Étude thermodynamique et simulation du bilan
énergétique des procédés de reformage du méthane
Actuellement, environ 96% de l’hydrogène est produit à partir d’hydrocarbures tels que le gaz naturel et le charbon, et le reste vient de l’électrolyse et photoélectrolyse de l’eau [2]. Dans le contexte actuel de la transition énergétique, il est important d’explorer des voies de production d’hydrogène à partir de ressources renouvelables telles que le biogaz provenant de la digestion anaérobie ou de l’enfouissement de la biomasse ou biodéchets [2]. Pour rappel, les trois étapes principales de la production d’hydrogène à partir du biogaz sont les suivantes (Figure 1) : • La purification et le reformage du biogaz en syngas ; • La réaction de water-gas-shift (WGS); • La séparation de l’hydrogène par exemple par le procédé d’adsorption à pression modulée (pressure swing adsorption – PSA). Cette opération permet d’obtenir de l’hydrogène purifié. Le gaz de purge issu de cette opération contient encore du méthane, de l’hydrogène et du monoxyde de carbone qui peuvent être recyclés. Comme montré dans le chapitre 1, le biogaz est en général composé de 50-65% (en volume) de CH4, 30 à 40% de CO2, et 0 à 5% de O2 [2]. L’étape de reformage peut être réalisée par différents procédés de reformage : • Reformage à sec du biogaz (RSB) : réaction de CH4 avec CO2, sans ajout de vapeur d’eau ; • Reformage à sec du biogaz avec un recyclage du gaz de purge. Pour un recyclage de 30% en volume du gaz de purge, le procédé est appelé RSB0,3C ; • Bi-Reformage du biogaz (BRB) : la vapeur d’eau est ajoutée au biogaz, souvent à des rapports S/C élevés (S/C = rapport molaire de « vapeur d’eau sur méthane »). De ce fait, le méthane est reformé à la fois par le dioxyde de carbone et la vapeur d’eau. Ce procédé est appliqué dans le concept de base du projet VABHYOGAZ3 ; • Tri-reformage (Tri-RB ) : réaction de CH4 avec CO2, H2O et O2. Le biogaz peut contenir de l’oxygène jusqu’à 5% en volume. L’ajout de la vapeur d’eau à ce biogaz correspond à un Tri-RB où le méthane est reformé à la fois par ces trois oxydants ; • Tri-reformage avec recyclage du gaz de purge. Pour un recyclage de 30% en volume du gaz de purge, le procédé correspondant est appelé Tri-RB0,3C. Quel que soit le procédé de reformage, un catalyseur solide est nécessaire. De plus, ces procédés sont menés à haute température (>700 °C) pour favoriser la réaction du point de vue thermodynamique. Pour un biogaz donné, la productivité d’hydrogène dépend des paramètres opératoires tels que la température, la pression, la formation de coke, la conversion de CO par WGS, le rendement de PSA. Ce chapitre est focalisé sur l’aspect thermodynamique du reformage et la simulation de la production d’hydrogène en intégrant un des cinq procédés de reformage indiqués ci-dessus à l’aide du simulateur Aspen Plus. Les paramètres opératoires seront étudiés en vue de l’optimisation de la production d’hydrogène et du rendement énergétique du procédé global. En effet, les applications industrielles actuelles se basent sur le vaporeformage du biogaz, qui nécessite un catalyseur et un rapport molaire S/C élevé, sachant que le vaporeformage a lieu à haute température (autour de 900 °C) suivi par une étape de Water-Gas-Shift (WGS) à 200-350 °C, d’où une perte importante d’énergie entre ces deux étapes. L’objectif de cette étude est de comparer les bilans énergétiques et matières des différentes configurations de production d’hydrogène via les procédés de reformage du biogaz cités ci-dessus.
