Réactions multicomposant et isonitriles
En effet, il implique l’utilisation d’une grande quantité de solvants, ce qui génère un coût important, et une perte de temps significative du fait des multiples opérations d’extraction et de purification qu’il est nécessaire d’effectuer. Le rendement d’une synthèse séquentielle, est, en outre, relativement médiocre, puisqu’il résulte des rendements successifs des différentes réactions mises en jeu. Une synthèse divergente est ainsi aux antipodes de ce que serait la synthèse idéale, à savoir une voie de synthèse qui permettrait d’obtenir avec un bon rendement le composé désiré en un minimum d’étapes, et ce, en utilisant des réactifs peu onéreux et qui permettent de réduire l’impact environnemental autant que faire se peut. (MCRs), qui permettent l’obtention one-pot de la molécule cible à partir de trois produits de départ ou plus, sont un outil de choix pour assurer la convergence d’une stratégie de synthèse (schéma I.1). Elles sont constituées de plusieurs étapes élémentaires correspondant aux ruptures et formations des différentes liaisons impliquées dans le processus, et sont d’autant plus efficaces si l’une de ces étapes est irréversible. Ces réactions permettent d’obtenir très rapidement des molécules d’une grande complexité, et, par ailleurs, la variation d’un des produits de départ augmente considérablement la diversité des structures accessibles. En tant que telles, elles intéressent tout particulièrement l’industrie pharmaceutique pour la création de chimiothèques destinées au criblage à haut débit, ce qui explique le fort développement qu’elles ont connu ces dernières années.
En 1882, Hantzsch réalise la première synthèse multicomposant d’hétérocycles. Il est en effet parvenu à former des 1,4-dihydropyridines par la réaction d’un aldéhyde avec deux équivalents de β-cétoester en présence d’ammoniaque en 1891 (schéma I.3). , découverte en 1912. Il s’agit de la condensation d’un aldéhyde, d’une amine secondaire et d’un composé carbonylé énolisable, qui aboutit à la formation d’une β-aminocétone. Parmi les nombreuses synthèses de produits naturels qui ont utilisé la réaction de Mannich, nous pouvons citer celle de la tropinone, réalisée par Robinson multicomposant n’a cessé de croître au cours du XXème siècle. Leur essor a été étroitement lié au développement de la chimie des isonitriles, et de nos jours, la plupart de ces réactions font appel à la réactivité unique de ces composés Les diverses voies de synthèse proposées au cours du siècle suivant se sont systématiquement avérées complexes et peu satisfaisantes. Ceci explique en partie pourquoi la chimie des isonitriles a été largement sous- exploitée durant cette période, l’autre raison étant probablement liée à l’odeur extrêmement désagréable que dégagent ces composés, tout du moins les éléments les plus simples. Il a donc fallu attendre les années 60 et la mise au point par Ugi de deux méthodes de préparation efficaces et aisées à mettre en œuvre pour que la réactivité si particulière des isonitriles soit exploitée à sa juste valeur et que des réactions importantes les impliquant soient découvertes. La première voie de synthèse découle directement des travaux d’Hoffman, qui, en 1867, a proposé de synthétiser des isonitriles en réalisant la condensation d’une amine primaire sur le chloroforme, en présence de potasse9 (schéma I.6). Cette méthode, dite carbylamine, présentait toutefois les mêmes défauts que celle de Lieke, à savoir qu’elle n’était applicable qu’à un nombre restreint de composés, et qu’elle conduisait à des mélanges d’isonitriles et de nitriles, ainsi qu’à la formation d’autres produits secondaires.
Le carbone divalent des isonitriles confère à ces composés une réactivité unique. L’analyse des orbitales frontières montre que c’est sur l’atome de carbone que sont situés les plus gros coefficients de la HO et de la BV, ce qui indique que les électrophiles comme les nucléophiles vont, sous contrôle orbitalaire, se fixer sur l’atome de carbone terminal de la fonction isonitrile (schéma I.11). On voit ainsi apparaître la possibilité de faire réagir sur un même atome de carbone à la fois un électrophile et un nucléophile, propriété qui donne aux isonitriles un intérêt tout particulier. Les -additions d’espèces anioniques et cationiques constituent le premier type de réactivité des isonitriles. Si une liaison multiple est présente dans le radical imidoyle obtenu de la sorte, une cyclisation radicalaire intramoléculaire peut alors avoir lieu. Ainsi, l’affinité des isonitriles pour les radicaux a pu être exploitée pour la formation d’hétérocycles, comme l’ont fait Saegusa , dont ils ont tiré parti pour la préparation de divers produits naturels (schéma I.13).