Agence d’urbanisme : Origine et fondements
L’histoire des agences d’urbanisme devrait conforter l’hypothèse de départ et mettre en relief l’inscription de ces structures à l’échelle locale. L’origine de ces organismes sera présentée, afin de posséder une vision globale du sujet étudié. Par la suite, nous aborderons davantage dans le détail l’évolution de ces structures. Pour mieux comprendre cette partie, nous avons tenté de comprendre les relations et les interrelations, qui se sont tissées entre l’Etat, les collectivités territoriales et les agences d’urbanisme. En tout premier lieu, nous traiterons de l’histoire générale des agences d’urbanisme. Dans un second temps, nous présenterons une définition de ce qu’est une agence d’urbanisme et ses finalités, afin de faciliter la compréhension de notre recherche. Puis, nous définirons l’origine statutaire des agences d’urbanisme, à partir du statut propre des agences à celui de ses membres. Et enfin, l’intérêt de l’outil sera mis en exergue « Vouloir penser la ville aujourd’hui, ce n’est pas seulement l’analyser en termes d’architecture, d’urbanisme, de performance économique, de fonctionnement social, etc., raconter des histoires de villes impliquent des approches extrêmement différentes selon les lieux que l’on élit en quelque sorte comme » cadre de vie ». Quant à la façon de vivre au quotidien, elle est liée en quelque sorte au point de vue privilégiée ou non, mouvant ou statique, unique ou variable, que l’on a sur la cité »167. L’histoire des agences d’urbanisme est imprégnée de l’histoire des villes. Ces structures conçues à l’origine sur le même modèle, les mêmes principes vont, dans leurs finalités de création, diverger. Dans les années soixante-dix, la législation française préconisait l’élaboration de documents de planification urbaine par les administrations déconcentrées, par les instances décentralisées ou encore par les organismes mixtes procédant à la fois de l’Etat et des collectivités locales. Elle définissait trois catégories d’organismes168 : – les « groupes d’études et de programmation » appelés plus communément « GEP », relevant de la direction départementale de l’équipement – les services d’urbanisme municipaux, placés sous l’autorité hiérarchique des élus locaux – et enfin, les agences d’urbanisme, orientées vers une double intention : une finalité technique avec l’élaboration des documents d’urbanisme, et une finalité politique tournée vers la concertation. Par définition, les agences d’urbanisme sont définies comme étant le lieu du développement des études urbaines qui ont pour but de préparer les décisions des autorités compétentes en matière d’urbanisme. D’un point de vue méthodologique, cette approche historique est le résultat de rencontres169 et de documents fournis par certaines agences d’urbanisme ; L’approche historique des agences d’urbanisme met en avant trois temps forts : les années soixante avec la création de ces structures au travers de la Loi d’Orientation Foncière – Les années 1980-1990 avec la mise en œuvre des lois de décentralisation modifiant la répartition des compétences- et la période contemporaine annonçant une phase de transition pour les agences d’urbanisme.
Les années 1960
Agence de planification L’origine des agences d’urbanisme se fonde sur la Loi d’Orientation Foncière du 30 décembre 1967, notamment au sein de son article du code de l’urbanisme L.121-3 (cf. annexe). Mais préalablement à la création « d’agences » proprement dites, il a été entrepris dans les années soixante la mise en place d’ateliers d’urbanisme. Ces ateliers peuvent être considérés comme des préalables aux futures agences d’urbanisme. Ces structures se sont substituées aux GEP, mais sur un territoire plus vaste. Les agences d’urbanisme sont nées de la volonté conjointe de l’Etat et des élus locaux de maîtriser l’organisation des agglomérations. Cette prédominance de l’Etat pouvait être palpable, au sein de certaines agences d’urbanisme. Par exemple, au cours des années soixante-dix, le directeur de l’agence de Châlons-en-Champagne était également le chef d’un GEP. Comme à Dunkerque, où le premier directeur de l’agence provenait d’un GEP. Lors de la création des agences d’urbanisme, la plupart des postes ont été pourvus par des fonctionnaires des GEP. La Direction Départementale de l’Equipement avait alors plein pouvoir sur ces organismes, pendant la période des années soixante-dix170. A cette époque, l’urbanisme n’était pas décentralisé. La Loi d’Orientation Foncière va traduire cette volonté de l’Etat, d’associer les collectivités locales aux politiques de développement des agglomérations. Cette démarche va s’inscrire dans un réel souci de faire dialoguer la villecentre avec les communes de banlieue, et l’un des principaux objectifs affichés est la préparation conjointe des documents d’urbanisme des agglomérations, au travers des Schémas Directeurs d’Aménagement et d’Urbanisme et des Plans d’Occupation des Sols. Pour cela, le législateur prévoit dans la LOF la création d’instances d’agglomération pour assurer cette responsabilité et la création d’agences d’urbanisme pour la réalisation des documents d’urbanisme. A cette époque, il était prévu que les agences d’urbanisme soient une catégorie d’établissement public spécifique, mais les décrets d’application n’ont jamais été formalisés.
