Une permanence fonctionnelle révélatrice d’un droit coutumier propre à l’action diplomatique

Une permanence fonctionnelle révélatrice d’un droit coutumier propre à l’action diplomatique

Qu’on y voit un paradoxe idéologique ou une dérogation politique, il apparaît difficile au Droit de prendre part au débat, a fortiori, lorsque la norme constitutionnelle est encore en construction. C’est oublier, toutefois, que la France du XVIIIème siècle a derrière  elle une longue pratique du pouvoir à l’intérieur comme à l’extérieur de ses frontières. A ce titre, elle est politiquement – et donc juridiquement724– en relation avec des États. Comme le  ministre des Affaires étrangères – avec le contrôle politique des chambres au sens que lui donnera la pratique constitutionnelle sous la Restauration. Si il est vrai, en pratique, que le champ d’investigation des députés révolutionnaires s’étend de la sphère administrative et budgétaire des Affaires étrangères à celui de la direction de la politique étrangère, on ne saurait assimiler le Roi au ministre du régime parlementaire. La preuve est établie par les décrets d’août 1790 et la Constitution de 1791 qui encadrent les prérogatives internationales du Roi. Ces textes lui réservent, notamment, des compétences qui échappent à l’emprise de l’Assemblée (Voir infra). Mais, comme nous aurons l’occasion de l’apprécier, cette mise en garde n’empêche pas de lancer une réflexion sur les prémices de la politisation du rôle de ministre des Affaires étrangères, dès lors que l’on prend la double précaution suivante : la première est de ne pas pousser l’analogie au point extrême de confondre les actes de gestion du ministre avec des actes politique ; la seconde est de ne pas assimiler le statut du ministre révolutionnaire à celui de ministre parlementaire, au sens moderne – c’est-à-dire au sens que lui donnera la Restauration (Voir infra, Partie II-Titre I-Chap. II).

Concrètement, la chute de l’Ancien Régime met en jeu la pérennisation des affaires de la France révolutionnaire avec l’étranger et, avec elle, l’invocabilité des pratiques diplomatiques qui ont conduit à leur établissement. De fait, notre précédente interrogation rejoint celle qui se pose aux « Patriotes » en 1789 : la condamnation du régime absolutiste implique-t-elle de faire table rase d’un passé riche d’alliances politiques, économiques et de promesses de paix ? Ont-ils seulement le droit de renoncer à cet héritage diplomatique? Existent-ils des normes encadrant les relations extérieures de la France qui seraient de nature  cit., p. 36). Pour une appréciation concrète et argumentée de ce rapport analogique on renverra aux développements du Chapitre I du Titre précédent (Voir supra, l’analogie consacrée par la tradition constitutionnelle entre les volets juridique et diplomatique de la politique étrangère sous l’Ancien Régime). Précisons qu’au plan doctrinal, ce mélange des genres confère, au XVIIIème siècle, un sens ambigu au terme de « publiciste ». Il désigne, à l’époque, un essayiste politique. Cependant, comme il sera apprécié ultérieurement – notamment en évoquant les analyses du publiciste français LINGUET – elles se nourrissent en grande partie de l’exégèse des Lois et des jurisprudences. Sur ce point, elles établissent historiquement la pertinence d’une conception globale du Droit constitutionnel qu’un cercle restreint d’auteurs contemporain promeut sous l’appellation de « droit politique » (Voir supra, Introduction générale). Moins qu’une pratique innovante, on serait tenté d’y voir un retour aux sources du Droit constitutionnel français.

Il faut, notamment, se garder de se représenter le système constitutionnel diplomatique de la fin de l’Ancien Régime comme un ensemble de règles abouties au plan positif, où chaque acteur conforme sa conduite à des principes reconnus de tous, où le respect du droit établi gouverne les négociations et la conclusion des traités, où la bonne foi indexe leur exécution, où un sentiment de solidarité coordonne l’action des dirigeants et des exécutants, sous couvert de garantir l’ordre public. Il faut, ainsi, le resituer dans un contexte de refonte institutionnel et fonctionnel qui n’est pas sans précariser les acquis de la diplomatie séculaire des Rois. Parce que la République qui émerge, en 1789, n’est encore qu’une  abstraction idéologique729, l’esprit monarchique va momentanément perdurer en matière internationale, le temps de permettre au nouveau régime de régénérer les fondements constitutionnels de sa politique étrangère. Toutefois, le mouvement révolutionnaire étant animé par une dynamique réactionnaire, ce n’est pas n’importe quel « esprit monarchique » que l’on entend reconduire. Au plus fort de la pratique absolutiste, MONTESQUIEU affirme, raison, à la religion, mais auquel la coutume a donné force de loi. Rien n’est donc plus inutile que les argumentations des discoureurs sur cette matière ; le droit des gens n’est autre chose qu’un système de faits et de coutumes », (in Mémoires et correspondance de MALLET DU PAN, Pour servir à l’histoire de la Révolution française, Recueillis et mis en ordre par André SAYOUS, Tome I, AMYOT LIBRAIRIE, J. CHERBULIEZ, Paris, 1851, p. 115). Précisons que cet auteur est un proche du publiciste français Simon LINGUET dont la virulence de l’œuvre sera évoquée ultérieurement [Voir infra (Partie I-Titre II-Sect. I-Chap. I)]. Ses attaques contre la monarchie administrative française ont suscité, notamment, les foudres du ministre VERGENNES et l’ont conduit à s’exiler volontairement en Grande-Bretagne en 1777 d’où il publiera ses célèbres Annales politiques, civiles et littéraires.

 

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