Maladies professionnelles & accidents du travail
Les maladies professionnelles
La définition des maladies professionnelles traduit un important travail juridique. Reconnaître le caractère « professionnel » d’une maladie dépend avant tout de son appartenance à une liste limitative. Cette liste énumère des tableaux et chacun d’entre eux décrit une pathologie et les expositions susceptibles de la provoquer. On comprend d’ailleurs que la liste, la description des maladies, ainsi que celle des expositions jugées responsables fassent l’objet de difficiles négociations entre les partenaires sociaux. La procédure de reconnaissance peut facilement durer plusieurs années, c’est pourquoi de nombreux cas sont laissés à l’abandon parce que non déclarés, non reconnus ou non indemnisés. Les chiffres dépendent essentiellement de la pratique des acteurs : patronat et syndicats, caisses de sécurité sociale, médecins, encadrement, victimes. Il faut savoir que ces pratiques varient selon les régions, les secteurs, les entreprises, les catégories de salariés et les périodes. Les statistiques de maladies professionnelles (comme celles d’accidents du travail) sont établies chaque année pour le compte de la Caisse nationale d’assurance maladie des travailleurs salariés qui en publie les résultats nationaux, régionaux, et par grandes branches. Matériau indispensable pour quiconque désire approfondir la question de l’impact des conditions de travail sur la santé, ces statistiques reflètent avant tout l’objectif que se donne la Maladies professionnelles & accidents du travail 152 CNAM-TS en les établissant : la connaissance des dépenses occasionnées, qui est le stade ultime d’une procédure de déclaration et de reconnaissance. Les maladies professionnelles dont il est tenu compte dans les statistiques technologiques sont les maladies ayant entrainé une interruption de travail d’un jour complet en sus du jour au cours duquel l’accident est survenu et ayant donné lieu à une réparation sous forme d’un premier paiement d’indemnité journalière. Par le terme « maladie avec incapacité permanente », on entend une maladie ayant entrainée la reconnaissance d’une incapacité permanente. Plus grave encore, dans le cas des maladies mortelles, l’année de prise en charge est celle au cours de laquelle le caractère professionnel de la maladie ayant provoqué le décès a été reconnu1 . Nous savons déjà que les maladies professionnelles font bien plus de dégâts dans les rangs masculins que dans les rangs féminins. Les chiffres parlent d’eux-mêmes2 : en 2006, toutes branches d’activités confondues, 12 femmes sont décédées à cause d’une maladie professionnelle, tandis que la même année, 455 hommes ont perdu la vie pour des raisons identiques. Les maladies ayant entrainée la reconnaissance d’une incapacité permanente, quant à elles, touchent deux fois plus d’hommes que de femmes (respectivement 14 781 et 7 982 en 2006). Les hommes sont plus frappés par ces pathologies professionnelles simplement parce qu’ils sont majoritaires dans les secteurs à haut risques, c’est-à-dire les secteurs composés aussi en grande partie…d’ouvriers : industrie (bois, plasturgie, chimie, textiles, etc.), métallurgie, BTP, ou encore monde agricole… Les maladies professionnelles, précisons le, varient dans leur gravité et toutes ne conduisent pas directement à la mort. Si l’exposition aux cancérogènes comprend d’importants risques pour les salariés qui manipulent ou inhalent ces substances, il n’en demeure pas moins que d’autres pathologies, liées à certains modes organisationnels, ou encore à l’intensification du travail, peuvent être source de nombreux handicaps pour ceux ou celles qui en sont victimes.
Faible niveau de qualification, métiers d’exécution…
Si l’on s’intéresse de plus près au profil des populations les plus touchées, on découvre que les TMS sont étroitement liés aux emplois peu qualifiés de l’industrie ou du tertiaire. Les ouvriers agricoles sont aussi particulièrement concernés, ce qui indique bien que cette maladie professionnelle est avant tout une pathologie des métiers d’exécution, une pathologie de la productivité, de l’intensification, de plus en plus fréquemment observée dans l’ensemble des pays industrialisés. Certaines catégories professionnelles apparaissent donc tout particulièrement concernées. Le risque de souffrir d’un syndrome du canal carpien, par exemple, est nettement plus élevé chez les ouvrières de la manutention, du magasinage et du transport, chez les ouvrières agricoles, les ouvrières non qualifiées, les employées de commerce et les agents de service féminins de la fonction publique. Chez les hommes, le risque le plus élevé est retrouvé (outre les ouvriers agricoles) chez les plombiers et les chauffagistes ainsi que chez les ouvriers non qualifiés et les personnels de service aux particuliers. Mais au-delà du caractère mécanique et répétitif des gestes professionnels, certains spécialistes estiment que la genèse des TMS réside avant tout dans le fait que ces gestes sont décidés par d’autres, qui eux, ne sont pas amenés à les pratiquer6 . L’organisation du travail, telle qu’elle est aujourd’hui, et telle que nous l’avons précédemment décrite (notamment dans sa dimension contraignante), fait que beaucoup sont dans l’impossibilité, pour des raisons de temps et de productivité, d’effectuer les gestes qui leur conviendraient. De plus, à ces exigences imposées au corps et à ces contraintes temporelles s’ajoutent la déstructuration des collectifs de travail, la demande de polyvalence, d’intérim, de flexibilité (nous ouvrons rapidement une petite parenthèse, mais on peut aussi facilement comprendre pourquoi la médecine du travail peut