Analyse des espèces aromatiques et des suies mesurées dans les flammes de méthane
Synthèse des résultats expérimentaux
Dans le cadre de cette étude, nous avons mesuré les profils de fraction molaire de benzène, de naphtalène et de pyrène pour quatre conditions de pression (P = 140, 160, 180 et 200 Torr) à φ = 2,32 et pour quatre richesses de mélange (φ = 1,82, 2,05, 2,15 et 2,32) à P = 200 Torr. Outre les profils mesurés par LIF en jet froid, nous avons également réalisé la mesure de profils de fraction volumique de suie par LII in situ pour ces mêmes conditions de flamme. Les Figure VII.1 et Figure VII.2 présentent l’ensemble des profils pour l’analyse en pression et en richesse obtenus au cours de ce travail. Nous y avons également incorporé les profils de température obtenus grâce à la technique de fluorescence à deux couleurs (Two Line Absorption Fluorescence (TLAF)) dans le cadre d’une collaboration avec Ian Burns [Burns2011] dont le principe repose sur l’excitation laser de deux transitons de l’atome d’indium injecté sous forme de chlorure d’indium dans la flamme. Les profils de fraction molaire des trois espèces aromatiques sondées, quelles que soient les conditions de pression et de richesse, ont une forme globale complexe comportant deux zones de formation et une zone de consommation. La forme complexe de ces profils a déjà été observée (mais de manière moins prononcée au niveau du pic dans la zone réactionnelle) dans d’autres travaux de la littérature notamment [Bockhorn1983], [Homann1985], [Harris1988], [Ciajolo1994], [Ciajolo1996], [Melton2000] ou [Wu2006b] (cf. chapitre II). Globalement, les profils obtenus se divisent en trois régions principales, présentées sur la Figure VII.3 : – Une première zone (région I) de formation rapide dans laquelle la concentration augmente très rapidement jusqu’à atteindre une valeur maximale formant un pic de concentration. Nous pouvons noter que la position du maximum à tendance à se déplacer vers les gaz brûlées lorsque la taille de l’espèce aromatique augmente, conformément au mécanisme HACA évoqué dans le premier chapitre régissant la formation des HAP dans la flamme. – Une deuxième zone (région II) correspondant à la consommation de ces espèces jusqu’à un seuil minimum formant un équilibre en fin de zone réactive. Les deux premières zones évoquent donc plutôt un profil d’espèce intermédiaire où le benzène, le naphtalène et le pyrène semblent consommés au profit d’autres espèces. Notons que cette zone de consommation d’espèces aromatiques coïncide avec la zone de formation des premières particules de suie (cf. Figure VII.3). – Une troisième zone (région III) caractérisée par une réaugmentation de la concentration de ces trois espèces dans la zone des gaz brûlés. Cette troisième région caractérise bien un profil de formation de produit de réaction. Etant données les très faibles concentrations en espèces oxydantes telles que O2 et OH (cf. Figure VII.10) dans cette zone, celle-ci peut être considérée comme une zone de pyrolyse des hydrocarbures imbrûlés dont l’acétylène, supposé présent en grande quantité dans cette région de la flamme. Notons également que l’ordre de grandeur de la fraction molaire mesurée varie sensiblement selon l’espèce étudiée. En effet, l’observation de l’évolution de la fraction molaire de ces espèces au niveau du pic dans la première zone met en évidence que la fraction molaire du pyrène est trois ordres de grandeur plus faible que celle du benzène et un ordre de grandeur plus faible que celle du naphtalène.
Influence de la pression et de la richesse sur la formation des espèces aromatiques et des particules de suie
Etudes sur l’effet de la pression
La formation des espèces aromatiques et des particules de suie est très dépendante des conditions de flamme à savoir, la nature du combustible, la richesse du mélange, et la pression. A notre connaissance, aucune étude sur les espèces aromatiques ne traite de l’influence de la pression. Cependant, l’influence de ce paramètre sur la formation des particules de suie a déjà été considérée dans d’autres travaux de la littérature. Ainsi, [Bockhorn1984] dans une étude de flammes de prémélange de propane et d’acétylène stabilisée à basse pression a mis en évidence que la fraction volumique de suie augmente avec la pression selon une loi empirique de type puissance de la forme : mi f v = Ki P ∞ équation VII-3 avec ∞ v f : la fraction volumique de suie maximale Ki : un facteur de corrélation mi : le facteur de sensibilité des suies à la pression A partir de ses résultats, il indique, que pour une gamme de pression comprise entre 112,5 et 400 Torr (150 à 400 mbar), la fraction volumique de suie augmente avec un facteur de sensibilité mi = 2. Böhm et al. [Bohm1988] ont étudié la formation des suies à haute pression (1 à 5 bar) dans des flammes de prémélange d’éthylène et de benzène. Les auteurs ont montré que dans cette gamme de pression l’augmentation de fraction volumique de suie augmente selon cette loi de puissance avec mi = 2 pour ces deux types de flamme. La même dépendance en pression de ∞ v f est également observée dans les travaux de [Bonig1990] sur une flamme plate de prémélange d’éthylène pour des pression inférieures à 10 bars ainsi que dans les travaux de [Liu2006] dans une flamme de diffusion méthane/air entre 5 et 40 atm.Notons enfin que [McCrain2005], étudiant la formation des suies dans les flammes de méthane et d’éthylène entre 1 et 25 bar, montre une dépendance en mi = 1,2 pour la flamme de méthane entre 1 et 25 bars contre mi = 1,7 dans un flamme d’éthylène entre 1 et 16 bars mettant ainsi en évidence l’effet de la structure du combustible sur cette loi de puissance
Etudes sur l’effet de la richesse
Outre l’effet de pression, l’influence de la richesse a également fait l’objet de recherches afin de mettre en évidence l’influence de ce paramètre sur la formation des suies. Ainsi, [Haynes1982], [Bockhorn1984], [Bohm1988] et [Bonig1990] montrent que la dépendance en richesse à pression constante suit également une loi empirique de type puissance de la forme : [ ] ni v C O C Ocrit f = − ∞ équation VII-4 avec C/Ocrit : le ratio carbone/oxygène minimal d’apparition des particules de suie ni : le facteur de sensibilité à la richesse Plus récemment, une étude de [Hadef2010] sur une flamme d’éthylène à pression atmosphérique introduit une loi de puissance faisant intervenir le rapport d’équivalence : [ ] ni v crit f = φ−φ ∞ équation VII-5 Le Tableau VII.1 présente une synthèse des valeurs des facteurs de sensibilité de la fraction volumique de suie maximale en fonction des conditions de flamme issue de la littérature.