La santé mentale des étudiants en médecine
L’anxiété et la dépression sont particulièrement présentes chez les professionnels de santé travaillant à l’hôpital et encore plus chez les internes et jeunes médecins. Selon une étude transversale datant de 2005, on retrouve chez cette population une prévalence significativement plus élevée de symptômes dépressifs et d’anxiété que dans la population générale (1). Cette vulnérabilité pourrait notamment s’expliquer par différents facteurs comme la durée des études particulièrement longue par rapport aux autres études supérieures, la pression psychologique et la charge de travail importante (2Une récente revue systématique de la littérature et méta-analyse réalisée en 2016, incluant 167 études transversales et 16 études longitudinales de 43 pays, a montré que 27,2% des étudiants en médecine présentaient un épisode dépressif caractérisé ou des symptômes dépressifs et que 11,1% avaient déjà eu des idées suicidaires (3). En France, les études de médecine sont parmi les plus longues études supérieures. Elles sont divisées en trois cycles, le premier cycle dure trois ans et est uniquement théorique. La première année de médecine se termine par un concours très sélectif où le nombre d’internes reçu est délimité par un numerus clausus. Le second cycle dure trois ans, il est à la fois théorique et pratique, avec des stages dans les services hospitaliers. La sixième année se termine par un nouveau concours, appelé examen classant national, qui déterminera la spécialité et la ville d’exercice de l’interne en fonction de son classement.
En résumé, les étudiants en médecine doivent faire preuve de capacités d’adaptation importantes pendant une dizaine d’années. Dans le même temps, les longues périodes de gardes et d’examens peuvent entraîner des troubles du sommeil, des troubles de l’appétit, un manque d’activité physique, une majoration de la consommation de café ou d’autres psychostimulants, tout ceci peut avoir des conséquences sur la santé mentale. En 2016, une enquête menée par la commission jeune médecins du conseil national de l’ordre des médecins et s’intéressant à la santé des jeunes médecins, a interrogé plus de 7500 étudiants et jeunes médecins, allant de la 4ème année d’étude de médecine au post internat (chef de clinique, assistant). A la question « de manière générale, diriez-vous que votre santé est (…) », un peu plus d’un cinquième, 21.1% l’estiment moyenne et 3.2% mauvaise. Plus inquiétant encore, à la question « avez- vous déjà eu des idées suicidaires » 14% des participants ont répondu oui (6). Une autre enquête menée conjointement par différents syndicats d’internes et de jeunes médecins, l’ANEMF, l’ISNI, l’ISNAR-MG et l’ISNCCA et réalisée en 2017, a interrogé étudiants et jeunes médecins à l’aide d’un questionnaire diffusé en ligne et s’adressant aux étudiants en médecine du premier cycle jusqu’au post internat, c’est- à-dire les chefs de clinique et assistants. Ce questionnaire a été construit en s’inspirant des facteurs de risque ou de protection connus ou fortement suspectés dans la littérature concernant la santé mentale. L’anxiété et la dépression ont été recherchées et évaluées à l’aide de l’auto-questionnaire HAD validé par la HAS (7). Au total il y a eu 21 768 répondants dont 4255 étudiants en 1er cycle, 8725 étudiants en 2e cycle, 7631 étudiants en 3e cycle et 1157 chefs de clinique ou assistants. Les principaux chiffres de l’étude retrouvent que 66.2% des répondants souffrent d’anxiété, 27.7% de dépression et 23.7% ont déjà eu des idées suicidaires (8).
Naissance d’un projet de thèse
La physiopathologie des troubles anxieux n’est pas entièrement connue mais une origine multifactorielle est favorisée avec l’implication de facteurs de vulnérabilité génétique (tempérament anxieux, sensibilité au stress), de facteurs environnementaux (pression professionnelle, stress divers) et des facteurs biochimiques avec une hypothèse de réaction excessive du système nerveux autonome qui serait à l’origine de l’anxiété. Il en résulterait une production accrue de catécholamines et de noradrénaline. La baisse simultanée des niveaux d’acide gamma aminobutyrique (GABA) mènerait à l’hyperactivité du système nerveux central. Une hausse de l’activité dopaminergique et une diminution des niveaux de sérotonine seraient aussi liées à l’augmentation de l’anxiété (17). L’interrogatoire complet recherche les antécédents, le type de troubles, la date de début, la notion de traumatisme éventuel dans les mois qui précèdent, les signes d’accompagnement et les troubles associés (signes neurovégétatifs, syndrome du côlon irritable, céphalées, etc.), l’intensité et la fréquence des symptômes, la présence de comorbidités en particulier de symptômes de dépression, de plusieurs troubles anxieux associés, de trouble bipolaire ou de comorbidités somatiques, les traitements antérieurs (médicaments et psychothérapies), leur efficacité et leur tolérance.