Les étapes de modélisation d’une situation de crise proposée

Les étapes de modélisation d’une situation
de crise proposée

A la suite d’un évènement majeur, les décideurs doivent pouvoir suivre les évolutions de la crise grâce aux observations des parties-prenantes et aux informations circulant au sein de la collaboration. Ils souhaitent aujourd’hui accéder à une meilleure connaissance des risques, des vulnérabilités ou des procédures existantes. Pour les aider, et faciliter la collaboration de crise, les travaux présentés dans ce manuscrit vise à étudier, définir et implémenter un système d’information capable de : — collecter en continu des données de l’Internet des évènements ; — interpréter les données collectées en informations structurées sous forme de modèle de la situation de crise ; — contrôler la véracité, le volume et la vélocité des informations communiquées aux décideurs en cellule de crise. Les états de l’art présentés au chapitre 2 ont permis d’identifier des méthodes pour chacune de ces étapes, mais aucun ne proposait un outil transversal. Ce chapitre propose donc de mettre au point un système d’information pour modéliser les informations interprétées à partir des données disponibles aux cellules de crise. Le modèle obtenu pourra alors être (i) exploité par le projet Granularité des Niveaux de Pilotage (GéNéPi) (cf. section 1.4.2), ou le logiciel RIO-Suite (cf. Chapitre introductif), pour déduire un processus de réponse au profit de la collaboration de crise, ou (ii) utilisé directement en cellules de crise pour soutenir les prises de décisions. Il prendrait alors la forme d’une Common Operational Picture (COP). La figure 3.1 illustre l’organisation de ce chapitre qui présente étape par étape l’architecture proposée. La Section 1 détaille le métamodèle qui structurera les informations disponibles, tout en s’adaptant aux évolutions de la crise en cours. La Section 2 présente les techniques utilisées pour collecter les données provenant de l’Internet des évènements, tout en gérant la vélocité de ses données. La Section 3 détaille comment le module d’interprétation transforme les données collectées en un modèle de situation fidèle à la situation de crise en cours, tout en gérant le volume, la vélocité et la véracité de ses informations. Enfin, la Section 4 présente l’architecture proposée, réunissant les fonctions de collecte, d’interprétation et de structuration détaillées dans les sections précédentes.

Un métamodèle configurable comme structure de référence

Pour commencer la conception du système d’information recherché, cette section s’intéresse à la définition d’un métamodèle complexe, généraliste et configurable (cf. section 2.5). Comme identifié à la section 2.6, le métamodèle le plus à même de répondre à nos besoins est le métamodèle proposé par Benaben et al. (2017).

La structure en couches

Le métamodèle choisi s’organise en couches, autour d’un noyau central appelé Cœur, dédié à la modélisation de collaborations d’organisations (Bénaben, 2012) : — le Cœur englobe les concepts permettant de décrire tout type de collaboration. — les Couches thématiques englobent des concepts spécifiques à un domaine métier. Chacun de ces concepts hérite (directement ou indirectement) d’un concept décrit dans le Cœur. La Figure 3.2 présente cette structure, sélectionnée pour représenter tout type de collaborations de crise. Selon (Bénaben, 2012), tous les concepts peuvent être associés à trois groupes distincts, commun à toutes les couches du métamodèle : — le Contexte pour décrire l’environnement de la collaboration ; — les Partenaires pour décrire les partenaires de la collaboration ; — les Objectifs pour décrire les objectifs de la collaboration. Les concepts des couches thématiques peuvent être déclinés selon un type d’environement particulier. Ainsi, une collaboration de crise peut se modéliser à partir des concepts dédié à un type de danger comme les crues (cf. chapitre 4) ou les crises routières Macé-Ramète et al. (2012). Trois exemples d’utilisation de ces couches externes sont proposés sur la Figure 3.2 : (de gauche à droite) une crue simulée de la Loire, une crise routière et la catastrophe qui suivit le séisme de T¯ohoku-chih¯o. Ce fonctionnement est similaire à l’organisation régissant la rédaction de plans d’urgence en France : officiellement, toutes les parties-prenantes se réfèrent à un seul plan, adapté à tout type de crise : le plan Organisation de la Réponse de SEcurité Civile (ORSEC). Ce plan générique est ensuite décliné par niveaux de granularité (zone de défense, préfecture ou mairie) et selon la nature des dangers menaçant les territoires concernés. Le plan ORSEC encadre par exemple le plan Canicule de la préfecture de Haute Garonne (Préfecture31, 2018) ou le plan ORSEC spécifique aux inondations (DGSCGC, 2016). La structure en couches permet aussi, et surtout, de généraliser ou spécifier les mécanismes d’interprétation qui seront utilisés par le système d’information proposé dans ce chapitre. Les équations ci-dessous illustrent ainsi comment une règle d’interprétation de la couche Crise (cf. équation 3.1) peut être spécifiée à la couche « Crise routière » (cf. équation 3.3) (Macé-Ramète, 2015) ou généralisée à la couche Cœur (cf. équation 3.2). 

Le métamodèle Cœur pour représenter une situation collaborative

 La Figure 3.3 présente les concepts du Cœur. Les modèles de situation qui seront issus de ce métamodèle décriront tous leur propre situation collaborative, à partir du même ensemble de concepts et du même ensemble de relations : Une Collaboration est constituée de Partenaires souhaitant mettre à disposition certaines de leur Capacités pour poursuivre des Objectifs communs. Pour les atteindre, elle peut mettre en œuvre des Activités utilisant ses capacités et définissant ainsi son Comportement. Les Caractéristiques, particulières à leur environnement de collaboration, génèrent des Opportunités ou des Menaces qui peuvent se matérisaliser sous forme d’Evènements, pouvant pousser la collaboration à redéfinir ses propres objectifs. La collaboration peut récupérer des données caractérisant certains Eléments de son environnement, et provenant de Sources de données à sa disposition. Elle peut aussi faire appel à des Procédures dédiées à répondre à un objectif précis et regroupant plusieurs capacités. Un exemple d’instanciation de ce métamodèle est disponible en Annexe D.

La couche dédiée à la modélisation d’une situation de crise 

Maintenant que nous pouvons structurer les informations pouvant décrire tout type de collaboration, nous pouvons nous intéresser aux collaborations de crise. Cette couche est la dernière qui sera commune à toutes les situations de crise auxquelles devra faire face notre système d’information. La version utilisée par les travaux présentés dans ce manuscrit est proposée sur la Figure 3.3 et reprend les travaux de Bénaben et al. (2008); Lauras et al. (2015) sur la modélisation des situations de crise. Les concepts spécifiques à la gestion de crise sont tous définis dans le Glossaire et nos définitions sont explicitées ci-dessous : Une Collaboration de crise est constituée de Partenaires souhaitant mettre à disposition certaines de leurs Capacités pour atteindre leurs Objectifs communs visant à prévenir les Risques et traiter les Incidents dus à l’évènement majeur. Certaines Caractéristiques du théâtre de crise peuvent générer de nouvelles zones de Danger et de nouveaux Risques. Les enjeux menacés sont des Éléments de l’environnement qui regroupent : — les Infrastructures critiques décisives pour nos sociétés (Rozel, 2009), comme les réseaux électriques, ou les services d’urgences ; — les Bâtiments sensibles qui sont considérés comme prioritaires face à la gestion d’un risque. Parmi eux on retrouve les prisons, les écoles, etc

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