Mesure spatiale du relief
Le test effectué en conditions « idéales » sur le Gardon d’Anduze a démontré la possibilité d’obtenir une mesure spatiale du relief immergé de rivière avec une grande densité et une bonne précision. Les conditions de ce test correspondent à une turbidité négligeable, une interface air/eau assimilable à un plan sur la zone (un miroir), et une résolution spatiale très fine. Les conditions de prise de vue ont pu être maitrisées en effectuant les acquisitions depuis une plateforme fixe. La mise en oeuvre opérationnelle de la méthode en conditions réelles à montré la nécessité de développer un protocole de mesure spécifique au milieu « rivière » et aux technologies utilisées (plateformes ultra-légères et capteurs petit format). Nous avons de plus intégré des traitements supplémentaires dans le processus d’estimation des altitudes immergées. Nous avons notamment eu recours à une méthode d’estimation fine de la position de l’interface en tout point par l’intégration de contraintes hydrauliques. Un filtrage spatial a ensuite été mis en place afin de diminuer la dispersion de la mesure. L’ensemble des étapes constituant la méthode a permis d’obtenir en bout de chaîne une estimation des altitudes immergées avec un biais faible (moins de 5 centimètres) et une dispersion acceptable (une dizaine de centimètres). La maitrise de la géométrie de prise de vue est un paramètre très important pour la faisabilité même de la mesure. En effet, il est nécessaire avec des capteurs petit tel-00818380, version 1 – 25 Jul 2013 Potentiel de la méthode Chapitre 11. Discussion 204 format de voler le plus bas possible afin d’accéder à la meilleure précision possible (section 6.2.1). Cela correspond en contrepartie à une réduction de l’espace des images occupé par les berges – et donc les points de contrôle au sol. Du fait de l’utilisation de plates formes légères, des décalages angulaires ou de position par rapport au plan de vol prévu peuvent survenir lors de l’acquisition. Ceux-ci peuvent avoir pour conséquence la perte de couverture des berges et donc de mires sur un côté de l’image. Dans le cas des acquisitions réalisées sur la Durance, malgré la marge qui avait été prise concernant la couverture des berges, ce phénomène a concerné 2 images sur 30. En résumé, l’utilisation de moyens légers a conduit à une diversification des sources d’erreur pour l’estimation des altitudes des points immergés. L’estimation finale avec une bonne précision de ces altitudes n’a été possible qu’au prix de la mise en place (i) d’un protocole de terrain spécifique et surtout de l’optimisation des variables de l’acquisition (ii) de méthodes de traitement spécifiques adaptées au milieu (notamment mise en cohérence hydraulique et correction de la réfraction).
Sources d’erreur
Les sources d’erreurs évoquées plus haut sont nombreuses [Feurer et al., 2007b]. Leur influence relative est difficile à déterminer au niveau du résultat final. On rappelle ici la succession des processus effectués aboutissant finalement à l’estimation de l’altitude des points immergés : estimation de la géométrie interne, estimation de la géométrie externe, appariement de points, estimation de l’altitude de l’interface, estimation de l’effet de la réfraction. A chacun de ces processus correspond une modélisation, qui introduit un biais et une imprécision. La méthode proposée a permis de limiter les biais et les imprécisions à chacune des étapes. Du fait de la corrélation spatiale des variables mises en jeu, la dispersion de la mesure a pu être réduite en effectuant un filtrage spatial. On observe sur la carte des profondeurs obtenue (figure 11.1) quelques zones pour lesquelles il semble y avoir des erreurs systématiques. Ces zones sont constitués d’ensembles de points pour lesquels les erreurs d’estimation semblent présenter une cohérence spatiale. Les trois facteurs d’explication de ces erreurs systématiques les plus probables sont : la présence de végétation immergée, la mauvaise estimation locale de l’altitude de l’interface ou encore la restitution de points situés à la surface ou dans la colonne d’eau. Pour les deux zones situées le plus à l’amont (zones 1 et 2), la sous-estimation des tel-00818380, version 1 – 25 Jul 2013 Chapitre 11. Discussion Fig. 11.1 – Erreurs d’estimation des altitudes, superposées à la carte des profondeurs estimées. Les ovales en pointillés correspondent à des zones pour lesquelles il semble y avoir une erreur systématique tel-00818380, version 1 – 25 Jul 2013 Chapitre 11. Discussion 206 profondeurs est expliquable par la présence de massifs algaux. Le cas de la zone 2 est particulier : il s’agit d’une zone de très faible profondeur, assez plate, comportant de nombreuses pierres isolées détectables dans les images par leur ombre portée. La sousestimation des profondeurs peut provenir de la restitution de points situés sur le dessus des pierres. De plus, dans la zone 2, l’altitude de l’interface peut être mal estimée. D’une part, la bordure de lit mouillé en rive droite est difficile à déterminer dans les images du fait de la présence de végétation. D’autre part, en rive gauche de ce bras (rive droite de l’île), les altitudes de la bordure de lit mouillé sont mal estimées. Sur le terrain même, cette ligne est délicate à définir (relief très plat, substrat comportant des pierres isolées émergées). À cela vient s’ajouter le fait que cette portion de rive est courte. L’estimation des altitudes par la mise en cohérence hydraulique est basé sur un faible nombre de points de bordure de lit mouillé. On se trouve en limite d’application d’un tel algorithme, implémenté en 1D. Pour la zone la plus aval (zone 3 sur la figure 11.1), il est plus difficile de proposer une hypothèse, du fait notamment du faible nombre de points concernés. Il peut s’agir d’une mauvaise estimation de la position de l’interface. Cette zone est en effet située à l’extrémité du site d’intérêt. Cette mauvaise estimation peut correspondre à l’effet de bord de l’algorithme de mise en cohérence hydraulique : l’estimation est moins bonne aux extrémités du fait de l’absence de contraintes d’un côté (ici à l’aval).
