Première mesure d’asymétrie de
charge du boson W
Une bonne description de la structure du proton est indispensable à toutes les mesures de physique. Le LHC va en particulier explorer de nouvelles régions cinématiques pour lesquelles la connaissance de la structure du proton ne se fait actuellement que par extrapolation des mesures d’autres expériences. La mesure d’asymétrie de charge du boson W permet de contraindre cette structure, et en particulier la description des quarks légers u et d. Dans ce chapitre, après une description de la structure du proton et de l’intérêt de la mesure au paragraphe 7.1, on s’intéressera aux mesures effectuées par ATLAS avec les données enregistrées en 2010. Le paragraphe 7.2 détaillera la première mesure réalisée avec 315 nb−1 de données, et qui a montré la faisabilité d’une telle mesure. Dans le paragraphe 7.3, on verra la mesure de l’asymétrie avec toutes les données enregistrées en 2010, soit 36 pb−1 . Enfin, on comparera ces résultats à ceux obtenus avec les autres expériences du LHC, et comment ces résultats peuvent être utilisés.
Intérêt de la mesure
Structure du proton
On sait depuis les années soixante que les nucléons ne sont pas ponctuels, mais sont constitués de quarks. Dans la première théorie des quarks de Gell-Mann, le proton était ainsi constitué de 2 quarks up et un quark down. On sait de plus que d’après les lois de l’interaction forte, les quarks sont confinés à l’intérieur des nucléons, mais qu’ils peuvent y être considérés comme quasi-libres (liberté asymptotique), et la théorie des perturbations de la chromodynamique peut ainsi être appliquée. Cependant, comme on l’a vu au chapitre 1, les quarks sont entourés de paires de quarks-antiquarks qui se créent et s’annihilent sans cesse. On peut ainsi séparer les quarks dits de valence uv, et dv qui sont responsables des propriétés principales du proton comme la charge ou le spin, les quarks de la mer us, ds, mais aussi dans une moindre mesure ss, bs, et cs. Tous ces quarks échangent également des gluons, qui représentent à eux seuls presque la moitié de l’énergie du proton. De façon générale, les quarks et gluons sont appelés partons. Deux quantités sont importantes dans l’étude de la structure du proton : le moment transféré Q2 entre un parton donné et une sonde (un électron ou un neutrino dans les expériences de diffusion profondément inélastique, un autre quark dans le cas d’un processus de diffusion Drell-Yan, etc), et la fraction d’impulsion x portée par un parton par rapport à l’impulsion totale du proton. La probabilité de trouver un parton avec une fraction d’impulsion x est donnée par des fonctions de distribution de partons, appelées par la suite PDFs. Elles dépendent de x et de Q2 , et on peut en voir un exemple pour deux valeurs de Q2 sur la figure 7.1. On peut remarquer qu’à grand x, les quarks de valence dominent, même si leur importance décroît quand l’échelle d’énergie augmente. On peut voir aussi que les gluons dominent à petit x, et que les quarks de la mer ¯us et ¯ds ont des distributions similaires. Par la suite, les fonctions de distribution seront notées de façon générale qi(x,Q2 ) et ¯qi(x,Q2 ) pour les quarks et antiquarks respectivement, et g(x,Q2 ) pour les gluons. Les PDFs et leur détermination seront discutés plus en détails au paragraphe suivant.
Détermination des PDFs
Comme on l’a dit précédemment, les PDFs ne peuvent être calculés, et doivent donc être déduits de différentes mesures qui leurs sont sensibles, à différentes fractions d’impulsions x, le plus souvent en effectuant des ajustements globaux de quantités mesurées. Les expériences de diffusion profondément inélastiques y ont beaucoup contribué, que ce soit des expériences de diffusion électron-proton auprès d’accélérateurs (en particulier les expériences H1 et ZEUS auprès d’HERA [224]), ou des diffusion neutrino-proton sur cible fixe (comme NuTeV ou CCFR [225]), ou des diffusions muon-proton (comme NMC [226], BCDMS [227], ou E665 [228]). On peut voir sur la figure 7.2 les valeurs de Q2 et x accessibles par les différentes expériences. Ainsi, les expériences H1 et ZEUS sont sensibles à des PDFs sur 6 ordres de grandeur en x et Q2 , et en particulier à des petits x, alors que les expériences sur cible fixe sont sensibles à de plus grands x. Les mesures de sections efficaces inclusives de jets dans les collisions hadroniques permettent quant à elles d’avoir des informations à plus grand Q2 . Néanmoins, ces mesures ne donnent pas forcément la même information pour tous les partons [229]. Ainsi, la somme des distributions des quarks P qi(x,Q2 ) + g(x,Q2 ) est très bien connue sur plusieurs ordres de grandeur grâce aux expériences de diffusion profondément inélastiques. En revanche, les distributions individuelles des quarks qi(x,Q2 ) sont elles moins bien connues, et nécessitent d’étudier des processus qui dépendent de la saveur, comme l’asymétrie de charge du boson W, ou la distribution en rapidité du boson Z. D’après le théorème de factorisation décrit au paragraphe 6.1.2, les PDFs sont universels, c’est-à-dire qu’ils sont indépendants du processus étudié. A partir de ces différents résultats, on peut donc extraire des PDFs qui seront applicables pour tous les processus. On détaillera ici les trois classes de PDFs utilisées par ATLAS dans l’étude de l’asymétrie de charge : HERAPDF1.0 [231, 232], CTEQ6.6 [233, 234], et MSTW08 [223, 180]. La première collaboration utilise les résultats de diffusion profondément inélastique combinés entre H1 et ZEUS, tandis que les deux autres utilisent les résultats de différentes expériences comme celles décrites précédemment. Elles effectuent toutes des ajustements globaux en combinant différents résultats, à une échelle de référence Q2 0 donnée. Elles choisissent ensuite une paramétrisation des PDFs, souvent sous la forme xqi(x,Q2 ) = Aix Bi (1 − x) Ci , ou sous des formes plus compliquées, aboutissant à une vingtaine de degrés de liberté Ai , Bi , Ci , …, à déterminer à partir des ajustements. La collaboration HERAPDF1.0 effectue des ajustements pour les variables xuv(x,Q2 ), xdv(x,Q2 ), xg(x,Q2 ), xu¯s(x,Q2 ), xu¯v(x,Q2 ), des variables auxquelles sont plus sensibles les expériences auprès d’HER.