Les années 1980-1990
Une Agence de développement économique La seconde période correspond au début des années quatre-vingt. Elle est marquée par la mise en place des lois de décentralisation, plaçant les agences d’urbanisme sous l’autorité directe des élus. Cette prise de pouvoir par les élus locaux manque parfois de transparence et n’est pas toujours clairement formalisée. Elle engendre une difficulté majeure pour les agences qui est la déclinaison de nouveaux enjeux territoriaux. La procédure de décentralisation va procurer une certaine autonomie aux agglomérations en matière d’urbanisme. De plus, pendant cette période, la ville était en pleine crise, nécessitant une véritable réflexion sur les politiques de la ville. Cette démarche va s’inscrire au travers de la procédure Développement Social des Quartiers (DSQ), notamment pour les quartiers en difficultés. Les agences vont s’impliquer dans cette démarche, mais désormais sous l’autorité directe des élus et non plus seulement de l’Etat. Cette participation des agences d’urbanisme, aux réflexions sur la ville et sous l’autorité des élus locaux, a probablement été un facteur favorisant l’enracinement local de ces structures. Après les années quatre-vingt, suite à la mise en œuvre des lois de décentralisation, l’Etat remet en cause sa présence au sein des agences. Certaines vont alors subir de profonds bouleversements, allant jusqu’à la remise en cause de leur propre existence. Cette situation résulte de deux facteurs. Un premier facteur tient aux doutes émis part l’Etat sur la nature du service rendu par ces structures, entraînant ainsi une diminution de sa participation au budget global des agences. Avant la décentralisation, les subventions se décomposaient de la façon suivante : participation de 50% de l’Etat et participation de 50% des collectivités territoriales. Aujourd’hui, la distribution de la subvention est quelque peu différente : la part de l’Etat est réduite à 15% alors que celle des collectivités territoriales est désormais de 75%. Pour pallier à ce trou budgétaire, les agences se sont naturellement tournées vers les collectivités. Celles-ci peuvent être caractérisées comme des collectivités nourricières, puisque avec la mise en place de la décentralisation elles sont devenues leurs premiers commanditaires. Le second facteur est lié aux activités des agences. Celles-ci se sont probablement trop spécialisées dans l’élaboration des plans d’occupation des sols. Cette spécialisation a freiné le soutien de l’Etat, puisque ces structures établissaient des documents pour le compte des collectivités locales. Le financement de cette activité a été estimé par l’Etat comme du ressort exclusivement des collectivités. Certaines agences d’urbanisme ont néanmoins développé des activités en parallèle et paraissaient mieux anticiper les nouvelles orientations. Ces deux facteurs sont sources d’évolution pour les agences. Comme nous l’avons observé précédemment, les lois de décentralisation ont transféré aux collectivités territoriales la compétence en matière de politique d’aménagement du territoire. Les interlocuteurs privilégiés sont désormais les communes, et non plus seulement l’Etat. Les années quatrevingt marque un changement d’interlocuteur pour les agences, elles vont être pilotées par les collectivités et l’Etat. Cette situation peut conduire à une spécialisation de ces structures, puisqu’elles sont aux cœurs des problématiques des collectivités territoriales. Ces éléments conduisent à considérer deux évolutions. La première se situe au début des années quatre-vingt-dix et porte sur la structuration de la fonction publique territoriale. Préalablement aux années 90, le métier de fonctionnaire ne relevait pas des métiers de pointe. Mais pendant cette période, nous assistons à un développement des services techniques municipaux, avec une élévation du niveau de compétences des fonctionnaires territoriaux (recrutement, etc.). De ce fait, le travail réalisé par les agences l’est dorénavant par les fonctionnaires territoriaux qui disposent d’un haut niveau de compétence. Face à cette mutation, le métier des agences d’urbanisme a évolué176. Les fonctions autrefois pratiquées comme, par exemple, le développement de l’intercommunalité ne rentrent plus spécifiquement dans leurs activités. Ces travaux avaient été développés par les agences d’urbanisme, parce qu’elles étaient les seules à savoir le faire. Elles n’ont plus, sur ce plan, qu’un rôle de consultation, de conseil, de coordonnateur. Les agences reviennent à leurs domaines premiers, qui sont l’observation, la prospective et l’aide à la maîtrise d’ouvrage.
