Anomalies du développement du pollen
Après avoir caractérisé le développement normal du pollen chez nos deux espèces modèles, nous nous sommes intéressés aux anomalies qui pouvaient intervenir lors de ce développement et produire des structures reproductrices non conformes. Dans un premier temps, nous avons recherché et identifié les anomalies et les structures qui en résultent. Puis dans un deuxième temps, nous nous sommes intéressés à un phénomène particulier, la dégénérescence des cellules reproductrices dont nous avons évalué le taux en fonction des stades ontogéniques. Enfin, nous nous sommes attachés à caractériser et à quantifier les produits post-méiotiques anormaux qui sont à l’origine de grains de pollen non conformes. Identification des structures anormales et des anomalies chez E. elaterium L’ensemble des observations réalisées sur les sections de boutons floraux d’E. elaterium nous ont permis de mettre en évidence que l’ontogenèse du pollen s’accompagnait d’un certain nombre d’anomalies développementales. Celles-ci se manifestaient par la formation de structures anormales dont les plus fréquentes étaient : (i) des cellules dégénérescentes, (ii) des produits post-méiotiques anormaux, (iii) des microspores et des grains de pollen de plus grande taille et multinucléés et (iv) des grains de pollen vides. Des cellules dégénérescentes ont été observées à tous les stades ontogéniques. Contrairement aux cellules normales qui ont un cytoplasme clair, diffus et parsemé de petites vacuoles, les cellules dégénérescentes présentaient un cytoplasme beaucoup plus dense, qui se rétractait ou encore se résorbait (Figure 17A, B et F).
au stade cellules sporogènes et au stade tétrade, respectivement. Le cytoplasme se rétracte et se densifie, puis se désagrège. C Polyade formée de cinq microspores (→). D Microspore vacuolisée extra-volumineuse montrant trois noyaux (*). E Grain de pollen extra-volumineux (→). F Dégénérescence au stade pollen . G Grain de pollen multinucléé. (*) Barre = 50 µm. Au stade tétrade, nous avons noté la présence de produits post-méiotiques anormaux. En effet, certains de ces produits n’étaient pas composés de quatre microspores regroupées dans une paroi de callose mais de cinq microspores constituant une polyade (Figure 17C). Des structures dont la taille était largement supérieure à la normale ont été observées au stade microspore libre et au stade jeune pollen. Au stade microspore vacuolisée (Figure 17D), les structures volumineuses montraient un cytoplasme plurinucléé. Au stade pollen jeune, nous avons observé deux types d’organisation en fonction du nombre de noyaux et du nombre de cellules : (i) des grains de pollen bicellulaires avec des noyaux plus volumineux en comparaison avec les noyaux des grains de pollen normaux (Figure 17E) et (ii) des grains de pollen pluricellularisés (Figure 17G). Dans ces deux cas, les structures présentaient un épaississement prononcé du système pariétal. A l’opposé de ces pollens volumineux, nous avons observé des grains de pollen vides, c’est-à- dire sans contenu cellulaire et constitués uniquement de leur sporoderme (Figure 17F). Identification des structures anormales et des anomalies chez C. melo L’examen des sections de boutons floraux de C. melo a révélé que son ontogenèse pollinique était également accompagnée d’anomalies. Comme chez E. elaterium, des cellules dégénérescentes ont été observées à différents stades (Figure 18A, B et D). De plus, au stade pollen, différents types d’anomalies ont été observées, des grains de pollen à accumulation très importante d’amidon et des grains de pollen formés de deux cellules de même taille (Figure 18C).
Ce travail a permis de mettre en évidence la présence d’anomalies lors de l’ontogenèse du pollen chez E. elaterium et C. melo, et d’identifier les structures non conformes qui en résultaient. Les anomalies étaient de deux types : (i) létales comme les cellules dégénérescentes et les grains de pollen vides et (ii) modificatrices avec les produits post- méiotiques différents des tétrades et les microspores et les grains de pollen plus volumineux que la normale. L’anomalie la plus fréquemment observée était la dégénérescence des cellules reproductrices mâles. Les cellules dégénérescentes étaient si nombreuses que nous avons choisi de les étudier de manière plus détaillée, en les caractérisant morphologiquement et en évaluant leur proportion. Cette étude approfondie fait l’objet du prochain point. Ces travaux ont également montré que, durant l’ontogenèse du pollen d’E. elaterium, des anomalies survenaient lors de la méiose des CMM conduisant à la formation de produits post- méiotiques non conformes, tels des polyades de cinq microspores. Cependant, la méthode utilisée ici, c’est-à-dire l’observation de sections de boutons floraux ne permettait pas de visualiser les produits post-méiotiques dans leur totalité mais seulement dans un plan donné. En effet, pour la majorité d’entre eux, la section ne permettait d’observer que trois microspores des quatre présentes normalement. De ce fait, l’identification ou l’évaluation de produits post-méiotiques anormaux n’était pas exhaustive. Nous avons donc choisi d’étudier plus soigneusement les produits post-méiotiques avec une méthode qui permet de garder et d’observer ces produits dans leur totalité. Ce travail sera décrit dans la partie III-3. La production de pollen chez E. elaterium s’est révélée être accompagnée d’erreurs comme le montre la présence de grains de pollen de grande taille et/ou extranucléés. Leur plus grand diamètre révèle que ces grains possèdent une plus grande quantité d’ADN. En effet, le volume de la cellule, et donc son diamètre, augmentent avec l’augmentation de la quantité d’ADN nucléaire (Bretagnolle and Thompson, 1995). Ces grains de pollen peuvent être diploïdes, tétraploïdes (jumbo pollen), aneuploïdes ou plurinucléés. La caractérisation du niveau de ploïdie basée sur la morphologie aurait nécessité la mesure du diamètre d’un grand nombre de grains, pour discriminer les haploïdes, diploïdes ou tétraploïdes (Tondini et al., 1993). Une mesure plus précise du niveau de ploïdie ainsi que de la fréquence d’apparition des différents types aurait pu être faite par cytométrie en flux (Bretagnolle and Thompson, 1995). Cependant, ces deux méthodes demandant une importante calibration, n’ont pu être mises en place durant cette étude. Ces grains de pollen anormaux pourraient résulter de dysfonctionnements méiotiques conduisant à une division non réductrice. Ce processus, appelé restitution nucléaire méiotique, a été décrit par Ramanna (1979) comme : « la formation d’un seul noyau avec un nombre de chromosomes non réduit, dû à l’échec de la première ou de la seconde division méiotique » (cité par Bretagnolle and Thompson, 1995). Lors de la restitution de la première division, celle-ci se déroule comme une mitose, sans qu’il y ait appariement et séparation des chromosomes homologues. La seconde division, par contre, se déroule normalement.