Aciers inoxydables austénitiques à l’état non-irradié
Dans les internes de cuve des REP actuels, les aciers inoxydables austénitiques de la série AISI 300 sont employés : 304L hypertrempé (304L Hyp) comme matériaux de structure, pour le cloisonnement et les renforts, ainsi que 316/316L écroui (316/316L E) pour la visserie. L’acier 316L à très bas carbone a été largement utilisé par l’industrie nucléaire française. Il possède une très bonne résistance à la corrosion intergranulaire par rapport à sa nuance de base. Les dénominations, les spécifications chimiques des aciers pour l’industrie nucléaire et les compositions chimiques des matériaux de référence étudiés au sein du CEA [Pokor (2003), Garnier (2007), Renault et al. (2009) et Cissé (2012)] sont données dans les Tableau 1.1 et Tableau 1.2. Tableau 1.2 : Spécifications chimiques des aciers pour le nucléaire [RCC-M (1988)] et compositions chimiques des matériaux étudiés au sein du CEA (% en masse), avec les références citées dans le Tableau 1.1. Dans différentes nuances, le symbole « L » signifie la faible teneur en carbone. Ces deux nuances de matériaux sont austénitisées à 1050°C pendant 30 minutes puis trempées à l’eau. Le matériau 316 E est utilisé à l’état écroui d’environ 12%. L’acier 304L Hyp possède des grains recristallisés d’un diamètre équivalent d’environ 40μm, contient peu de dislocations (densité initiale de l’ordre de grandeur de 1010m−2) et une très faible quantité de ferrite (≈1.3%). L’acier 316 E est presque purement austénitique et est utilisé à l’état écroui d’environ 12% résultant d’un écrouissage à froid lors de l’étirage des barres mères. Il contient moins de 0.07% de ferrite, une taille de grains important (de l’ordre de grandeur de 1014m−2), sous forme de cellules de dislocations. Les microstructures pour ces deux matériaux à température ambiante sont montrées sur la Figure 1.1. température entre −150°C et 450°C, réalisés à une vitesse de déformation de 10−3s−1. A basse température (−150°C, −100°C et −50°C sur la figure), une transformation martensitique intervient pour l’acier 304. Pour une température supérieure à la température ambiante, on observe une diminution de la limite d’élasticité et de l’allongement uniforme quand la température augmente. L’allongement après striction est relativement faible par rapport à l’allongement total. Entre 200°C et 400°C, l’influence de la température sur les propriétés mécaniques devient moins importante.
Effets d’irradiation
Sur la Figure 1.2, avec une augmentation de la température et pour une vitesse de déformation fixée à 10-3s-1, une forte augmentation du taux d’écrouissage pour les matériaux 304 Hyp et 316 Hyp est observée entre 20°C et 200°C. Par contre, entre 200°C et 450°C, le taux d’écrouissage reste quasiment constant. En outre, la sensibilité de la contrainte à la vitesse de déformation est positive à 20°C alors qu’elle devient négative à 400°C, avec une présence d’instabilités plastiques (effet Portevin- Le Chatelier) sur la courbe de traction (Figure 1.3). La sensibilité instantanée de la contrainte à la vitesse de déformation est très faible mais le vieillissement dynamique modifie fortement l’écrouissage [Kashyap et al. (1988), Shi et Northwood (1995), Samuel et al. (2002) et Garnier (2007)]. Le spectre d’énergie représente la répartition en énergie du nombre de neutrons par unité de temps et de surface. Dans un REP, le spectre d’énergie peut être très large, jusqu’à environ 10-20MeV (Figure 1.4). Dans ce spectre, on peut distinguer trois domaines énergétiques : un domaine thermique avec l’énergie des neutrons E<1eV, un domaine rapide avec E>0.1MeV (voire 1MeV) et entre ces deux domaines un domaine intermédiaire de ralentissement, dans lequel le spectre est dit mixte.
Le flux neutronique représente le nombre de neutrons d’un certain domaine énergétique reçu par le matériau, au travers une surface unitaire pendant une seconde. Il dépend de la position au sein d’un réacteur. La fluence est l’intégrale du flux sur le temps. Pour caractériser le dégât d’un matériau irradié considéré, on introduit ici la notion de dose d’irradiation en déplacement par atome (dpa), qui compte le nombre de déplacements que subit chaque atome dans son réseau cristallin, donnée par le produit de la section efficace de déplacement effectif moyennée sur le spectre d’énergie et de la fluence. principaux défauts ponctuels au sein d’un matériau. Par conséquent, les paramètres sont relatifs aux neutrons rapides qui possèdent des énergies supérieures à 0.1MeV (on considère E>1MeV en France, pour étudier l’évolution des propriétés mécaniques et de la microstructure des aciers inoxydables austénitiques sous irradiation, un moyen direct est d’utiliser des composants remplacés au sein du cœur du REP (e.g. des vis de liaison) ou des échantillons du programme de surveillance placés dans des capsules d’irradiation situées à l’extérieur de l’enveloppe de cœur. Une autre façon de faire est de simuler un environnement d’irradiation par le bombardement à l’aide d’autres particules, ou de réaliser des essais sur les échantillons irradiés en réacteurs expérimentaux, qui permettent de comparer et d’analyser des résultats des essais selon différentes conditions d’irradiation. Les conditions d’irradiation pour quelques réacteurs expérimentaux et pour les REP sont présentées dans le Tableau 1.4. Grâce à un fort flux neutronique et à un spectre très énergétique, les Réacteurs à Neutrons Rapides (RNR) peuvent fournir une anticipation des endommagements microstructuraux à la fin de durée de fonctionnement des REP. Par contre, le réacteur OSIRIS qui est aussi un réacteur à spectre mixte, permet de simuler qualitativement les conditions d’irradiation dans les REP, y compris la production d’hélium et d’hydrogène par les transmutations du Nickel et du Bore. Les taux de production d’Hélium par les réacteurs à spectre mixte (~15appm/dpa) sont beaucoup plus élevés que ceux des RNR. Après 40 ans de fonctionnement, la dose maximale reçue par les composants des internes de cuve est estimée à 100dpa.