Théorie de l’écoulement potentiel
Dans cette section, la théorie de l’écoulement potentiel est présentée. Une partie de cette description est fortement inspirée de Katz and Plotkin (2001), une référence incontournable du domaine. 2.1.1 Équation principale On considère un domaine de fluide V entouré par les surfaces S = SB +SW +S∞ où SB désigne la surface d’un corps solide, SW la surface de sillage et S∞ la surface à l’infini représente la limite extérieure (voir la Figure 2.1). Les vecteurs normaux ~n sont définis de telle façon qu’ils pointent vers l’extérieur du domaine de fluide. Si on suppose que le fluide est incompressible, l’équation de la conservation de masse autrement appelée l’équation de la continuité peut s’écrire comme suit : div ~v = 0 (2.1) Si de plus on suppose que le fluide est non-visqueux et irrotationnel, les vitesses dérivent d’un gradient d’une fonction scalaire Φ appelée potentiel des vitesses. ~v = ∇~ Φ (2.2) La substitution de l’Equation 2.2 dans l’Equation 2.1 amène à une équation différentielle appelée l’équation de Laplace (baptisée d’après Pierre-Simon De Laplace 1749-1827) : ∇2 Φ = 0 (2.3) Cette équation est l’équation principale du problème. Les pressions sont calculées à partir de la relation de Bernoulli qui dérive des hypothèse précédentes à partir des équations de conservation de la quantité de mouvement.
Conditions aux limites
Condition de glissement
Sur la surface solide, puisque l’on néglige l’effet visqueux, la condition d’adhérence (vitesse relative nulle à la paroi) n’est plus utilisable. Elle doit donc être remplacée par la condition de glissement dans le repère fixé sur le corps solide : ~v · ~n = ∇~ Φ · ~n = 0 sur SB (2.4) 2.1.2.2 Condition à l’infini De plus, les vitesses de perturbation induites par le corps doivent s’atténuer en s’éloignant du corps : limr→∞ ∇~ Φ − U~∞ = 0 (2.5) où r désigne la distance entre le point considéré et le corps et U~∞ est la vitesse en amont. Cette condition est appelée la condition de régularité (atténuation) à l’infini.
Condition de Kutta
Spécifiquement pour les simulations potentielles des corps portants, une condition supplémentaire doit être respectée, la condition de Kutta. Elle spécifie que l’écoulement sort doucement du bord de fuite d’un corps portant et que la vitesse au bord de fuite est finie. Elle est généralement traduite par le fait qu’au bord de fuite la différence de pression entre les deux cotés : l’intrados et l’extrados est nulle. ∆PT E = 0 (2.6) En réalité, la portance est liée à l’effet visqueux. Pour les codes de calcul de type Navier-Stokes, il suffit pour simuler des corps portants que l’écoulement soit visqueux, qu’il soit laminaire ou turbulent. On ne peut pas simuler la portance avec un code de type Euler. La meilleure illustration du fait que la portance est liée à la viscosité est le cas du cylindre tournant. Quand un cylindre est placé dans un écoulement uniforme, l’écoulement autour du cylindre est symétrique (voir la Figure 2.2(a)). Lorsque le cylindre tourne, la rotation va modifier l’écoulement autour du cylindre par frottement et crée ainsi une circulation. L’écoulement résultant est asymétrique. D’un côté, le fluide est accéléré et la pression diminue. De l’autre côté le fluide est ralenti et la pression augmente. La différence de pression génère la portance, l’effort perpendiculaire à la vitesse en amont, voir la Figure 2.2(b). Cet effet est appelé l’effet Magnus (baptisé après Heinrich Gustav Magnus 1802-1870). Sans l’effet de la viscosité, l’écoulement serait identique à celui de la Figure 2.2(a) et la portance serait nulle. La théorie des profils portants est basée sur l’étude du cylindre tournant. La relation de Joukowski permet de relier la portance à la circulation. Pour simuler l’effet visqueux on rajoute un tourbillon centré qui force la rotation de l’écoulement en générant ainsi de la circulation et donc de la portance. Par