Apprendre et enseigner à l’ère du Numérique
Une pédagogie active
Arrêtons-nous quelques instants sur ce concept de pédagogie active. La pédagogie mise au point par Célestin Freinet durant la première moitié du 20e siècle, centrée sur les enfants et cherchant la plus forte implication possible combiné à un développement personnel le plus harmonieux possible, nous semble une belle illustration de ce concept. Freinet détaille dans son livre (1964), via trente invariants pédagogiques les principales techniques et découvertes de la pédagogie qui porte son nom, pédagogie appliquée de nos jours dans de nombreuses écoles en France (929 établissements) 173 . De manière synthétique, quatre aspects sont pris en compte : (1) la nature de l’enfant (respect et considération par l’adulte), (2) les réactions de l’enfant (minimisation des effets de l’autorité, de la discipline, des tâches ingrates ou floues, d’un travail trop imposé, du manque de motivation à la tâche), (3) l’intérêt du travail et des tâches proposées (la joie d’apprendre et d’enseigner, des dispositifs engageants et interactifs, soutenir la réussite) et (4) les techniques éducatives (instruction par l’action et le tâtonnement expérimental avec un matériel pédagogique très diversifié, via une démarche inductive plutôt que déductive, seul et en groupe, en minimisant les longs cours magistraux, le contrôle, les sanctions, les notes, les classements). Il apparait une typologie des dispositifs pédagogiques basée sur trois paramètres principaux : la centration du cours (sur l’enseignant ou l’apprenant), l’interaction (ou non) et l’instrumentation pédagogique. D’où le lien avec la typologie de Chamberland.
La typologie de Chamberland
Chamberland, Lavoie et Marquis (2003) ont formalisé cette typologie : • Selon le degré de contrôle de l’apprentissage : la méthode est magistrocentrée ou pédocentrée. • Selon que l’apprentissage se réalise à plusieurs : la méthode est sociocentrée ou individualisée. • Selon l’importance des médias et outils pédagogiques (polycopiés, livres, jeux, matériel pédagogique, outils numériques, etc.) : la méthode est médiatisée ou non médiatisée. Toute transformation pédagogique requestionne donc une ou plusieurs de ces trois dimensions. Pour Raynal et Rieunier (2010), pratiquer des formes de pédagogies actives, revient à « créer une situation d’apprentissage motivante, qui entraîne une implication intellectuelle, affective et/ou psychomotrice de la part des étudiants. Cette activité s’exerce toujours sur des objets réels ou sur des symboles. Un enseignant provoque un apprentissage actif lorsqu’il met les étudiants dans des situations qui les incitent à concevoir un projet, à le mettre en œuvre et à réfléchir à ce qu’ils font et à partir de ce qu’ils font. ». La pédagogie active dont il est question le plus souvent, oriente donc le contrôle de l’apprentissage vers l’apprenant et son projet, se réalise fréquemment en groupe et en utilisant du matériel pédagogique et des médias. Dans la typologie de Chamberland et al (2003), cela correspond à un dispositif pédocentré, sociocentré et médiatisé. L’installation d’une pédagogie active amène toujours à se poser la question suivante : est-il préférable de commencer par la théorie ou par la pratique ? Le cycle de David Kolb revient souvent dans les articles qui abordent cette question.
Le cycle de Kolb
Kolb (1984) pense que le plus haut niveau d’apprentissage peut être atteint lorsque la personne « combine les quatre modes du processus d’apprentissage », notamment si le cycle complet des quatre modes est effectuée durant une séquence d’apprentissage : • Une première étape d’expérimentation concrète • Une seconde étape d’observation réflexive portant sur le périmètre de l’expérimentation • Une troisième étape de conceptualisation par inférences, pour généraliser • Une quatrième étape de validation du modèle par expérimentation plus globale
La transposition didactique de Chevallard
L’enseignant doit donc être conscient de la nécessaire transposition didactique qui « d’un savoir à enseigner, fait un objet d’enseignement » (Chevallard, 1985, p. 39). Chevallard définit cette transposition didactique comme le passage du « savoir savant » au « savoir à enseigner » (transposition didactique externe), et du « savoir à enseigner » au « savoir enseigné » (transposition didactique interne). Il détermine ainsi quatre types de savoirs : les savoirs savants, les savoirs à enseigner, les savoirs enseignés et les savoirs appris. Ainsi, une transformation pédagogique peut porter sur une transposition didactique de plus grande qualité, accessible et au niveau requis des apprenants, et s’intéresser aux savoirs appris et non seulement au processus, aux tâches ou au déroulement des cours. Cela conduit à se questionner sur l’évaluation comme outil de mesure mais également comme outil de formation puisqu’elle fait partie du processus d’apprentissage. Dès lors l’évaluation, étant in fine individuelle, mène à la pédagogie différentiée ou différentiation pédagogique.