Points forts de la méthode
L’application de la méthode a démontré la faisabilité de la mesure sur une zone d’intérêt de plusieurs centaines de mètres avec un biais de 4.3 centimètres et une précision de 10.5 centimètres (écart-type de l’erreur). L’acquisition a été réalisée par des moyens légers permettant la réactivité à la survenue d’évènements ponctuels. La méthode donne a priori les meilleurs résultats sur des sites d’études présentant des faibles profondeurs, et des fonds hétérogènes est présente donc une très forte complémentarité avec les autres méthodes de télédétection. D’une part avec les méthodes radiométriques, pour lesquelles les fonds doivent être homogènes, et dont les modèles simples d’atténuation présentent des limites pour les faibles profondeurs [Lyzenga, 1978]. De plus, la méthode que nous avons développée permet d’accèder à la topographie immergée (mesure absolue) alors que les modèles radiométriques permettent d’estimer la bathymétrie (mesure relative). D’autre part avec la complémentarité est forte avec le lidar bathymétrique, qui tel-00818380, version 1 – 25 Jul 2013 Chapitre 11. Discussion 207 présente des limites pour les faibles profondeurs [Lesaignoux et al., 2007] et semble obtenir de meilleurs résultats pour des surfaces rugueuses [Bailly et al., 2007].
Limites identifiées
Les principales limites de la méthode proviennent des conditions nécessaires à son application : possibilité de restituer le relief immergé et, pour la correction de l’effet de la réfraction, la ligne de rive. Pour cela, les rives doivent être dégagées, le fond doit être hétérogène, l’eau doit être claire et peu profonde, l’interface la plus plane possible. Les rivières peu profondes à fond de gravier sont des sites d’application possible de la méthode. D’autres méthodes doivent être mises en oeuvre dans le cas de rivières ne présentant pas ces caractéristiques [Lane, 2000]. Les autres limites concernent l’acquisition même des données et les technologies utilisées. On a vu d’une part que l’utilisation de plateformes légères conduisait à l’acquisition de bandes d’images pour lesquelles l’application opérationnelle de la méthode pouvait être délicate (possibilité résiduelle de lacunes dans la zone stéréo notamment). Si l’expérience menée sur la Durance a prouvé qu’une telle application était possible, elle a en revanche mis en lumière les difficultés correspondant à l’établissement d’un jeu de données volumineux et sans « trou ». La méthode telle quelle – avec les moyens technologiques utilisés et les choix effectués – paraît donc limitée à l’acquisition de bandes d’images cohérentes (conditions d’acquisition homogènes) sur des zones de surface (quelques dizaines d’hectares). Il serait donc préférable de fractionner l’acquisition pour la couverture de plus grandes zones. D’autre part, l’utilisation de capteurs non-métriques petit format à bord de plates formes légères résulte en un compromis délicat (fortes contraintes) et très fragile (stabilité du vol) sur la précision de la restitution altimétrique. Celle-ci est en effet liée d’un côté (si l’on considère que les paramètres d’orientation sont connus très précisément) à la résolution au sol et au rapport base sur éloignement et de l’autre côté justement à la précision d’estimation des paramètres d’orientation (qui nécessite une bonne répartition des mires dans les images, et donc une couverture systématique des berges de part et d’autre de la rivière).