être démunie quant aux modalités d’actions curatives et préventives en milieu professionnel. Pour ces médecins, agir efficacement dans ce domaine conduirait inévitablement à remettre en cause de larges pans de l’organisation du travail et de la hiérarchie.). Les milieux ouvriers ne sont donc pas épargnés par un type de traumatisme qui, à terme, peut s’avérer très handicapant. Les TMS ne sont certes pas une maladie professionnelle susceptible de provoquer, à brève échéance, la mort des salariés, cependant, ils ne font que s’ajouter à l’ensemble des pénibilités que les salariés exécutants subissent. Ils sont, tout simplement, la conséquence directe d’une organisation du travail qui étouffe et asservit les travailleurs les moins qualifiés, qui les bride dans leur autonomie et dans leur liberté, dans leurs choix de postures et de techniques de travail. À travers l’émergence de ces troubles de santé, c’est aussi la condition du dominé qui s’exprime : réduits à un strict rôle d’exécution, où la part d’initiatives est en quelque sorte « confisquée » par la hiérarchie, les salariés voient se développer en eux, dans un organisme affaiblit, des pathologies qui ne sont rien d’autre que le résultat de la domination qu’ils subissent. Finalement, tout se passe comme si l’infériorité des fractions les moins diplômées du corps social était encore plus perceptible à travers l’émergence de ces pathologies de la productivité. L’ « épidémie » de troubles musculo-squelettiques, aussi handicapante et pénalisante soit elle, n’a à priori pas d’effets directs (du moins à court et moyen terme ?) sur le niveau de mortalité de ceux ou celles qui en souffrent. A vrai dire, nous envisageons davantage cette pathologie comme une pénibilité qui, cumulée à d’autres, peut, sur la durée, contribuer à l’usure générale, à l’épuisement global de l’organisme, et donc au vieillissement prématuré. Il en est tout autrement des maladies professionnelles résultant de l’exposition, plus ou moins prolongée, à des substances toxiques ou à des produits dangereux. C’est notamment le cas des cancers professionnels, pathologies parfois à retardement ou à évolution lente7 , qui chaque année occasionnent des coupes dans les rangs de certains collectifs de travail8 . Même si la connaissance du nombre de personnes atteintes d’un cancer professionnel est qualifiée de « faible, faute de registres » par l’Institut national du cancer (INCa), l’estimation qui prévaut est que 5 à 10% des cancers diagnostiqués sont liés à une exposition professionnelle à un agent cancérogène. Chaque année en France, de 11 000 à 23 000 nouveaux cas de cancers seraient attribuables aux conditions de travail. Ces dénombrements sont difficiles, de même que celui des travailleurs réellement exposés. Il faut savoir que la liste des produits cancérogènes évolue en fonction des connaissances scientifiques. De surcroit, il y a bien souvent débat sur les conditions dans lesquelles ces produits risquent ou non d’engendrer effectivement des cancers. On s’interroge, par exemple, régulièrement sur la dangerosité des substances en deçà d’une certaine dose ou d’une certaine concentration. Cela peut paraître étonnant, mais la composition des produits utilisés sur les lieux de travail, ou générés par les processus de production, n’est pas toujours connue de façon précise.
Principaux agents cancérogènes & métiers concernés
En 2003, en France, 2 370 000 salariés étaient exposés à des produits cancérogènes11 . En tête des substances cancérogènes figurent les particules diesel (gaz d’échappement diesel), qui présentent un risque de cancer broncho-pulmonaire. 727 500 salariés sont exposés à ce cancérogène, que l’on peut identifier dans les secteurs suivants : garage, parking, centre de contrôle technique, travaux en tunnel. Les huiles minérales entières, quant à elles, utilisées d’une certaine façon, exposent à des cancers primitifs de la peau et de la vessie. Convenablement purifiées, celles-ci ne sont pas reconnues comme cancérogènes quand elles sont neuves, et ne sont donc pas étiquetées comme telles. Elles peuvent néanmoins devenir cancérogènes lorsqu’elles subissent des transformations chimiques à haute température : par exemple lors de travaux d’électroérosion ou dans un moteur, dans les opérations d’usinage et de traitement des métaux. L’exposition aux huiles minérales est très répandue chez les ouvriers de la mécanique auto et de la transformation des métaux, mais aussi dans l’industrie du caoutchouc et dans les travaux publics (669 100 salariés concernés). Dans ces branches, les dispositifs de protection, collectifs comme individuels, font souvent défaut. Le benzène et autres carburants automobiles, reconnus comme agents chimiques cancérogènes, font partie du quotidien professionnel de 470 600 salariés (raffinerie, transports de carburants, garage, laboratoire de recherche). Dans le cas du benzène, les différents secteurs d’activités concernés par la nocivité de cette substance ne sont pas sur un pied d’égalité en matière de prévention et de protection. Les travailleurs de la chimie, par exemple, bénéficient généralement de protections ; le plus souvent collectives, ces mesures préventives se veulent plus efficaces car le travailleur n’est pas soumis à la tentation de s’en passer pour faire plus confortablement son travail. Mais tout autre est la situation des mécaniciens auto et des ouvriers de garages, car le benzène présent dans l’essence est « invisible », tant le contact avec l’essence fait partie du métier. Pour ce qui est des risques encourus, précisons qu’une exposition prolongée aux carburants automobiles et au benzène augmente les probabilités de développer un cancer du sang..