L’accompagnement live enregistré ou de comment sonoriser un match de boxe muet
L’épisode 25ème reprogramme de façon exem plaire le film érotique LOVE grâce à l’accompagnement au pianoforte de W illem Friede qui improvise sur « Love Musique Syrinx » pour flûte solo de Claude Debu ssy. Il crée une atm osphère musicale post-romantique autour de la période du film , mais réinterprétée. La flûte évoque au tant que le piano l’esprit du printemps qu’on voit à l’écran. La musique joue avec le ryth me d’attente des retrouvailles entre la fille et l’homm e de passage. Cette interprétation de Debussy rend plus intense le plaisir voyeuriste invoqué par cette mise en scène érotique. Cependant Delpeut sonorise en dépassant bien vite les pratiques d’accompagnement au piano- forte qui s’installent peu à peu dans le s cinémathèques des années 1990. La m usique enregistrée live f ait partie intégrante du travail de valorisation. Il fait aussi des compilations musicales en em pruntant des enregistrem ents qui proviennent d’ horizons culturels très différents, aussi bien d’ époque que contemporains, classiques comme popul aires, qui altèrent la perception contemporaine des films muets. Dans LEDOUX VERSUS CRIQUI (1922), le bruitage d’André Dragu est remarquablement imbriqué avec une compilation m usicale d’époque. Celle-ci évoque l’atmosphère sonore dans laquelle les boxeurs Ledoux et Criqui s’ entraînent puis déf endent le titre du championnat. Pendant l’entraînement en plein air de Criqui, on écoute les bruits des oiseaux et des chiens. Il suit une insertion sonore à partir d’un extra it d’un enregistrem ent du chanteur Maurice Chevalier qui accompagne en effet Ledoux à l’écran pendant qu’il saute à la corde. Plus tard dans le f ilm, le bruitage du grand match cons iste à illus trer des scènes très réa listes avec la clochette du ring, la voix d’ annonce, les applaudissements. L’intertitre annonce que la lutte a duré seulement 83 secondes. Le match est filmé avec plusieurs caméras depuis trois positions différentes. L’opérateur nous m et à la place de s spectateurs alors présents, film ant depuis deux rangs différents du public et sur le ring. Le montage exploite avec fluidité ces points de vue différents du match. Mais nous sommes également stimulés par la sonorisation. Le knock- out de Criqui définit la sorte de m atch. L’arbitre compte alors jusqu’ à dix et Criqui aide Ledoux à se lever, qui est ensuite soigné au coin du ring. Il y a encore une tension car Criqui revient voir le boxeur abbatu. Ensuite, le m ontage fait une série de cham ps/contre-champs entre les deux coins du ring, y compris du public qui l’entoure. L’intertitre indique alors :
culturelle néerlandaise. 936 Les commandes de musique originale rajoutées aux compilations sont de types très différents. La composition à vocation expérim entale de Den Broeder et Ra m dans HEART OF DARKNESS est bien imbriquée avec le bruitage et la voix-off. Pour le reste du travail du compilateur Delpeut, nous remarquons certains m usiciens, compositeurs et souvent interprètes par leurs capacités aussi valorisantes envers les archives du muet. Loek Dikker se dém arque par sa composition orchestrale aussi dramatique qui sonorise le destin du navire Hollandia dans de THE FORBBIDEN THE FORBIDDEN QUEST. Il ne crée qu’une musique de fond pour cette fiction. Cette composition laisse un an técédent de sonorisation artistique importante p armi les pro ductions du Musée. Cette musique n’entre pas en concurrence avec le rem ontage des im ages si éblouissantes. Bien au contraire, la musique est dramatique à contrepoint du récit d’aventures. A contrepoint veut dire que la m usique est jouée sim ultanément comme indé pendamment, comme une forme d’accompagnement fourni aux images. En effet Dikker possède l’art de com poser de la musique en superposant des dessins mélodiques. Par sa composition Dikker évoque les ambiances du climat et du paysage comme Del peut par son récit suggère la psychologie des personnage s. La m usique donne une gravité au fil m à peine apparaît le gén érique du début accom pagné d’une gravure qui s’élo igne au fond du cadre. Elle nous l’im pression d’être comm e la couverture d’un livre d’aventures. 937 La musique observe un style qui dev ient aussi familiale comme fonctionnel au ton av enturier et mystique du récit de Job. Par exemple, la m usique souvent d’accom pagnement, tout à coup elle d evient exaltée pour accompagner la s équence de SHACKLETON’S BURIAL (1922). Delpeut la replace pour illu strer l’enterrement chrétien du personnage, le capitaine Van Dyke. La m usique donne égalem ent une impression émouvante de cette im age sous une tem pête de neige ; accompagnée d’un bruitage de cloches et d’ oiseaux. Car m algré les conditions atm osphériques, l’équipage observe le deuil du chef . Plus tard, une fois l’hiver pass é, la lum ière revenue ne fait que mettre à découvert la perte du navire l’ Hollandia noyée dan s la glace. Tel que Delpeut fait allusion à citations de la littérature d es expéditions (romans et journaux), Dikker évoque une profonde mélancolie en utilisant des airs à base de violons ( Job est irlandais) pendant la perte de l’Hollandia. Le deuil est enregistré avec soin par l’opérateur Hurley, dont les im ages sont abîmées mais toujours si bouleversantes dans SOUTH. Nous assistons à la survivance de l’équipage et puis à l’abandon du navire. La m usique se fait l’ écho de la tristesse pa r l’enterrement de l’Hollandia. Il y a une analog ie inévitable entre la perte du navire et la perte des images.