Objectifs de la simulation de réservoir
Présentation d’un réservoir d’hydrocarbures
L’industrie pétrolière s’intéresse aux réservoirs géologiques dans lesquels se sont accumulés des hydrocarbures. L’objectif est alors d’extraire ces hydrocarbures de la manière la plus efficace possible. Dans un premier temps, le sous-sol est foré jusqu’à atteindre la roche réservoir où sont situés les hydrocarbures. Dans certains cas, la pression initiale du sous-sol peut permettre aux hydrocarbures de remonter à la surface. On parle de récupération primaire. Cette méthode ne permet, en général, de récupérer que 5 à 15 % des hydrocarbures présents. La deuxième étape consiste alors à injecter de l’eau à l’intérieur du réservoir pour pouvoir en récupérer une plus grande partie : c’est la récupération secondaire. On arrive ainsi à atteindre des taux de récupération de l’ordre de 35 à 45 %. D’autres méthodes permettent d’améliorer encore ce taux de récupération. L’injection de CO2 et sa dissolution dans la phase hydrocarbure permet de réduire la viscosité de l’huile et ainsi faciliter sa récupération. Des composés chimiques tels que des polymères, des surfactants, des alcalins peuvent augmenter la récupération en réduisant les différences de viscosité et la tension superficielle entre les différentes phases. Ce type de technique constitue ce que l’on appelle la récupération améliorée et permet, en moyenne, d’augmenter de 5 à 15 % le taux de récupération.
Utilisation de la simulation numérique
Nous avons décrit succintement les méthodes d’exploitation d’un réservoir d’hydrocarbures. Cependant, le choix de l’exploitation ou non d’un gisement d’hydrocarbures est l’aboutissement d’un processus décisionnel assez important. En effet, la mise en place d’une exploitation pétrolière représente un investissement très lourd (quelques millions d’euros par forage). Les compagnies pétrolières chargées d’évaluer l’intérêt d’un gisement pétrolier doivent donc être capables de prévoir le plus précisément possible la quantité d’hydrocarbures qu’elles pourront récupérer. Ces entreprises ont recours à des logiciels de simulation de réservoir qui utilisent des données PVT et pétrophysiques mesurées par le biais de différentes techniques (carottes, enregistrements sismiques, . . .). Ces simulations ne servent pas seulement à prévoir les quantités d’hydrocarbures produites mais sont également utilisées pour optimiser le placement des puits. Les modèles d’écoulement sont souvent mis au point via un processus dit de calage d’historique où les données du modèle sont modifiées au cours d’un processus d’optimisation itératif nécessitant le lancement de plusieurs simulations d’écoulement et visant à reproduire les données mesurées au cours de l’exploitation.
Intérêt de l’utilisation de nouvelles méthodes numériques
Un simulateur de réservoir constitue donc un outil important pour l’industrie pétrolière. Toutefois, comme nous allons le voir dans ce qui suit, le temps d’exécution et la précision des résultats obtenus sont dépendants d’un changement d’échelle. En effet, un réservoir d’hydrocarbures est constitué de roches sédimentaires formées d’un réseau de pores où les fluides peuvent circuler (voir figure 1.2). La taille des pores est de l’ordre du micromètre. Un réservoir d’hydrocarbures peut, quant à lui, s’étendre sur plusieurs centaines de kilomètres carrés. Cette différence d’échelle est souvent en partie réduite en introduisant deux grandeurs moyennes caractérisant le milieu poreux à l’échelle du mètre : – la porosité φ représente le rapport du volume poreux sur le volume total de la roche, – la perméabilité k est la capacité de la roche à laisser un fluide s’écouler sous l’effet d’une différence de pression. Cette grandeur a été introduite par H. Darcy [Dar56]. L’introduction de ces grandeurs moyennées permet d’éviter la distinction entre le pore et la matrice solide. Les équations physiques permettant de simuler un écoulement fluide sont donc écrites à une échelle plus macroscopique. Le modèle constitué des cartes de porosités et perméabilités est appelé modèle géologique. Les longueurs caractéristiques de variations de ces propriétés peuvent encore être relativement petites par rapport aux dimensions du réservoir. Ainsi, une résolution numérique de l’écoulement sur le modèle géologique consisterait à définir, dans des cas industriels, une grille de l’ordre du million ou du milliard de mailles. Sur une grille de cette dimension, l’utilisation de méthodes numériques classiques serait trop coûteuse. Cette thèse a pour but de construire et de tester des méthodes multi-échelles pour simuler ces écoulements en diminuant le temps de calcul tout en maintenant une précision des solutions proches de celles obtenues avec des méthodes classiques. Les méthodes multi-échelles étudiées dans ce manuscrit ont d’autres applications que la simulation de réservoir, en particulier, – l’étude du risque lié au stockage de déchets nucléaires dans les sous-sols [AKP07], – l’étude de la pollution des sols.
Simulation numérique et méthodes multi-échelles
Nous avons vu, au paragraphe précédent, que la simulation d’écoulement sur le modèle géologique n’était pas réalisable avec des méthodes classiques. En pratique, les porosités et les perméabilités sont souvent mises à l’échelle sur une grille plus grossière. La grille obtenue à l’issue de cette étape dite d’upscaling comporte 100 à 1 000 fois moins de mailles. Cette nouvelle grille constitue ce qu’on appelle le modèle de réservoir. Dans la suite de ce manuscrit, on appellera modèle fin le modèle géologique et modèle grossier le modèle de réservoir. La simulation d’écoulement sur la grille grossière permet ensuite de calculer des données de production comme, par exemple, les débits, les pressions aux puits ou encore les water cuts 1 . Si l’on souhaite obtenir des cartes de saturations ou de pression à l’échelle fine, une fois la simulation effectuée sur la grille grossière, il est nécessaire de passer par une étape de downscaling. Ces deux changements d’échelle permettent, certes, de réduire la dimension du modèle de réservoir et donc les temps de calculs, mais aboutissent souvent à une perte de précision au niveau des résultats. Une partie de l’information disponible dans le modèle géologique est perdue suite à l’upscaling et il est souvent très difficile de reconstituer l’impact des hétérogénéités présentes à l’échelle fine sur l’écoulement lors du downscaling. Les travaux effectués dans cette thèse visent à traiter efficacement cette problématique. Les méthodes multi-échelles représentent une alternative prometteuse aux techniques traditionnelles d’upscaling et de downscaling. En effet, ces méthodes permettent de reproduire l’impact sur les solutions des variations des perméabilités et des porosités à l’échelle du modèle géologique tout en effectuant une résolution du système linéaire à une échelle plus grossière. Les champs de pressions et de vitesses obtenus sont plus précis qu’en utilisant une méthode d’upscaling et leur calcul est moins coûteux qu’une simulation réalisée sur le modèle géologique car les inconnues intervenant dans la résolution du système sont définies sur un maillage beaucoup plus grossier. L’objectif principal de cette thèse est d’étudier et quantifier dans quelle mesure les méthodes multiéchelles permettent d’effectuer des simulations d’écoulement directement à partir du modèle géologique tout en limitant les temps de calculs.