transformation conforme de Joukovski, on met en évidence la nécessité de placer un point d’arrêt au bord de fuite. En écoulement non-visqueux autour d’un profil, on doit donc ajouter cette condition supplémentaire. Cette condition dite de Kutta permet de forcer un point d’arrêt au bord de fuite simulant ainsi l’action de la viscosité sur les lignes de courant. Si on considère un foil placé en incidence dans un écoulement de fluide parfait, sans la condition de Kutta, le point d’arrêt en aval ne coïncide pas avec le bord de fuite et la portance est nulle, voir la Figure 2.3(a). Avec la condition de Kutta, le point d’arrêt en aval coïncide avec le bord de fuite et la portance estimée est alors très voisine de la portance réelle, voir la Figure 2.3(b). Cette modélisation est pertinente tant qu’il n’y a pas présence de décollement de la couche limite. A fort nombre de Reynolds et pour des petits angles d’attaque, le décollement de la couche limite ne se produit pas ce qui est le cas des sections de pale d’hélice qui sont bien sûr conçues pour cela.
Méthode des singularités
La méthode est basée sur l’utilisation de solutions élémentaires de l’équation de Laplace. Ces solutions peuvent être utilisées comme des éléments pour simuler un écoulement similaire à un écoulement réel. Ces éléments sont appelés des singularités car le coeur de ces éléments est une fonction qui présente un point singulier (mathématiquement nondéfini, par exemple division par zéro). Afin de simuler un écoulement, il faut distribuer des singularités au bon endroit et avec la bonne intensité. Les singularités ponctuelles tridimensionnelles ainsi que bidimensionnelles sont présentées ici. Ces singularités ponctuelles peuvent ensuite être distribuées de façon linéique ou surfacique de manière à représenter les surfaces des obstacles solides ou les nappes tourbillonnaires.
Théorie des images
Dans le cas d’un écoulement qui présente une symétrie par rapport à un plan, le calcul du corps complet conduit à des distributions de singularités de même intensité de chaque côté du plan de symétrie. La méthode des images consiste à ne considérer que la distribution de singularités sur le demi-corps placé d’un côté de la paroi et à prendre en compte l’effet de la distribution symétrique fictive de singularités à l’aide de ses coefficients d’influence potentielle associés. Le calcul ainsi effectué sur le demi-corps divise par deux le nombre d’inconnues du système à résoudre, ce qui représente une réduction importante du temps de calcul. Cette méthode permet également de ne mailler que le demi-corps. Cette méthode garantit une condition de vitesse normale nulle dans le plan de symétrie. Elle permet donc également de modéliser une paroi réelle, laquelle se caractérise en écoulement potentiel par un champ de vitesse dont la composante normale à la paroi est nulle. Lors de l’étude en tunnel hydrodynamique ou en soufflerie aérodynamique de l’écoulement autour d’un corps confiné par les parois de la section d’essais, l’influence de ces parois doit être considérée. La méthode des images permet de prendre en compte l’influence des parois sur l’écoulement autour du corps. Ce dernier réduit la section de passage. L’écoulement perturbé par l’obstacle entraîne une modification des pressions et donc des efforts hydrodynamiques exercés sur le corps. Dans le cas 2D, l’effet des deux parois est pris en compte en développant une série de corps images, c’est-à-dire des corps symétriques deux à deux par rapport aux deux parois. Dans le cas 3D, l’extension de la méthode des images consiste à développer des séries de corps images dans les deux directions perpendiculaires à l’écoulement amont. En 2D comme en 3D, les coefficients d’influence diminuent rapidement avec la distance. Pour cette raison une série de 3 à 5 images suffit généralement pour prendre en compte les parois de la section d’essais avec une précision suffisante.