Application de notre modèle de fissuration pour l’alcali-réaction
Dans ce chapitre, nous souhaitons illustrer le fonctionnement de notre modèle par des exemples d’attaque sous différents types de chargement. Nous avons construit un modèle de fissuration en micromécanique pour l’alcali-réaction. L’objectif qui a motivé la construction de ce modèle était la nécessité de pouvoir simuler l’évolution à long terme des structures attaquées par l’alcali-réaction. Nous avions conclu notre bibliographie sur les modèles mécaniques pour l’alcali-réaction en dé- plorant la prise en compte insuffisante de détails microstructuraux à l’origine, entre autres, de l’anisotropie de l’alcali-réaction, dans les modèles mécaniques à l’échelle de la structure. Nous avons donc repris le travail de modélisation à l’échelle microscopique en espérant que ceci abou- tirait à un modèle suffisamment simple et efficace pour qu’il puisse aider à calculer la diminution des propriétés élastiques et les gonflements locaux lors d’un calcul de structure. Nous allons donc dans cette partie essayer de comprendre comment fonctionne le modèle en testant divers cas de chargement, comme on l’a fait lors de l’injection de fluide dans un milieu poreux dans le chapitre 7, en poussant cette fois jusqu’à une comparaison avec des courbes de gonflement expérimentales.Nous présentons tout d’abord un schéma explicatif de l’algorithme de calcul qui permet la détermination de l’état de fissuration selon notre critère énergétique, à degré d’attaque et chargement extérieur donné. Nous étudions ensuite le comportement du modèle à déformation imposée, à contrainte imposée, puis dans le cadre de l’essai de Multon. Nous présentons enfin une identification des paramètres du modèle effectuée sur les essais triaxiaux de Multon. Nous discutons enfin de la pertinence du modèle pour prédire la fissuration lors de l’alcali-réaction.
Explication de l’algorithme
Dans ce paragraphe on décrit le fonctionnement général de l’algorithme de fissuration, qui permet de calculer l’évolution des tailles de fissures, et donc des propriétés mécaniques et des déformations et contraintes du béton au cours de l’attaque. On définit d’abord les paramètres matériau et la granulométrie de notre béton, et éventuellement des anneaux en acier si l’on cherche à simuler l’expérience de Multon (étapes 1-2). On calcule ensuite par utilisation du schéma de Mori-Tanaka (§ 3.6.5) les propriétés des zones poreuses : auréole de transition et grain attaqué (3). On choisit le chargement extérieur que l’on souhaite appliquer à l’éprouvette, et on définit la symétrie que l’on impose à la fissuration (5). On peut alors démarrer l’attaque, sous forme d’une boucle sur les profondeurs d’attaque d. L’étape (8) est le calcul des solutions de Christensen et sphériques, exposées au § 9.3. Dans les étapes (9-16), on actualise l’état de décohésion des grains, en prenant en compte le problème de l’interpénétration du grain avec sa cavité. À l’étape (21),
La première possibilité est d’imposer les déformations. Ce n’est pas un chargement très clas- sique dans les campagnes d’essais sur l’alcali-réaction puisqu’en général les expérimentateurs commencent par de l’expansion libre. Néanmoins cela nous semble naturel de débuter par ce cas de fissure puisqu’il est très simple à mettre en œuvre. Nous choisissons ici le jeu de paramètres. On fait varier le degré d’attaque α de 0 à 1, c’est-à-dire que l’on attaque tout le grain. On présente certaines courbes avec la profondeur d’attaque en abscisse d, qui est liée au degré d’attaque α et à la taille du grain R . Lorsque le volume de gel est suffisant, la pression commence à augmenter jusqu’à chuter brutalement vers α=0,2 .C’est la décohésion du granulat qui produit cette chute de pression. La taille de fissure est pour l’instant égale à la taille du grain, c’est-à-dire que la fissuration de la pâte de ciment n’a pas débuté.La décohésion est également visible par la forte augmentation des coefficients poromécaniques (Fig. 11.2), et une énorme diminution des modules d’Young dans les trois directions (Fig. 11.3), due à une fraction volumique initiale de granulats assez importante (fNous faisons tout d’abord varier le module d’incompressibilité du gel. C’est une grandeur physique qui est très mal connue pour nos gels, comme on l’a commenté dans notre article [3] et dans la bibliographie sur l’alcali-réaction (§ 1.5.1.2). On fait varier cette incompressibilité autour de celle de l’eau, qui est de l’ordre de 2 GPa. On remarque (Fig. 11.6), que pour ce jeu de paramètre, la compressibilité de l’eau marque la limite entre deux comportements du modèle. Pour des fluides plus souples, la décohésion et la fissuration ne se produisent pas du tout, ce qui entraîne des contraintes très faibles, tandis qu’au dessus, les compressions sont importantes. Pour ce qui est de la pression, il y a deux régimes linéaires. Aux faibles valeurs du module, il n’y a pas décohésion, aux grandes valeurs il y a décohésion et fissuration. Entre les deux on a une zone de transition où on a décohésion seule. Un comportement tout à fait similaire est observé sur la Fig. 11.7. Le coefficient de dilatation du gel qui marque la séparation entre deux domaines se situe autour de 1,4. Il ne faut cependant pas attacher d’importance aux valeurs précises de ces paramètres puisqu’elles dépendent évidemment des autres paramètres choisis pour la simulation, qui ne sont pas connus. Lors de la variation de ces deux paramètres, on observe une discontinuité .