Méthode de la minimisation de l’énergie libre de Gibbs et hypothèses pour la simulation
Méthode de la minimisation de l’énergie libre de Gibbs
La méthode de minimisation de l’énergie libre de Gibbs a souvent été utilisée pour déterminer la composition d’un système chimique à l’état équilibre . L’énergie totale de Gibbs ou enthalpie libre d’un système de réactions à une température et pression définies est fonction de la composition d’équilibre des composants. Elle est décrite par eq.15 : 𝐺(𝑇,𝑃) 𝑡 = ∑𝑛𝑖𝜇𝑖 𝑁 𝑖=1 eq.15 Où 𝐺(𝑇,𝑃) 𝑡 est l’énergie totale de Gibbs du mélange, kJ, 𝑛𝑖 est le nombre de mole d’espèce i du mélange, 𝜇𝑖 est le potentiel chimique de l’espèce i dans le mélange, N est le nombre de composant dans le mélange. Le potentiel chimique de l’espèce i à n’importe quelle température et à n’importe quelle pression est obtenu par eq.16 [28] [123]. 𝜇𝑖 = 𝜇𝑖 0 + 𝑅𝑇ln ( 𝑓𝑖 ̂ 𝑓𝑖 ⁄ °) = 𝜇𝑖 𝑜 + 𝑅𝑇𝑙𝑛 ( 𝑦𝑖∅𝑖𝑃⁄ 𝑃𝑜) = 𝐺𝑖 𝑜 + 𝑅𝑇𝑙𝑛 ( 𝑦𝑖∅𝑖𝑃⁄ 𝑃𝑜) eq.16 Dans la phase gazeuse, à l’état standard, 𝑃 ° = 1 𝑎𝑡𝑚 et 𝐺𝑖.𝑒 °𝑔 = 0 (kJ/mol) pour chaque élément, de ce fait, on peut assumer 𝐺𝑖 °𝑔 = ∆𝐺𝑓𝑖 °𝑔 (kJ/mol) [124]. Où : R est la constante molaire des gaz parfait (J/K/mol), 𝑦𝑖 est la fraction molaire de l’espèce i, Ф𝑖 est le coefficient fugacité, 𝑓𝑖 ̂ est la fugacité de l’espèce i, 𝑓𝑖 𝑜 et 𝐺𝑖 𝑜 sont respectivement la fugacité et l’énergie libre de Gibbs de l’espèce i à l’état standard, 𝐺𝑖.𝑒 °𝑔 est l’enthalpie libre de Gibbs d’élément e d’espèce i dans la phase gazeuse à l’état standard, (kJ/mol), ∆𝐺𝑓𝑖 °𝑔 est l’enthalpie libre de Gibbs de la formation de l’espèce i dans la phase gazeuse à l’état standard, (kJ/mol), g est la phase gazeuse. Par la combinaison des équations eq.15 et eq.16 avec l’utilisation de la méthode de multiplicateur de Lagrange, l’énergie libre minimale du système global en phase gazeuse peut être exprimée par eq. 17 [28] ∑𝑛𝑖 𝑁 𝑖=1 (∆𝐺𝑓𝑖 °𝑔 + 𝑅𝑇 ln ( 𝑦𝑖∅𝑖𝑃⁄ 𝑃𝑜) + ∑𝑎𝑖𝑘𝜆𝑘 𝑘 ) = 0 eq. 17 Dans un système fermé, la minimisation de l’équation eq. 17 est soumise aux contraintes du bilan de matière. Donc, le nombre de moles de chaque type d’atome reste constant pendant la réaction : ∑𝑛𝑖𝑎𝑖𝑘 𝑁 𝑖=1 = 𝐴�Où : 𝜆𝑘 est le multiplicateur de Lagrange ; aik est le nombre d’atomes de l’élément k dans chaque espèce moléculaire i ; Ak est la masse totale d’élément k du mélange alimenté au système, k = (1, 2, … , E) avec E est le nombre d’élément présents dans le mélange. En considérant la présence de carbone solide (graphite pur) dans le système, lorsque les phases vapeur et solide sont à l’équilibre, l’énergie libre de Gibbs pour le carbone est calculée par eq. 19 : 𝐺̅ 𝐶 𝑔 = 𝐺̅ 𝐶 𝑠 = 𝐺𝐶 °𝑠 = ∆𝐺𝑓𝐶 °𝑠 ≅ 0 eq. 19 L’équation eq. 17 devient [125] : ∑𝑛𝑖 (∆𝐺𝑓𝑖 °𝑔 + 𝑅𝑇𝑙𝑛 ( 𝑦𝑖∅̂ 𝑖𝑃⁄ 𝑃°) + ∑𝑎𝑖𝑘𝜆𝑘 𝑘 ) 𝑁 𝑖=1 + 𝑛𝐶ΔG𝑓𝐶(𝑠) ° = 0 eq. 20 Où 𝐺̅ 𝐶 𝑔 : est l’énergie libre de Gibbs molaire partielle du carbone en phase gazeuse ; 𝐺̅ 𝐶 𝑠 l’énergie libre de Gibbs molaire partielle du carbone en phase solide ; 𝐺𝐶 °𝑠 est l’énergie libre de Gibbs du carbone solide à l’état standard ; ∆𝐺𝑓𝐶 °𝑠 est l’énergie libre de Gibbs de la formation du carbone solide à l’état standard, et 𝑛𝐶 est le nombre de moles de carbone, s est phase solide. Les calculs d’équilibre utilisant la méthode de minimisation de l’enthapie libre ont été réalisés avec Aspen Plus (Aspen TechTM). Le programme est capable de simuler un système contenant une seule phase ou plusieurs phases. Pour notre étude, les mélanges considérés contiennent les différents composés polaires et apolaires tels que H2, N2, CO2, CO, CH4, O2 et H2O. L’équation d’état PRMHV2 a donc été choisie. Elle est basée sur le modèle d’équation d’état de Peng-Robinson qui permet de calculer le coefficient de fugacité ∅̂ 𝑖 dans l’équation eq. 20 [122] [126]. De plus, la règle de mélange MHV2 (Huron-Vidal Mixing rules) permet de prédire les interactions binaires à toute pression .
