une première phase, la phase d’analyse, engage l’élaboration d’une argumentation heuristique qui met en lien les données de l’énoncé, les outils de construction du milieu et les propriétés de la figure à construire pour concevoir un programme de construction. Cette phase peut mettre en jeu les types de tâches suivants : — faire un schéma codé de la figure à construire à partir des données de l’énoncé ; — identifier les sous-figures ou unités figurales qui semblent pertinentes pour la construction en jeu ; — identifier les propriétés de la figure à mobiliser pour construire ; — calculer les mesures d’angles ou de longueurs éventuellement manquantes ; — associer les propriétés géométriques à utiliser aux outils de construction à disposition dans le milieu pour élaborer un programme de construction. Phase de synthèse : — construire la figure avec les outils de construction à partir du programme de construction élaboré dans la phase d’analyse ; — si demandé, valider théoriquement que la figure construite répond bien à ce qui était demandé dans l’énoncé.