La période contemporaine : Agence de management de réseau
De la situation antérieure, de nombreuses interrogations vont émerger comme le principe du droit à la concurrence : dans quelle mesure les agences d’urbanisme vont-elles collaborer avec les collectivités territoriales et quelle va être leur mode de rémunération? Mais des interrogations sur les statuts vont également être soulevées. Elles concernent les risques encourus par les élus dans ce type d’engagement. Les acteurs locaux émettaient la crainte d’être associés à un système de gestion sur lequel ils n’avaient aucun contrôle ni connaissance, les rendant plus ou moins vulnérables sur le plan légal. Afin de remédier à cette situation, les statuts ont été modifiés distribuant, du moins théoriquement, le pouvoir au sein du conseil d’administration. Ce changement ne laisse plus de place à des présidents de droit mais uniquement à des présidents élus. Cette évolution intègre également les règles relatives au statut d’association, avec l’inscription fiscale obtenue en mars 2000, faisant suite de la circulaire de septembre 1988. Aujourd’hui, nous sommes dans une nouvelle phase de transition pour les agences d’urbanisme. La démarche engagée, depuis quatre – cinq ans, est une refonte complète des agences. Cette nouvelle orientation est impulsée à la fois par les directives européennes sur la concurrence, par le code des marchés publics. Mais elle s’appuie également sur les questions de risques pénaux liés à la gestion de fait, sur la nouvelle manière d’envisager une association et sur les règles de fiscalités. Cette nouvelle volonté favorise davantage le partenariat. L’agence n’a vocation à traiter des dossiers particuliers. Mais elle peut le faire, dans un cadre purement concurrentiel comme un bureau d’étude privé. Elle est soumise à l’impôt, elle doit factoriser son activité afin d’éviter le passage induit d’argent public vers l’activité commerciale. De plus, cette démarche relève d’un contrat de droit privé au même titre que les bureaux d’études. Cette option peut être envisagée par les agences d’urbanisme pour résoudre des problèmes locaux. Mais la vraie vocation de l’agence se situe dans les dossiers partenariaux. Actuellement, la Fédération Nationale des Agences d’Urbanisme met l’accent sur ce thème. Il faut que la commande des travaux soit collective et approuvée par les conseils d’administration. L’objectif est de mettre en place un programme commun, financé par tous, afin de réaliser un programme global appartenant à tout le monde, où l’ensemble des partenaires y trouve un intérêt collectif. La tendance actuelle est à un rééquilibrage de la France par rapport au niveau européen, qui va se traduire par la disparition d’un certain nombre d’établissements au profit des communautés de communes, des communautés urbaines et des communautés d’agglomération. C’est ce qui prévaut aujourd’hui dans les agences d’urbanisme notamment au travers de la loi Chevènement. Cette volonté se traduit au sein du nouvel article du code de l’urbanisme, L.121-3, qui précise que les agences d’urbanisme doivent assurer l’harmonisation des politiques publiques, mais sur la durée et pas seulement sur un coût ou sur une action.