Hypothèses considérées pour la simulation
Afin de simplifier les calculs, les hypothèses ci-dessous ont été considérées : – La composition initiale du biogaz est à 59,70% de méthane, 40,06% de dioxyde de carbone, 0,20% d’azote et 0,04% d’oxygène (en % volumique). Cela correspond à la composition typique du biogaz produit par notre partenaire industriel dans le projet VABHYOGAZ3. – Les produits principaux sont CO, H2, H2O, CO2, CH4 et carbone solide (graphite) – Les pertes de chaleur sont ignorées dans le reformage, la réaction de water-gas-shift, et la combustion. – Les effets de transfert de chaleur et de transfert de masse sont ignorés. – Les simulations des procédés sont effectuées en régime stationnaire. – La composition de l’air est considérée à 79 vol.% d’azote et 21 vol.% d’oxygène. – Le rendement des pompes est imposé à 75%. – L’efficacité isentropique du compresseur est imposée à 75%. En réalité, afin d’éviter la désactivation du catalyseur, il faut avoir une étape d’élimination des poisons catalytiques. Dans cette modélisation, le biogaz utilisé pour le reformage est considéré comme un mélange de gaz pur et l’étape de désulfurisation a été ignorée.
Composants et équipements utilisés dans la simulation
Composants dans la simulation
Le biogaz issu de l’enfouissement contient principalement des composés suivants : CH4, CO2, N2, O2. Les autres polluants présentés dans le biogaz purifié sont négligeables. Les produits principaux du reformage du biogaz sont CO et H2. Les produits secondaires sont H2O, CO2 et le carbone solide (Cs). Le Tableau 10 résume les composés et mélanges chimiques retenus pour la modélisation Aspen Plus.
Équipements utilisés dans la simulation
Réacteur
• Réacteur de Gibbs (RGIBBS)
Ce modèle a souvent été utilisé car il travaille sur la base de la méthode de minimisation d’enthalpie libre. Toutes les propriétés à l’état standard de chaque molécule sortant du réacteur sont utilisées, ce qui évite de devoir introduire les réactions et les constantes d’équilibre. RGIBBS est le modèle le plus flexible. Il permet de travailler avec plusieurs phases (y compris les phases solides depuis la version V7.3) et plusieurs espèces. Dans cette étude, ce réacteur a été utilisé pour simuler l’étape de reformage (Figure 4).
- Réacteur de RSTOIC : Le réacteur de RSTOIC (Figure 5) est utilisé lorsque la stœchiométrie de la réaction est connue. Dans notre étude, ce réacteur a été utilisé pour l’étape de WGS et de combustion. Le coefficient stœchiométrique est fixé de 100% et la conversions est spécifié dans les réacteurs, 75% pour les réacteurs de WGS et 100% pour le réacteur de combustion.
Changement de la pression
Les appareils qui permettent de changer la pression sont les pompes, les compresseurs (Figure 6), les valves ou les tuyaux. Dans cette étude, des pompes et des compresseurs ont été utilisés. Pour une pompe, on fixe soit la pression de sortie, soit la puissance. Quant au compresseur, il faut préciser le mode de calcul (isentropique ou polytropique). Le rendement, isentropique ou polytropique, peut aussi être spécifié.
Mélangeur (mixer)
Plus Un mélangeur (mixer) reçoit un nombre illimité de débits d’entrée et les combine en un débit de sortie unique (Figure 7). Le mélangeur est supposé adiabatique. La pression de sortie du mélange est, par défaut, la plus petite des pressions des débits d’entrée.
Séparateur (FLASH)
Plus Un FLASH (Figure 8) est une unité où l’équilibre entre les fluides est supposé en sortie. Dans Aspen Plus, il existe deux modèles : FLASH2 pour deux sorties à l’équilibre liquide-vapeur, et FLASH3 pour trois sorties à l’équilibres liquide-liquide-vapeur.